lundi 13 janvier 2014

10 Pensées sporadiques après 10 jours de procédure « constituante »

Ca fait 10 jours que l’ANC a abordé la plus importante mission pour la quelle a été élue : Adopter une Constitution.

1- Le Pari :

Finir l’adoption de la Constitution selon l’article 3 du texte de l’OPPP avant le 14 Janvier 2014 était « beau » pari mais très difficile. Entamer la procédure le 3 janvier était une décision courageuse et pénible car elle impliquait un travail « non stop » pour l’ANC. Les élus n’ont pas chômé. Après l’adoption de la loi des finances 2014, ils ont passé la journée du 30/12 à déposer leurs propositions d’amendements jusqu’à une heure tardive pour revenir le lendemain 31 à la commission du règlement interne et consacrer la journée du 1er à déposer leurs demandes d’intervention. Le 2 était une plénière pour l’amendement du règlement intérieur.

2- Le Premier débat :

« La Basmala » « Au nom de Dieu clément et miséricordieux » était mise après les titres « Constitution de la République Tunisienne » et « Préambule ». La garder à cette place allait impliquer le devoir de commencer chaque chapitre par elle. Une pensée de « génie » ou une analyse avec un sens aigu des choses ? Peu importe ; c’est un signal que les détails auront une place importante dans le débat. Finit les discours et les discussions sur les principes généraux. Le rejet des articles 62 et 64 est une illustration parfaite de cet attachement aux plus fines détails.

3- Fluidité :

Après le préambule, le débat s’est porté sur les articles du 1er chapitre « Les principes Généraux ». Le passage d’un article à un autre était fluide et les votes ont atteint seuils inattendus. 10 articles sur 19 ont été adopté par plus de 170 voix « pour ». 4 articles n’ont pas eu de « Non » et 2 articles ont été votés avec plus de 180 voix. Si mes souvenirs sont bons, on n’a jamais atteint un quorum de 100% : présence de 217 élus.

4- Les manœuvres de procédure :

Durant plus de 2 ans, on a découvert autant de failles dans les règles classiques du droit parlementaire. Le Règlement intérieur de l’ANC contenait sommairement les dispositions classiques qu’on trouve partout dans le monde et aucune faille n’a été soulignée quelque part. Hélas ! l’ANC nous a montré autant de lacunes et de pathologies.
Dès le débat autour des articles 1er et 2, on a compris comment priver un élu de faire passer un point de vue par un simple retrait de droit à la parole. Trop fort.

5- L’émotion :

Jusque là, le moment le plus merveilleux, le plus magique, le plus émouvant, le plus beau…c’est cet instant suivant immédiatement l’adoption de l’article 45 relative aux droits de la femme. Un modeste Hommage à une Femme unique au monde par sa détermination, son intelligence, son engagement, sa sensibilité, sa beauté et son patriotisme. Tous les mots de tous les langages humains sont incapables de traduire sa vraie valeur. Mes Respects

6- L’hystérie :

On en a vu à plusieurs reprises. Parfois, on comprend, parfois, non. Certains ont craqué à la suite de l’adoption des dispositions qui ne les plaisent pas. D’autres se sont pris un plaisir à se défouler.

7- L’hécatombe :

Après l’adoption des chapitres 1er et 2 avec leurs 48 articles, en plus du préambule, l’épuisement était manifeste sur tous les visages. Mais on savait que le plus difficile reste à venir. Effectivement, dès le passage au chapitre 3, le rejet des articles commence à faire surface. Une vraie hécatombe : articles 49, 62, 64, 73 et 90. De vrais signes d’alarme. Cette ANC est imprévisible. Elle est capable de tout. Et c’est cette ANC que j’aime. Magnifique. Une ANC vivante et en mouvement. Que des manœuvres et des jeux de stratégie bien orchestrés. Très beau à voir. Difficile de les voir venir. Rentrer chez soi secoué, c’est rentrer vivant. Excellent.

