mercredi 9 novembre 2016

La Commission des finances rejette la taxe inconstitutionnelle sur les piscines

Quoi qu’on dise, cette ARP (Assemblée des Représentants du Peuple) fait parfois des prouesses et se hisse au niveau des parlements des pays de tradition démocratique, voir même plus.
La commission des finances vient de rejeter, aujourd’hui même, une disposition du projet de lois des finances 2017 imposant une taxe de 1000 dinars à tout propriétaire d’une piscine.
Comme une commission qui se respecte, le motif d’inconstitutionnalité n’a pas été évoqué. C’est au pouvoir compétent d’en statuer, le cas échéant.
L’article 30 du projet de loi de finances 2017 prévoyait une taxe de 1000 dinars imposable à toute personne physique disposant d’une piscine.
Dans le système fiscal tunisien, avant cette loi, la « piscine » est un des paramètres de richesse retenu, à juste titre, pour évaluer le niveau de richesse des uns et des autres. Et c’est juste et vrai. Car dans les années 70, 80 ou même 90, qui pourrait avoir une piscine privée ? Leurs coûts étaient excessifs, non seulement en terme de construction, mais aussi en terme d’entretien.
Mais depuis quelques temps, la « piscine » s’est industrialisée et on pourrait avoir, chez soi, des piscines de différentes dimensions à faible ou moyen budget.
Plusieurs tunisiens, de classes moyennes, qui ont eu la chance d’accéder à la propriété privée, ont voulu réaliser ce rêve d’avoir une « pseudo » piscine privée ne dépassant pas 3-4 mètres et dont le coût ne dépasse pas 4-5 milles dinars.
L’article 10 de la Constitution Tunisienne dispose que l’impôt est un devoir, mais il l’est selon un système juste et équitable.


Mais que fait cet article 30 du projet de lois des finances 2017 ?

Tous les propriétaires des piscines privées seront traités sur le même pied d’égalité.
Un fonctionnaire disposant d’une piscine de 4m à Jrissa (gouvernorat de Kef) sera traité comme un milliardaire disposant d’une piscine olympique à Hammamet. !!!
Les 2 sont riches et ne doivent à l’Etat que 1000 dinars.
Quelle justice et quelle équité dans ce système ?
Pire encore,
Si je suis homme d’affaire riche, j’apporterais ma demeure où y a une piscine, en nature dans le capital de mon entreprise. Du coup, la piscine n’appartient plus à la personne physique, mais à la personne morale, ce qui lui fait écarter du champ d’application de l’article 30.
Pire encore, on a oublié de définir le terme. Je suis un agriculteur qui érige une « jabia » pour l’irrigation. Mes enfants s’y plongent pour se baigner. Moi j’y vois une « jabia », le fisc pourra la considérer comme une piscine.
Enfin, et pas la dernière, qu’en est-il des piscines des résidences à multi propriétaires ?
Bref, la morale de l’histoire : nos compétences du ministère des finances doivent trouver les meilleurs solutions, non pour renflouer les caisses de l’Etat avec du bricolage hasardeux, mais pour bâtir une meilleur fiscalité publique.
Faut-il maintenant s’intéresser à cette histoire d’autoriser les étranger à accéder à nos terres, car si elle se situe au même rang de vouloir renflouer la caisse de l’Etat, elle est plus dangereuse puisqu’elle flirte avec des opérations de blanchissements d’argent.



mardi 8 novembre 2016

L’acquisition de la propriété immobilière par les étrangers :La Souveraineté en danger?

