dimanche 2 juin 2013

Le paradoxe d’un projet de Constitution

Un ami me téléphone tôt ce matin :

-« Sbah el khir AdeL, c’est quoi cette merde que vous avez écrit ? Mettez-la à la poubelle »

- « isabbhek bel hnè welkhir ; de 1, ce n’est pas moi qui l’ai écrite ; de 2, pourquoi c’est une merde à mettre à la poubelle ? »

- « bien sûr, c’est quoi cet article 141 ? »

- « qu’est ce qu’il a cet article ? »

- « il dit que l’Islam est la religion de l’Etat »

- « et quoi autre ? »

- « je ne sais pas »

- « t’as lu tout l’article ? »

- « Non, mais tout le monde sur Facebook en parle ».

Un seul tiret d’un article et c’est 146 articles qui doivent partir en fumée !!!

Durant cette semaine, j’ai vu des élus Nahdha déçus des concessions qui ont été faites par leur parti concernant les articles 6 et 48 ; j’ai vu des élus du CPR révoltés de voir leur projet sur les prérogatives du président de la république n’aboutit pas entièrement ; j’ai vu des élus du groupe démocratique inquiets de ce 1er tiret 141 ; j’ai vu aussi des élus « Wafa » manifester leur refus de principe pour plusieurs amendements mais ont accepté amèrement les accords conclus. Sans parler des membres des commissions constituantes qui se sentent trahis par le comité mixte de coordination et de rédaction (CMCR).

Alors, qui est content ?

Personne n’est content. Tout le monde n’est pas satisfait de ce projet.

Chacun refuse ce projet pour une raison qui lui est propre. Il n y trouve pas sa vision, du coup il le refuse, et en entier !!!

Et pourtant, même écrite à partir d’une feuille blanche sans la moindre coordination entres les différentes commissions qui l’ont rédigé (une grande lacune), ce projet s’est vu doté d’une philosophie générale qui aurait dû lui garantir le qualificatif « un excellent projet ».

Je me rappel d’une discussion aux bords de La Saône (Lyon) avec Mr Fadhel Moussa à l’occasion du débat national où il me disait qu’avec des retouches, ce projet et tout le processus constitutionnel sont dignes d’être enseignés dans les universités de droit et sciences politiques les plus prestigieuses, et dans le monde entier.

Oui, je suis aussi du même avis. Encore plus aujourd’hui, car des retouches lui ont été apportées, d’autres suivront, inchallah. un pré-sentiment me le dit, et fortement. Tous ses maux seront corrigés.

Prenons ce projet dans sa globalité et regardant de près : on trouvera tout un dispositif contre le despotisme, la dictature, l’oppression. Théoriquement, Aucune Chance pour voir un despote régner sur la Tunisie.

Les chapitres 1 et 2 ont mis en place un dispositif juridique garantissant les droits et liberté. Avec l’ajout de l’article 2, l’amendement de l’article 6 et un article 48 qui boucle le tout, aucun risque de voir nos droits et libertés limités ou entravés.

Pour les chapitres 3 et 4, la gestion du pouvoir est faite de manière à ce que personne ne puisse les concentrer entre ses mains. Ainsi, le pouvoir exécutif (toujours source de despotisme) s’est vu scindé en 2 avec des compétences respectives et Une Cour Constitutionnelle qui veille au respect des taches.

Issu d’une institution parlementaire, je ne peux qu’approuver le rôle et les prérogatives attribués à la chambre même si je ne voix pas des attributions excessives. Au contraire, on aurait pu lui donner plus.

Les risques d’abus provenant d’une assemblée sont minimes et rarissimes. Un cadre partisan actif et veillant au grain est une garantie pour voir une assemblée efficace.

Sur un autre plan, le pouvoir central a été affaibli par ce chapitre 7 avec un pouvoir local légitime et autonome. Un chapitre 6 avec ces instances constitutionnelles indépendantes jouant un rôle de modération et de régulation.

Enfin, et surtout, un pouvoir judiciaire indépendant muni de garanties avec Une Cour Constitutionnelle qui veille sur la Constitution.

Voila la philosophie générale de ce projet.

Hélas ! tout ceci n’intéresse personne. Chacun ne regarde que depuis son angle de vue.

Je ne dis pas que ce projet est parfait. Au contraire, j’ai toujours dit que c’est lacunaire. Techniquement, la rédaction est parfois aléatoire…parfois, elle laisse même à désirer.

Je suis partisan de la rigueur des textes juridiques mais je ne pouvais pas aller au-delà de mes obligations professionnelles. Quand le politique prend le dessus, il faut s’attendre à un texte juridique pathologique et souffrant. Et ce projet en souffre beaucoup.

Ainsi, donner explicitement une valeur juridique au préambule m’a paru excessivement recherché. Refuser la citation de notre appartenance méditerranéenne dans ce même préambule m’a tristement marqué.

J’aurais aimé que la Cour Constitutionnelle soit autrement formée et composée ; hélas !

Je reste néanmoins très inquiet de ce qu’on fera des dispositions de ce chapitre 7. Ce chapitre dont personne n’a osé révéler ses dangers cachés.

Je peux dresser des critiques sur tous les articles de ce projet, mais je ne suis pas un partisan des détails. Je prends ce projet dans sa globalité pour voir ses +. Je ne pars pas d’un tiret merdique pour rejeter le tout. Ce fatalisme n’été jamais mon fort.

Optimiste ? Oui, je l’été, je le suis et je le serais toujours.

Nous aurons encore 2 mois, et peut être même plus, pour voir nos élus se rapprocher les uns des autres.

Faire des Concessions ou en obtenir doit être toujours un acte à applaudir de part et d’autres. Tout le monde sera content.

Monter les uns contre les autres les rendra furieux et les fera perdre la raison…et tant d’acquis partiront facilement avec, en fumée.

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