mardi 23 septembre 2014

Faut-il interdire la candidature simultanée aux élections législatives et présidentielles ?

Ma réponse est : Oui.

Et les raisons ne manquent pas.

Mais avant d’aborder ce sujet, fallait-il mettre à nu, une grande aberration commise lors de cette phase électorale 2014.

Dans l’esprit du Constituant Tunisien (et j’étais un témoin de la rédaction de la Constitution dans toutes ses phases), les élections législatives et présidentielles se tiennent simultanément.

Différer les 2 élections me parait une erreur qui ne manquera pas de produire des effets négatifs, voir néfastes, sur le reste du parcours institutionnel.

Même si le texte ne le disait pas clairement, un élu ne peut pas cumuler son mandat parlementaire avec un mandat présidentiel (sans tenir compte du cas exceptionnel où le président de l’Assemblée assumera provisoirement la magistrature suprême du pays en cas de vacances de la présidence).

Permettre à un citoyen de se porter candidat simultanément à des élections législatives et présidentielles, c’est ouvrir la voie à des éventuels abus, confusions et transgression de certains principes fondamentaux de la république.

Ainsi, un candidat à des élections simultanées, pourra bénéficier d’un double financement public pour la même raison : les élections.

Les candidats aux élections législatives n’étant pas tous des candidats aux élections présidentielles, le financement public n’est plus égalitaire. Certains auront un concours de financement public plus avantageux que les autres !

La logique préconisait que le financement public en matière électorale doit être gouverné par la règle de l’égale répartition du dit financement.

Et ce n’est pas tout.

Les élections législatives tenues avant les présidentielles, certains candidats à ces dernières pourront être élus et, ainsi, siéger au sein de la nouvelle Assemblée pour une période de pas moins de 2 semaines avant les élections présidentielles.

C’est dans ce cadre que se pose la question : comment faire respecter à ces « élus candidats » les principes et règles de la campagne électorale ?

Pourrait-on leur interdire la parole dans les séances plénières (diffusées en direct) ou surveiller leur présence médiatique pour assurer cette égalité entre tous les candidats ?

Le vote, droit sacré des élus, pourrait être aussi un puissant moyen de propagande au profit des élus candidats, contrairement aux autres.

Un élu candidat, bénéficiera aussi d’un 3ème financement public (indirect) qui est son indemnité parlementaire et dont il pourra profiter pour financer davantage sa campagne électorale.

Il est évident que les candidats en sont plus sur le même pied d’égalité.

Enfin, et en rapport avec ces élections tenues à des dates différentes, n’oublions pas que la procédure de formation du nouveau gouvernement démarrera dans la semaine qui suivra l’annonce officielle des résultats du scrutin.

Durant cette période, c’est l’actuel président « provisoire » et lui-même candidat, qui devra charger le candidat du parti/coalition gagnant des élections pour former un gouvernement.

Des membres du nouvel gouvernement, les ministres de la défense et des affaires étrangères doivent être « confirmés » par le président de la République. Et dans ce cas précis, c’est l’actuel qui donnera son aval.

Or, si après quelques semaines nous aurons un nouveau président, cette équipe gouvernementale pourra subir un changement. La crise politique n’est pas à exclure.

Compte tenu de ces quelques éventualités et tant d’autres, il n’est pas exclu de voir l’Etat au ralenti durant des semaines à partir du 26 octobre.

mercredi 17 septembre 2014

A l’approche des élections : Turbulences

Les gens qui sont au centre de l’Etat et proches des axes du pouvoir sont conscients de la délicate situation de notre Pays. La situation économique, financière, sécuritaire et politique est très tendue et à la limite critique.

Depuis des mois, on savait qu’à l’approche des élections, la situation gagnera en tensions. Tout ce qu’on souhaitait, c’est que cette tension n’aboutira jamais à la confusion.

L’ANC a été la 1ère institution à subir le test. Sous insistance du gouvernement et pression médiatique, le projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme a été transmis à la plénière.