Par une simple circulaire, le conservateur de la propriété foncière a, peut-être, exonéré nos voisins libyens de l’autorisation du gouverneur. Il dit qu’il se soumet à des jugements du tribunal administratif conformément au droit international.
Il explique encore que cette circulaire ne concerne pas les terres agricoles.
Il est clair que le domaine d’application de cette circulaire concerne le domaine immobilier (les immeubles bâtis).
Seule une ONG tunisienne vient d’annoncer qu’elle intente une action en référé devant le Tribunal Administratif pour annuler cette circulaire.
Rappelons certains faits :
Après le 14 janvier 2011, les ventes immobilières ont atteint des prix colossaux et certaines zones du Grand Tunis ont émergé du lot, spécialement la région des berges du lac ou les régions du Manarat, Manazah et Nasr.
Les acheteurs étaient spécialement des Tunisiens et nos voisins de l’est (surtout Libyens).
Ces opérations ont suscité de sérieuses questions quant aux sources de ces fonds et quant à la nature de ces mêmes opérations.
De 2011 à 2016, ces opérations n’ont pas cessé. Mais tout le monde observe que le rythme a soudainement baissé voir même s’arrêté durant ces derniers mois.
Un constat :
Durant toute cette période, aucune intervention législative ou règlementaire pour annuler l’autorisation du gouverneur n’a eu lieu.
Un rappel du fondement de cette autorisation du gouverneur :
Cette autorisation date depuis la fin des années cinquante et visait surtout à veiller à ce que l’Etat Tunisien veille à contrôler la propriété des immeubles par les étrangers, surtout quand ces immeubles se situent dans des zones stratégiques ou sensibles sur le territoire tunisien.
Elle vise aussi à contrôler la proportion de la propriété immobilière des étrangers quant aux immeubles Tunisiens. N’oublions pas que l’histoire arabe a eu une très malheureuse expérience dans ce domaine.
Revenons à l’actualité :
1)    Le conservateur de la propriété foncière n’est pas une autorité indépendante. il reste soumis à l’autorité hiérarchique qui est le ministère des finances.
2)    Pour quelle raison on fait évoquer, aujourd’hui, et après plus de 50 ans, le droit international ?
3)    Les motifs du recours fait par l’ONG tunisienne contre la circulaire du conservateur fait évoquer, in fine, l’ordre public économique et sécuritaire tunisien. L’a-t-on pris en considération ?
4)    Le conservateur a-t-il agi seul ou sur ordre hiérarchique ?
5)    Si on tient aux déclarations que plusieurs demandes d’enregistrement de telles ventes sont en suspend auprès des recettes des finances :
a)    Quel montant entrera pour le trésor de l’Etat sachant que le taux est de 6% du montant déclaré (un montant toujours déclaré en baisse pour moins payer le fisc) ?
b)    A-t-on fait une étude comparative entre ce montant et le montant qui pourra revenir au trésor si on procède à la vérification si les vendeurs et acheteurs ont honnêtement déclaré leurs revenus au fisc ?
c)     A-t-on vérifié si ces opérations de vente/achat n’impliquent aucune opération de blanchissement d’argent ?
d)    Sommes-nous assurés de notre sécurité par cette acquisition massive de la propriété immobilière nationale par une population étrangère ?
Enfin, la Tunisie est un petit pays. Le code des investissements nouvellement adopté autorise les étrangers à acquérir des terres agricoles. Avec cette mesure, le bâti et l’agricole commencent à échapper au contrôle de l’Etat.