8- Les Consensus :

Que ce soit des consensus en dehors de l’ANC ou au sein de la Commission des Consensus, les accords conclus sous cet angle de vue n’impliquaient nullement une obligation de vote en conformité. C’est ce que certains n’ont pas réussi à comprendre ou ne l’ont pas voulu.
Les Consensus impliquaient principalement une obligation de ne pas proposer un amendement à l’encontre de ces accords, explicitement ou implicitement.
En outre, ca n’engage que ceux et celles qui les ont signé sans y émettre d’objections.
Le seul verrouillage procédural consistait à rejeter en la forme tout amendement émanant d’un signataire d’un accord conclu au sein de la Commission des Consensus et pouvant mettre en cause l’accord en question.
Pour les autres accords, le verrouillage dépendait des votes. L’engagement politique ne pourrait pas impliquer un vote impératif.
Le mécanisme a bien fonctionné.
La 1ère tentative de déjouer un consensus implicite a échoué. En effet, l’amendement de l’article 49 changeant la dénomination de la future Assemblée parlementaire de « Chambre des représentants du peuple » en « Chambre du Peuple » a été adopté d’une manière furtive par 111 voix (jusque là, seuls 2 amendements sont passés avec moins de 120 voix pour). La réaction des élus ne s’est pas faite attendre. Au moment du vote de l’art dans son ensemble, seuls 105 élus l’ont approuvé. Le rejet a eu un son de tonnerre. Le message est clair : toute tentative d’un passage en force sera très mal reçue. Magnifique.
Ensuite, nous sommes à l’article 73 qui traite des conditions requises pour la Candidature à la Présidence de la république. Depuis le début, les conditions d’âge et de Nationalité posaient problème. La question a été résolue en 2 temps : en 1er temps, sous l’égide du dialogue national « Dar edhiafa » la question d’âge maximale a été retirée. Ensuite, au sein de la Commission des Consensus, la question de double nationalité a été traitée. Dans les 2 étapes, des partis n’ont pas pris part à ces accords. Les uns et les autres ont pris cet élément en considération. Accord fragile, le rejet paraissait quand même une hypothèse de second ordre. Et pourtant, le revers était sans appel : seuls 55 l’ont approuvé.
Les Consensus étaient violés ? Pas tout à fait respectés, nullement violés.

9- Les polémiques et les blablablas:

Dès l’adoption de l’amendement sur l’article 38, et même avant, les polémiques et les analyses, parfois étroites d’esprit, n’ont pas manqué de semer un trouble dans les esprits des uns et des autres.
L’amendement de l’article 38 met-il en cause tout ce dispositif constitutionnel pour assurer les droits et libertés ? Pour garantir un Etat civique et moderne ? Pour empêcher un Etat théocratique ? à priori non.
Il faut être paranoïaque pour admettre que le terme « tajdhir » serait la brèche ouverte à tout mettre en cause. Mr A.Abid a eu 2 œuvres : priver la Tunisie de la présidence de l’Alecso et lui offrir un amendement qui crée la polémique. N’étant pas paranoïaque, cet article ne me fait pas peur. Mais je suis superstitieux, et là, avec cet amendement, j’ai une peur bleue.
Autre débat : cette technique de l’article 93 et l’application stricte des articles 106 et 106 bis du règlement intérieur.
Il est complètement absurde et aberrant de se refugier derrière des dispositions procédurales n’ayant même pas force de loi, pour interdire des actions visant à affiner et corriger la norme suprême : La Constitution.
Certes, quand des acrobaties sont faites dans un but autre que l’harmonie du texte, on ne peut que les déplorer.

10- Les Statistiques :

« Jusque là tout va bien ».
Nous sommes à une moyenne de vote de 166 voix. Largement au-delà de la majorité des 2/3 requises pour l’adoption de la Constitution (145 voix).
Sur 86 articles adoptés, 68 articles ont été votés avec plus de 155 voix.
La présence des élus s’est nettement améliorée mais elle inspire une crainte. Une moyenne de 170 élus présents les séances matinales. Le soir, cette moyenne régresse dangereusement.
On espère avec le changement du rythme de travail annoncé, on gardera une moyenne assez élevée.



























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