Avec 136 articles lacunaires, contradictoires, très mal rédigés et de contenu très discutable, la plénière a passé des jours à débattre d’une quarantaine d’articles sans réussir à voir le bout de tunnel. Ni le travail préliminaire de la commission des consensus, ni l’entêtement du ministre de la justice ont aidé à surmonter les énormes difficultés.

Des jours entiers de travail perdus. Ce projet de loi n’était pas encore prêt à être transmis à la plénière.

Heureusement, l’ANC a eu le courage de revoir son planning ; Le gouvernement a aussi revu ses priorités. Le passage au projet de loi relatif aux énergies renouvelables était un acte judicieux. En une seule journée, plus de 21 articles sur 44 ont été adoptés.

L’ANC a aussi très bien réagi à cette décision d’interruption de transmission de ses travaux prise par la TV tunisienne suite à une « lettre » de la HAICA.

En réalité, le Bureau de l’ANC avait envisagé depuis un bon moment l’interruption des transmissions en direct pour assurer le bon déroulement de la campagne électorale et éviter les discours de surenchères durant les plénières.

Ni la HAICA, ni la TV tunisienne avaient le droit d’interrompre la dite transmission car la référence à l’article 127 de la Constitution était défectueuse étant donné que cette disposition n’est pas entrée encore en vigueur. Tous les principes et règles invoqués par la HAICA donnaient plutôt droit à l’obligation d’assurer cette transmission (en direct ou en différé) pour respect aux principes des transparences, accès à l’information : droits constitutionnels des citoyens.

Il est évident que cette HAICA est très confuse et incertaine. Aujourd’hui, les abus enregistrés dans le secteur radio-télévisé sont énormes devant une impuissance inquiétante de cette institution (HAICA) appelée à régularisé ce secteur dangereux. Très dangereux.

Très dangereux !

L’exemple de l’Affaire Omar Shabou (Homme des médias !) accusant un Candidat à la présidence, d’une grave incapacité physique pour assurer la magistrature suprême du pays, est un parfait exemple de cette confusion qui règne et qui pourra régner …

Suivant les débats relatifs à cette affaire qui se tiennent sur plusieurs plateaux TV, il est frappant de constater l’amateurisme de certains de nos journalistes qui n’hésitent pas à avancer des infos « certaines » alors qu’ils sont incapables d’apporter la preuve de ce caractère « certain » (l’exemple des journalistes présents sur le plateau 26/10 d’Attounssia et ceux présents sur le plateau du Hannibal TV dans l’émission qui a invité Omar Shabou).

Professionnalisme des journalistes faisant défaut, secret médical bafoué, pouvoirs institutionnels non exercés (HAICA), la situation devient très tendue et insoutenable.

C’est dans ce cadre que l’ANC doit réussir ses futures plénières et sa prochaine planification. La dernière « longueur » de cette folle course aux élections doit être , pour l’ANC, un facteur de stabilisation et d’assurance. Son rôle est très important.

Enfin, l’ANC doit être prospective et penser dès maintenant à préparer le post-élection. La panification doit être PARFAITE.

On ne peut pas éviter les turbulences, mais on peut assurer un bon atterrissage.

dimanche 7 septembre 2014

L’ANC : Le choix difficile

La semaine prochaine, l’ANC devra trancher sur plusieurs points délicats.

1- Le projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et le blanchiment d’argent :

L’adoption de ce projet de loi en plénière n’avance pas de la manière voulue et souhaitée en fonction de la décision prise par le bureau de l’ANC de suspendre ses activités dès le 26 septembre !

Les raisons de ce blocage sont multiples ; certaines sont connues d’autres restent latentes mais « attendues ». En apparence, c’est l’absentéisme des élus qui en est la cause directe.

En réalité, les choses ne sont pas aussi simples qu’on le pense. En effet, avant même de programmer l’examen du dit projet de loi en plénière, les instances de l’ANC ont pris en considération le « timing » délicat du planning. Et c’est pour cette raison d’opportunité ainsi pour une autre raison juridique assez solide, une proposition a été faite pour revoir la qualification juridique du projet de loi et le faire passer d’organique à ordinaire.