WARNING



jeudi 3 novembre 2016

Projet de Loi de finances 2017 : le magnifique exercice démocratique

Ce projet de loi, dit-on, est le pire post-révolution…
Ce projet de loi, dit-on encore, pourrait faire sauter l’actuel gouvernement…
Ce projet de loi a été critiqué de partout, attaqué de partout…
Politiciens, parlementaires, experts économiques, financiers, défenseurs des intérêts de différentes corporations de métiers et de consommateurs envahissaient depuis quelques jours les plateaux radios, télévisions et les pages des journaux.
Le simple tunisien, sans connaissances fiscales et financières, commence à s’intéresser à ce projet de loi et y porter un jugement intuitif allant d’une opinion hostile à une opinion ralliée à une autre corporative sans aucune raison mathématique justificative.
Pour un projet de loi qualifié du plus pire, il est le seul projet de loi de finances qui suscite un intérêt populaire qu’aucun autre projet de loi n’en a eu durant toute l’histoire de la Tunisie.
Selon mon modeste point de vue, ce projet de loi est magnifique.
Il est magnifique car il illustre parfaitement la merveilleuse éternelle mutation politique du pays.
Rien n’est acquis.
Tout est en mouvement…
Laissant à côté ses mesures et ses dispositions…quels aspects nous offre ce projet de loi ?
De très belles futures manœuvres politico-parlementaires en vue.
Voyons de près :
Il est supposé un gouvernement d’union national jouissant d’une très solide majorité parlementaire.
De par les déclarations des uns et des autres, parlementaires et politiques, ce projet de loi, dans sa forme actuelle, risque de ne pas être adopté.
Théoriquement, ce gouvernement est sur un siège éjectable. Théoriquement aussi, ce gouvernement est composé de membres qui sont les plus doués en manœuvres politico-parlementaires. Pratiquement, le dénouement ne se fera pas sur les plateaux audiovisuels.
Encore plus important et plus intéressant, cette bataille latente entre Gouvernement, parlement et, en second degré, la présidence quant à l’exercice du pouvoir constitutionnel.
Le parlement, l’ARP en l’occurrence, veut exercer ses pleins pouvoirs accordés par l’article 66 de la Constitution :
 Il vote le budget. Et quand il vote, il doit être souverain.
L’exécutif, tire profit aussi de cette constitution et tente de manœuvrer  via 2 dispositions : le 2ème paragraphe de l’article 62 et l’article 63 lui accordant, d’une part, l’exclusivité de proposer la loi de finances, et d’autre part, limitant le champ de manœuvre du parlement quant au pouvoir d’amendement.
Encore plus merveilleux, c’est cette manœuvre des partis et organisations ayant suscrits à une initiative présidentielle visant à gérer l’initiative politique, et peut être à la monopoliser, de faire comprendre à l’auteur et à ses conseillers, que la vraie bataille ne se joue plus à Carthage mais plutôt à Bardo.
La démocratie ne se limite pas à des dispositions constitutionnelles, mais elle sera déterminée surtout par des pratiques et des manœuvres.
Le grand dilemme que certains veulent nous imposer: ou viser l’enracinement d’une démocratie éternelle et subir des conséquences économiques néfastes, ou sacrifier la démocratie et accepter des solutions économiques pouvant altérer nos droits et libertés.

C’est un faux problème. Je regarde autour de moi et le constat est sans appel : les meilleurs économies sont celles des pays les plus démocratiques. 

