lundi 26 décembre 2011

Règlement Interne de l’Assemblée Nationale Constituante et Open Government : Des Textes à clarifier et Un rôle accru pour les élus.

Depuis que j’étais invité à rejoindre le groupe OpenGovTn rassemblant des élus de l’Assemblée Nationale Constituante et des Citoyens Tunisiens, je me suis un peu attardé à se documenter sur cette initiative pour pouvoir y apporter le plus dont je suis capable.
Après une documentation générale (qui reste insuffisante), je me suis rendu compte que l’initiative est extraordinaire. Mais je dois avouer que la conception que les gens (élus y compris) se font de cette initiative me parait relativement insuffisante puisqu’on s’y attarde davantage sur le coté transparence sans insister sur le coté participatif.
En effet, si on veut résumer au maximum cette notion, on pourra y voir une technique de transparence mais aussi un mécanisme assurant la participation du citoyen à la mise en place de la politique de l’Etat.
Travailler avec les citoyens de manière transparente et collaborative ne peut être que bénéfique pour les autorités et les détenteurs du pouvoir de la décision.
Mardi prochain, l’Assemblée Nationale Constituante entamera les débats à propos de son Règlement Interne. Des élus et des Citoyens ont manifesté une volonté de mettre en avant première cette initiative pour, éventuellement, agir sur des dispositions du dit texte afin de concrétiser certains principes de l’Open Government.
Même s’il est vrai que des dispositions du règlement ne sont pas en conformité avec cette initiative, il ne reste pas moins que les élus et les citoyens doivent assumer certaines obligations et remplir un certain devoir pour participer activement à la réussite d’une telle expérience.
Ainsi, il devient nécessaire de relever les dispositions à « amender » et préciser le rôle des élus et des citoyens qui ne dépend pas des textes.

La Transparence :

Pour certains, l’Open Government est avant tout la transparence. Pour le cas de notre Assemblée Nationale Constituante, certains mettent en évidence 2 éléments clé : les données sur les opérations de vote et l’accès aux documents de l’ANC.

Les dispositions relatives au scrutin :

Le Vote est l’un des actes les plus importants voir l’un des pouvoirs les plus puissants dont dispose un élu.
Sur le plan juridique, le vote est la manifestation de l’exécution de l’élu de son mandat. Son mandatant étant le peuple, il est légitime pour les électeurs de savoir si leurs élus ont respecté leurs engagements pour les quels on les a élu ou en fonction des quels les électeurs ont donné leurs voix.
Un élu qui prône durant sa campagne électorale la lutte contre la corruption et qui vote contre des textes tendant à atteindre ce but est un élu qui trahit non seulement son programme et ses promesses, mais aussi, il trahit ses électeurs et viole son mandat.
Certes, le mandat impératif est interdit ; mais parler de cette notion pour des questions sur les quelles une bonne partie du peuple est unanimement favorable devient de l’insensé.
Ainsi, connaitre le sens et la teneur des votes des élus devient une demande légitime de la part des citoyens.
Mais au vu des opérations de vote qui se sont déroulées au sein de l’ANC depuis sa mis en place, on se demande si une telle transparence a été respectée ?
A moins que des yeux magiques et discrets veillaient sur de telles opérations (sans que l’on sache), aucune opération de vote n’a comptabilisé les votes personnels des élus. On ne sait pas qui a voté pour, contre ou qui s’es abstenu !!
C’est dans ce sens que certains appellent à ce que le vote électronique soit adopté comme technique « par défaut » pour toutes les opérations de vote se déroulant au sein de l’ANC.
Même si je suis conscient qu’un tel mécanisme reste le meilleur pour une parfaite comptabilisation des votes des élus, je reste néanmoins sceptique sur sa considération comme étant l’unique et le meilleur mécanisme.
D’abord, faut-il souligner que pour que ce mécanisme soit aussi parfait qu’on le souhaite, faut-il qu’il soit aussi étendu aux opérations de vote au sein des commissions. !
Ensuite, faut-il aussi remarquer que par le jeu des « groupes parlementaires », le vote électronique peut être gouverné par la « clé », une technique permettant au président du groupe de monopoliser le vote faussant ainsi toute idée de comptabilisation.
Il est certains que la meilleur technique permettant une parfaite comptabilisation des votes reste l’appel nominatif. Certes l’opération est lourde, mais y a pas meilleur technique assurant la transparente qu’elle.
Le projet du règlement interne de l’ANC contient plusieurs dispositions relatives aux opérations de vote dont notamment les articles 15 (Vote électronique), 67 (vote à main levée dans les commissions), 103 (caractère personnel du vote) ou l’article 105 relatif au vote dans les séances plénières et qui met le vote à main levée comme premier mécanisme à adopter.
Ces dispositions ne favorisent pas une transparence absolue et efficace des votes. Pour y arriver, faut-il ajouter une disposition générale qui précède l’article 15 ou qu’elle y soit intégrée disposant que tous les votes des membres soient comptabilisés nominativement. Ainsi, la commission créée pour le recensement des voix et le contrôle des opérations de votes devra trouver la bonne technique pour comptabiliser les voix des élus quelque soit le mécanisme de vote choisi.