La méconnaissance du ministre de la justice (et son staff) du droit parlementaire et ses exigences politico-juridiques ainsi de la réalité politique imposé par l’environnement électoral, a imposé in fine une fin de non-recevoir de cette proposition.

Et pour preuve de cette ignorance et cet amateurisme, le ministre de la justice apportait en plénière des versions d’articles différentes de celles adoptées en commission des consensus. Le rejet de plusieurs articles à cause de cette action a jeté même le doute sur la force morale des engagements pris au sein de la commission des consensus. La situation est devenue insoutenable.

D’une manière ou d’une autre, c’est l’ANC qui est montrée du doigt et accusée d’en être la cause. Une accusation qui n’est pas tout à fait absolue. L’exécutif assume une part de responsabilité dans ce qui se passe.

Aujourd’hui, l’ANC est devant un choix : Continuer l’examen du dit projet ou non ? Si on optera pour le oui, on continuera suivant la même procédure ou non ? et si on décide l’arrêt, quelles conséquences juridiques et politiques ?

Déclasser le projet de loi d’organique en ordinaire en cette phase de procédure ne manquera pas de poser plusieurs problèmes aigus. Comment on le fera ? qui le fera ? et surtout, quelles conséquences pour les articles rejetés selon l’ancienne qualification alors qu’ils auraient pu être adoptés si la qualification d’ordinaire aurait été retenue ?

Aujourd’hui, à moins de persister de continuer la procédure adoptée initialement, tout changement pourra être une source d’un débat qui ne finira jamais à cause du silence juridique (même comparé).

2- La présence des députés :

L’affichage des listes de présence des élus après la tenue des plénières a été source de polémique et de tensions.

La présence des élus pourrait-elle résoudre le problème ?

En réalité, le problème est plus compliqué qu’on le pense.

Ainsi, on pense que si les élus étaient présents, plusieurs articles auraient dû passer !

La réalité en est toute autre.

La présence des élus présents physiquement dans l’enceinte de l’ANC est assez conséquente pour assurer même une adoption à 2/3. Mais ce qui fait défaut c’est le vote.

Un élu peut être présent dans l’hémicycle mais refuse de prendre part matériellement au vote. Peut-on l’obliger à le faire ou le sanctionner pour ne pas l’avoir fait ? La réponse est NON. Le vote est un droit purement personnel de l’élu. C’est son droit sacré. Et c’est universellement connu et reconnu.

Sa responsabilité politique découlant de son « vote » ou absence de vote est un autre sujet.

Le rejet des articles est une défaillance manifeste de mobilisation pour ce projet de loi. Chercher la cause de cette défaillance aurait été plus utile que chercher d’autres solutions inefficaces. En tout cas, la défaillance de mobilisation ne peut être attribuée, en aucun cas, à l’ANC, exclusivement.

3- La transmission en direct des plénières

La HAICA se voulant racheter de ses bavures multiples pour des actions faites ou non faites, n’a pas trouvé mieux que de suspendre la transmission en direct des plénières de l’ANC.

Encore plus grave, cette décision s’apparente plus à une interdiction absolue que d’une simple injonction à interdire les actions de campagne électorale.

L’ANC a pris la décision de suspendre ses activités dès le 26/9. C’est une action qui s’aligne sur les traditions les plus républicaines des parlements les plus démocratiques au monde.

Interdire la transmission est un acte abusif car il ne faut pas oublier le rôle modérateur du président de la séance.

Plusieurs solutions auraient été plus adéquates.

De toute manière, on verra si cette interdiction de transmission en live aboutira au résultat escompté. J’en suis très sceptique.

Juste pour finir, la HAICA a fait référence dans sa décision à l’article 127 de la Constitution !! au cas où ses membres ne savent pas bien lire, cette disposition n’est pas encore entrée en vigueur. A bon entendeur.