mercredi 26 octobre 2016

A propos de l’immunité parlementaire : une protection qui ne l'est plus

Je ne vais pas faire un cours de droit sur les immunités parlementaires. La question est excessivement expliquée dans les articles 68 et 69 de la Constitution et des articles 28 au 33 du règlement intérieur de l’ARP.
Faites une recherche sur « immunité des parlementaires » vous allez trouver des développements presque identiques à travers tous les systèmes qui reconnaissent cette immunité. Eh bien oui, certains systèmes ne reconnaissent aucune immunité.
Mais il faut s’attarder sur une question très importante relative au fondement de l’immunité des parlementaires. Pourquoi a-t-on pensé utile de l’avoir développé ?
C’est simple : L’immunité a un seul fondement : La Protection des élus du peuple contre toute sorte de pression ou menace altérant l’accomplissement de son devoir de représenter le peuple.
Il se trouve que ce fondement n’pas été toujours respecté et que certains élus ont profité de cette immunité pour jouir d’une impunité. Mais les cas sont isolés, et la justice a souvent triomphé.
Un cas m’a toujours interpellé, celui du célèbre homme d’Etat italien : Giulio Andreotti. Ce dirigeant historique de la Démocratie chrétienne et acteur important de l'histoire politique italienne du 20ème siècle. Successivement membre de l'Assemblée constituante, de la Chambre des députés et du Sénat, il a été toujours montré de doigt comme ayant des liens avec la mafia gagnant le surnom de Divo Giulio. Le top, Andreotti a été nommé sénateur à vie en 1991.
Sénateur à vie= immunité à vie ? 
Le 13 avril 1993, les sénateurs le privent de cette immunité et il passa devant le tribunal de Palerme. Mais 11 ans, après, Andreotti sera acquittée des accusations en 2004 par la Cour de Cassation italienne .
Qui a protégé Andreotti ici ? Son immunité ou la justice ?
Les deux. La première en lui évitant d’être malmené devant les tribunaux et juges pour des faits futiles. La 2ème en l’innocentant confirmant que l’exercice de l’immunité n’était pas un exercice abusif.
Imaginant que cet élu s’est vu levée son immunité ; il aurait passé 11 ans devant la justice (ce qui l’aurait empêché d’accomplir sa mission) pour se voir par la suite innocenté par la justice.
L’exercice de l’immunité en droit parlementaire tunisien était malheureux et dramatique, parfois.
Sous l’ère de la Chambre des députés, la levée d’immunité était automatique. Le traitement était tellement automatisé que les dispositions constitutionnelles et du règlement intérieur n’avaient plus aucun sens.
A chaque fois qu’une requête émane du ministre de la justice, la commission des immunités se réunit dans la semaine pour recommander la levée et la plénière vote sans équivoque dans le sens de la commission.
Du simple accident de la circulation à la pension alimentaire, les causes de la levée ne méritaient pas réellement une telle procédure très lourde. Des élus ont voulu se présenter volontairement et résoudre le conflit à l’amiable se sont vus objectés un « Niet » injustifié.
Pourtant, d’autres élus ayant commis des actes méritant des poursuites pénales imposant la levée d’immunité n’ont fait jamais l’objet de requête de levée d’immunité émanant du ministre de la justice.
Pire encore, l’exercice a atteint un seuil dramatique avec l’affaire du député opposant Khemaies Chammari, alors élu du parti MDS. Alors qu’il a tant exhorté les membres de la commission de l’immunité pour refuser la demande, il s’est présenté devant la plénière encadré par la police à l’enceinte même de l’Assemblée. Il a presque « supplié » les élus de ne pas voter cette demande injuste de levée d’immunité. Hélas. Le vote a été sans appel, et il quitta l’Assemblée menottes à la main.
Avec l’Assemblée Nationale Constituante, les requêtes de levée d’immunité n’ont pas manqué aussi. Le Plus frappant, c’est que la majorité des plaintes qui ont fondé ces requêtes sont liées à des propos tenus par les élus durant les séances plénières ou les réunions des commissions.
Mais le traitement de ces demandes par la commission de l’immunité était sérieux et pour la première fois, une commission refuse des requêtes émanant du ministre de la justice.
L’Assemblée des Représentants du Peuple n’est pas loin de sa précédente quant au nombre des requêtes. On attendra le traitement par la commission et ensuite par la plénière.
Ce qui est important à souligner ici, c’est que quand l’Assemblée lève l’immunité, elle omet toujours de signaler que la levée d’immunité n’est valable que pour les actes liés à l’affaire en cause et qu’elle doit aussi la limiter dans le temps.
C’est du non-sens qu’on prive un élu de son immunité pour une période indéterminée déplaçant  le pouvoir d’appréciation du parlement au juge. C’est une violation manifeste de la Constitution.
C’est un non-sens aussi que pour un oui ou un non, on demande la levée d’immunité pour un élu alors que l’acte d’instruction pour laquelle on invoque cette levée d’immunité ne peut en aucun cas conduire à prendre des mesures coercitives à l’encontre de l’élu. Un minimum de devoir d’appréciation du juge est recommandé.
La levée d’immunité telle que exercée actuellement dénature son fondement et pourrait présenter une sérieuse menace contre les élus.
Pour finir, je serais curieux de connaitre le nombre de levée d’immunité judiciaire dont jouit les juges et l’immunité diplomatique dont jouit les diplomates pour les faire comparaitre avec le nombre de levée d’immunité parlementaire et conclure qui est la catégorie la plus vulnérable.


