samedi 2 novembre 2013

Les dispositions transitoires : les vrais enjeux

Personne ne peut nier que le chapitre 10 du projet de la Constitution relatif aux dispositions transitoires était l’un des chapitres les plus contesté. On doit avouer que sa rédaction était très malheureuse.

Mais ce n’est pas vraiment la vraie raison de sa contestation.

Chapitre très technique ne devant poser aucun problème, il se trouve par l’effet de la conjoncture politique actuelle, le chapitre où se situent tous les enjeux.

Comment on s’est trouvé là ?

D’abord, traitons techniquement parlant ces dispositions.

Les dispositions transitoires sont des dispositions relevant de l’application du droit dans le temps. Elles sont des règles de droit spécial, à durée limitée, destinées à faciliter le passage d’une norme en vigueur à une nouvelle norme.

Ces dispositions se situent normalement entre les dispositions abrogatoires et la disposition d’entrée en vigueur.

Retenons bien ces notions : entrée en vigueur ; dispositions abrogatoires ; le passage de norme en vigueur à une nouvelle norme et durée limité des dispositions.

Retenons aussi ceci : non seulement La Constitution a insaturé de nouvelles normes juridiques, mais elle a mis en place de nouvelles instances constitutionnelles (Cour Constitutionnelle ; instances indépendantes ; Conseil supérieur de la magistrature…).

Retenons aussi que Présidence de la République, Chef du Gouvernement et Parlement seront des pouvoirs qui seront affectés par la nouvelle Constitution (pouvoirs ; mode d’élection et de désignation…).

Entrée en Vigueur :

L’entrée en vigueur de la Nouvelle Constitution immédiatement après sa promulgation va provoquer ipso facto une non-conformité d’une bonne partie de notre législation à cette norme suprême mais aussi des institutions (Présidence de la république ; Assemblée Nationale Constituante ; chef du gouvernement ; instance provisoire de la magistrature ; etc…).

La législation en vigueur qui risque de se trouver non conforme à la Constitution trouve encore son fondement dans la Constitution de 1959 qui n’a pas été expressément abrogée par le texte de l’OPPP.

Les institutions citées ci-dessus sont régies par le texte de l’OPPP.

Pour éviter tous les problèmes, le chapitre 10 du projet de la Constitution a prévu une entrée en vigueur progressive et n’a pas abrogé le texte de l’OPPP.

D’où une 1ère contestation : l’abrogation.

Les Dispositions abrogatoires :

Le projet de la Constitution (version 1er Juin 2013) n’a pas prévu des dispositions abrogatoires.

Les critiques visaient à citer explicitement l’abrogation du texte de l’OPPP.

Et voilà la 1ère bataille : maintenir (même pour une durée bien déterminée) ou abroger le texte de l’OPPP ?

Et c’est là où se situe la grande problématique.

Pour l’opposition, l’ANC a été élue pour établir une Constitution. Une fois ce texte adoptée, cette ANC doit disparaitre sans même attendre la mise en place d’une nouvelle Assemblée.

Dans le même sens du raisonnement, l’opposition estime que maintenir le texte de l’OPPP en vigueur, revient à maintenir cette ANC en place.

La solution proposée par l’opposition visait à lier texte et institution : abroger l’OPPP et dissoudre l’ANC dès que la Constitution soit adoptée. Les maintenir, c’est rentrer dans la configuration des élections 23/10/2013 et maintenir la main mise de la majorité actuelle.

Pour les autres, cette option ne pourrait que ramener le pays vers un vide juridique et institutionnel avec un pouvoir absolu pour le gouvernement transitoire. Pour assurer l’équilibre des pouvoirs, il n’est pas question de supprimer le pouvoir législatif et maintenir les 2 autres (exécutif et judiciaire). L’ANC doit être maintenue jusqu’à l’élection d’une nouvelle Assemblée.

En réalité, la question est simple : pour les uns, la configuration politique actuelle n’étant plus celle du 23/10/2013,  il n’est plus question de maintenir texte (OPPP) et institution (ANC) après adoption de la nouvelle Constitution étant donné que les donnes ont changé depuis cette  date.

Pour les autres, la configuration politique actuelle a été engendrée par des élections. C’est avec des élections alors qu’il faut constater le changement. Du coup, il faut passer par des élections. En attendant, il faut maintenir ANC et OPPP, produits de ce texte. Cette thèse s’appui sur l’article 1er du texte de l’OPPP.

Tout ce débat se trouve dans le chapitre 10. Et du coup, il touche à la législation et aux institutions. Ainsi, dans les coulisses du dialogue national, on discute encore des institutions de la présidence de la république et de l’ANC. Tout devient négociable.

Si on avait respecté les normes techniques de rédaction, ce débat n’aurait pas eu lieu à propos de chapitre, mais à propos d’un autre relatif aux dispositions abrogatoires, qui n’a pas été rédigé.

Le caractère limité (non permanent) des dispositions transitoires :

La pierre angulaire du futur système politique se situe du coté de la Cour Constitutionnelle. La bataille à propos de cette institution a déjà commencé.

Les pouvoirs accordés à la dite Cour, la laisse objet de discussions et de courtoisie. Mais cette Cour n’existe pas encore. Certains de ses pouvoirs ont été confiés par le Chapitre 10 au Tribunal Administratif.

Après la malheureuse expérience de l’ANC avec ce TA, les avis ont divergé depuis. La Cour Constitutionnelle n’est plus aperçue comme garante de la Constitutionalité des lois, mais aussi come le vrai centre du pouvoir.

Ainsi, le conflit à propos de ce chapitre n’est plus un conflit d’ordre technique mais un conflit de portée plus profonde et fondamentale.

On aurait pu éviter tout ce débat si on avait respecté le minimum des normes techniques pour rédiger ce chapitre.

Si on avait prévu des dispositions abrogatoires, on aurait cerné le problème.

Si on avait fixé minutieusement l’entrée en vigueur de la Constitution  on aurait pu encore plus cerner le problème.

On ne l’a pas fait, et on ne le fera pas. C’est irrémédiable.

En conclusion, le débat technique des dispositions transitoires n’aura pas lieu.

Ce qui aura lieu, ca sera l’abrogation ou non du texte de l’OPPP et avec lui, le maintien ou non de l’ANC après adoption de la nouvelle Constitution.

L’enjeux est clair:

Maintien de l’ANC= maintien de la configuration politique actuelle.

Négation de l’ANC= instaurer durant la période précédant les futures élections des instances de pouvoirs échappant au contrôle de la majorité politique actuelle au sein de l’ANC.

Attendons voir

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