mercredi 5 juin 2013

A propos des dispositions transitoires : un point critique

J’étais convaincu dès le départ que ces dispositions présentent le volet le plus critique de la Constitution. Les « vrais » spécialistes des rédactions des textes législatifs savent très bien que ce sont les dispositions les plus compliquées à rédiger.

Ce n’est pas réellement une affaire de constitutionaliste, mais elle nécessite une technicité pointue et très prudente.

Voilà le problème comment se présente :

Nous avons une Constitution qui entrera en vigueur avec des dispositions qui vont chambarder tout le système juridique tunisien. Des simples armoiries de l’Etat au chapitre 7 relatif au pouvoir local, Le projet de la Constitution impliquera d’énormes chantiers législatifs et matériels pour se conformer à ses dispositions. Je peux vous assurer que ca va nous couter les yeux de la tête. Ainsi, changer l’armoirie par l’effet de la modification apportée à la devise de l’Etat et la nomination de la chambre en une Chambre de représentants du peuple, impliqueront à elles seules tant de travail pour faire adapter les législations et la destruction de tous les supports avec cette armoirie ancienne de 3 valeurs (Liberté, Ordre justice) pour leur substituer une nouvelle armoirie de 4 valeurs (liberté, dignité, justice, ordre). Coût financier : énorme.

Mais la devise de l’Etat est conforme plus ou moins aux aspirations de la révolution par cette intégration du mot « dignité » et les coûts peuvent être justifiés.

Pour le reste, l’adaptation législative est colossale et un travail de fourmi devra être effectué pour ne laisser aucune place au vide.

Tout doit être vu, lu et révisé à la loupe.

C’est pour cette raison, que partout dans le monde, on prévoit une entrée progressive des nouvelles dispositions.

Parmi les dispositions ajoutées au projet initial proposé, une disposition prévoyant qu’entre l’adoption de la constitution et l’élection d’une nouvelle Chambre de représentant de peuple , l’ANC pourra promulguer des lois ou créer des institutions pour assurer la bonne application de la Constitution.

Aujourd’hui, cette disposition est contestée par certains qui lui affectent des interprétations diverses.

A mon avis, c’est la seule disposition qui ne devra pas être touchée. L’écarter, c’est ouvrir tout simplement la voie à l’inconnu et l’inévitable.

Il faut comprendre le sens de cette disposition :

Incontestablement, le projet de la constitution dans sa version du 1er juin 2013, est tellement détaillé qu’il laisse ouvert la possibilité de découvrir des lacunes engendrées par ces propres détails.

A force de chercher un consensus, plusieurs dispositions ont été techniquement très mal rédigées.

A force de vouloir pallier à toutes les éventualités, le texte a essayé de leur apporter des solutions appropriés, et à titre exclusif.

Par la fatalité qu’une Cour Constitutionnelle ne pourra voir le jour qu’après élection d’une chambre, d’un président de la République, la désignation d’un chef du gouvernement et la mise en place d’un Conseil Supérieur de la Magistrature…

Par le fait qu’une fois Adopter la Constitution, l’ANC ne pourra rien faire si elle découvre par la suite qu’elle a omis un truc ou a très mal rédigé un article qui menace sérieusement la mise en place des dispositions de cette même Constitution, étant donné que le texte de l’OPPP ne lui donne aucun pouvoir de prendre des textes post-Constitution,

Il était évident de pallier à ce vide.

Autrement, une fois la Constitution adoptée et promulguée, la découverte d’un vice, d’ un défaut, d’un problème technique engendré par ses propres dispositions, menaçant d’une manière ou d’une autre le système ou une phase constitutionnelle importante, on sera, sans cette dispositions, dans la merde.

Car pour la corriger, il faut attendre une élection d’une nouvelle chambre et trouver une majorité requise pour amender la Constitution. Ce qui n’est pas aisé.

Cette disposition est là comme « Faut mieux prévenir que guérir ».

Aujourd’hui, certains considère cette disposition comme ouvrant la voie à une main mise d’un parti politique sur la Constitution et un moyen de s’éterniser au pouvoir.

Peut être ils ont raison…

Mais faut juste rappeler que cette disposition n’est pas l’œuvre de la Troïka.

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