lundi 3 octobre 2016

3 questions avant la nouvelle session législative 2016-2017

L’expérience parlementaire démocratique tunisienne va avoir 6 ans. Elle a commencé au mois de novembre 2011 (avec l’Assemblée Nationale Constituante, ANC) et elle continue avec une Assemblée qui tire ses pouvoirs de la nouvelle Constitution, l’Assemblée des Représentants du Peuple, ARP.
6 ans et sans la moindre tentative sérieuse d’évaluer cette expérience.
6 ans et rien que des jugements de loin ; des appréciations d’humeur ; des évaluations politiques voir partisanes et une obstination à omettre et ignorer les acquis.
1ère question : y-a-t-il du positif dans cette expérience ?
Il y en a beaucoup. Les parlementaires tunisiens, novices en matière d’exercice démocratique parlementaire, que ce soit avec l’ANC ou l’ARP, ont pu dans un temps record s’initier aux techniques du droit parlementaire (démocratique) avec la maîtrise de la procédure et les manœuvres politiques et procédurales.
Ce que les parlementaires tunisiens ont pu dégager de réflexions  techniques à propos des mécanismes du droit parlementaire classique ne peut être qu’une richesse et une matière à réflexion pour enrichir ce droit et le faire évoluer.
Hélas, nos parlementaires ne sont pas conscients de cette œuvre.
2ème question : l’instabilité politique est-elle un signe pathologique ?
Non.
L’instabilité politique du cadre partisan (partis politiques) à l’échelle nationale n’a pas manqué d’avoir des effets directs sur la cartographie des formations parlementaires.
Mais pour que les Groupes parlementaires, comme des rouages indispensables au bon fonctionnement de la machine politico institutionnelle qui est le Parlement, soient stables et atteignent leurs vitesses de croisière, il faut que la relation triangulaire Partis-Groupes-Parlement soit clarifiée et recadrée.
Des parlements de longue tradition parlementaire et démocratique ont beaucoup peiné à voir des structures stables et efficaces. Ils ont vécu des décennies avec des groupes et le phénomène « groupite » (des groupes intermédiaires ou hybrides, issus des dispersions de plusieurs élus de part et d’autre, et échappant à tout contrôle).
Aujourd’hui, à la veille de la 3ème législature et avec la création du groupe « démocratique », l’ARP est avec 7 groupes regroupant presque 95% des élus. Pour une nouvelle démocratie et tant d’instabilité politique partisane, c’est une donne plutôt intéressante.
3ème question, enfin : existe-t-il un problème de discipline ?
Il existe un mal de vivre dû au manque de planification. La navigation à vue ne peut renforcer que la disparité et le « sauve qui peut ».
Un code de déontologie volontairement conçu et adopté par l’ensemble des élus serait une excellente voie pour éviter les conflits d’intérêt ; raisonner et rationaliser le Comportement au Parlement et atteindre un seuil de transparence avec l’interdiction ou la restriction de certaines activités et faire accepter une auto-déclaration de patrimoine, de revenus, de passif et d’intérêts.
Plutôt que chercher à sanctionner le manque d’assiduité et de discipline, faut-il avant tout chercher ses causes.


jeudi 8 septembre 2016

Amendement du règlement intérieur : les problèmes résolus ?

Depuis son adoption par la plénière de l’ARP, le règlement intérieur était pointé de doigt comme étant une des causes contribuant à un fonctionnement et une organisation lacunaires et pathologiques.
Que reproche-t-on à l’ARP ?
Les reproches sont essentiellement axées sur l’absentéisme des élus aux réunions des commissions et aux plénières ; une planification instable des travaux de ses différentes structures et une lourde procédure d’examen des projets de lois.
 Les remèdes à ces principales défaillances consistaient normalement à des actions à double niveau : structures et procédure.
L’appel à réviser le règlement intérieur devenait pressant et tout le monde en était unanimement d’accord.
C’est presque après 2 ans qu’une proposition dans ce sens soit présentée aux élus durant cette session extraordinaire.
A la lecture des amendements proposés, il parait que les remèdes à l’absentéisme des élus sont pris sous forme de mesures disciplinaires !!
Coté structurelle, les amendements ont touché le bureau (attributions des accesseurs) et la commission de législation générale (en la scindant en 2) !!
On aurait dû avoir une bonne volonté pour analyser objectivement les problèmes de l’ARP ; leurs causes et les remèdes nécessaires.
On aurait dû faire une révision de ce règlement et non de simples amendements chirurgicaux qui ne vont pas tarder à créer des tensions et engendrer des difficultés.
On aurait dû s’assurer d’une bonne planification ; d’une répartition rationnelle des élus entre les différentes commissions ; d’une fixation intelligente et organique du nombre des commissions et, surtout, d’une modernisation du fonctionnement des groupes parlementaires.

Hélas !

vendredi 2 septembre 2016

Mesures ou réformes ?