Les dispositions relatives à la publication des Travaux

L’une des meilleurs innovations du règlement interne de l’ANC c’est sa disposition courageuse de consacrer le principe de la publicité des travaux des commissions.
Ainsi, l’Article 62 dispose que «  Les réunions des commissions sont publiques et les médias peuvent y assister. Le Président de la commission ou son Bureau peur décider le huis clos ».
On aurait pu faire mieux en diversifiant les réunions des commissions comme c’est le cas de certaines assemblées qui ont adopté des pratiques parlementaires modernes favorisant l’interactivité entre Société Civile et parlementaires et détenteurs de pouvoir de décision.
En revanche, et à part la disposition de l’article 62, d’autres dispositions ne favorisent pas le sens de transparence. On peut citer l’article 44 qui dispose que les «  les réunions de la conférence des Présidents sont à huis clos. ». Au vu du rôle important assigné à cette instance, on aurait prévu , au moins, l’obligation de communiquer un compte rendu de ses travaux.
Idem pour l’Article 82 qui laisse à la dite instance le droit exclusif de communiquer ou non les rapports des deux Commissions du suivi. Traitant des questions de haute importance (Corruption, Martyres, …), on aurait prévu au moins la publication de ces rapports sur le site de l’ANC sans être obligé de les soumettre à la plénière. Le sens de l’article laisse entendre que de tels rapports peuvent être classés sans suite et personne ne prendra connaissance de leur teneur.
C’est la même remarque qui s’applique aux rapports des commissions d’enquête dont l’article 84 laisse à la Conférence des Présidents le choix entre donner suite à leurs conclusions ou Classer leurs rapports !!
Il est à noter que les articles précités dénotent d’une certaine confusion entre publication des rapports et donner suite aux conclusions de ces rapports. Il était préférable que ces rapports soient publiés sur le site même si la Conférence des Présidents décide de ne pas les soumettre à la plénière. Faut-il néanmoins donner une justification à la décision de « classer ».

La Participation

Il est certain que l’une des caractéristiques la plus importante, à mon avis, est la participation citoyenne à la mise ne place de la Politique du Pays. Si on permet au citoyen un accès aux données, c’est pour lui permettre de donner ses avis en fonction des données dont il dispose.
Ainsi, il n’est pas suffisant de demander à l’ANC de mettre « ses données » au libre accès des citoyens, faut-il aussi que les élus, d’une part, et les citoyens, d’autre part, participent activement aux travaux de la dite Assemblée.

Rôle des élus

Les élus de l’ANC peuvent jouer un rôle primordial dans l’open Government.
D’abord, l’article 63 permet à « Tout élu non membre d’une commission … d’assister à ses réunions, exposer ses points de vues à propos du sujet mis à l'étude et à participer au débat… »…il a aussi « le droit d'exprimer son opinion par voie écrite et de formuler ses propositions à propos de tout sujet soumis à la dite commission. ».
Cependant, l’article en question autorise la commission à refuser les dites propositions sans aucune autre disposition l’oblige à les mentionner dans ses rapports.
C’est pour cette raison que les élus doivent faire connaître leurs propositions par tous les moyens (Web, Blog, articles dans les journaux…).
Ensuite, et dans le même sens des remarques soulevées à propos des rapports des commissions de suivi et d’enquête, les articles 132 et 133 relatifs aux questions écrites et orales que les élus peuvent adresser au gouvernement ou à l’un de ses membres, permettent au Président de l’ANC de les rejeter en cas de non-conformité aux conditions énumérées par les dits articles.
Pour pallier à cette lacune, il serait intéressant de voir les élus publier leurs questions en les justifiant pour permettre aux citoyens de juger le bien fondé du rejet ou de l’acceptation.
Il est certain que la publication par les élus de leurs propositions ou questions pourra permettre aux citoyens d’intervenir soit pour les argumenter davantage soit pour leur apporter les correctifs nécessaires.

Action citoyenne

C’est l’aspect le plus faible du Règlement Interne de l’Assemblée Nationale Constituante.
Aucune disposition ne véhicule directement ou indirectement une participation citoyenne aux travaux de la dite Assemblée, surtout, à propos de la Constitution.
Certes, il existe des articles favorisant l’accès du citoyen à l’enceinte de l’Assemblée tel que l’Article 30 qui charge L'Assistant du Président en charge des relations avec les citoyens et la société civile d’Organiser L’accueil des citoyens, coordonner leurs mise en contact avec les élus, Fournir des données et des informations relatives à l'Assemblée nationale constituante et à ses activités sous différentes formes et les mettre à leur disposition, d’établir l’interactivité de l’Assemblé avec la société civile et de recevoir les pétitions et les transmettre au Bureau pour les traiter.
Cette disposition, générale soit elle, pourrait être une source à partir de la quelle on pourra établir des mécanismes permettant aux citoyens de participer à la rédaction de la Constitution via des forums, des réunions interactives ou même des contacts directs.
Jusqu’ici, le seul moyen qui a permis aux citoyens de se faire entendre par l’Assemblée était le Sit-in.
Il serait absurde que l’ANC ne devance pas les évènements en mettant en place un mécanisme assurant le contact avec la société civile et les Citoyens leur permettant non seulement l’exercice de leur « droit de revendiquer » mais aussi leur Droit et Devoir de Participer.

1 commentaire:

jazem a dit…

Excellent article Adel. Cela mérité d'être largement diffusé !