D’après des informations concordantes, la situation économique, surtout financière et spécialement côté trésorerie, sont plus alarmantes et inquiétantes.
D’après des études aux quelles j’ai pris part et d’autres dont j’ai eu connaissance, les réformes entamées par son prédécesseur certaines d’elles souffrent de certaines failles alors que d’autres tardent à être mises en œuvre.
Le gouvernement actuel est soumis à une obligation d’urgence (et de résultat) : remédier le maximum possible et immédiatement. Il n’a pas le temps de penser « réformes ».
La session extraordinaire parlementaire a été une initiative parlementaire et non gouvernementale. Pour une fois dans l’histoire de la Tunisie, le Parlement met en avant-première ses priorités indépendamment de celles de l’exécutif. Et le seul projet de loi comportant un impact budgétaire important est celui du code des élections de collectivités locales.
La session extraordinaire met en surface cette éternelle question relative à la portée de coordination entre les deux pouvoirs. D’où une première urgence : mettre en place des mécanismes de coordination entre gouvernement et parlement pour rationaliser l’action de légiférer.
Le gouvernement Chahed n’ayant pas le temps de réforme, il devra colmater les brèches et remédier aux graves pathologies via des mesures immédiates et ciblées.
Son talon d’Achille sur ce plan sera la loi de finances.
Et c’est là que ça va être très délicat.
En effet, la loi des finances, composante capitale du budget (certains font la confusion), suit un processus bien déterminé dans son élaboration (par l’exécutif) qui commence dès le mois de Mars de l’année en cours et qui finit normalement courant mois Aout/Septembre pour que le projet soit déposé auprès de l’ARP au mois d’octobre. Et n’oublions pas, les délais sont des délais constitutionnels.
Un changement de l’équipe gouvernementale courant mois d’Aout mettra la nouvelle équipe dans une très inconfortable situation :
Où elle révise les options et les objectifs fixés par l’ancienne équipe en courant plusieurs risques : dépassement des délais constitutionnels ; aléa de défection de la majorité parlementaire pour cause de non appréhension des nouvelles dispositions…etc.
Où elle « adopte » le processus lancé, avec éventuellement quelques modifications, et court le risque d’échouer là où son prédécesseur a échoué.
N’oublions pas que la loi de finances est trop « technique » pour les élus. Des mesures sujets à polémique pourraient les mettre dubitatifs et leur vote ne sera pas acquis.
Ainsi, un partage de taches devient nécessaire avec une « presque » parfaite collaboration entre gouvernement et parlement. Le gouvernement doit se concentrer sur les mesures urgentes en expliquant à l’ARP sa démarche et ses raisons. L’ARP doit entamer certaines réformes clés en associant gouvernement et société civile et sortir une parfaite communication et coordination.
Le gouvernement ne doit pas mettre l’ARP sous pression ; l’ARP ne doit pas, non plus, prendre le gouvernement au dépourvu.
Et les deux, doivent communiquer et expliquer…


mardi 9 août 2016

Le Gouvernement « Chahed » : là où il peut réussir , là où il peut échouer

Là où il peut réussir :
1)   Comprendre que son gouvernement dépend d’une majorité parlementaire
2)   Quelle majorité ? théoriquement c’est une majorité absolue (109). Pratiquement, c’est une majorité pas de moins de 2/3 (145). Concrètement c’est une majorité renforcée et confortable de 3/5 (131).
3)   Choisir ses ministres à partir d’une liste extensive et non d’une liste limitative de ministre proposée par les par tes partis de la majorité.
4)   Définir ses moyens et techniques d’actions prioritaires et préférentiels : réglementaire ou législatifs !
5)   Mettre en place une parfaite communication avec sa majorité
Là où il peut échouer :
1)   Décortiquant son gouvernement en fonction d’une majorité parlementaire sans prendre en considération la réalité sociologo-politique des partis formant cette majorité. Ainsi, certains partis sont une union hétérogène de différentes composantes politiques. Ne pas évaluer leurs vrai poids parlementaire risquerai de déstabiliser toute cette majorité, sachant que ce constat touche plus d’une composante de l’éventuelle future majorité parlementaire.
2)   Mettre à l’écart le groupe « El Horra », ne pas satisfaire les "envies" de l'UPL et AFEK,  serait un choix ouvrant une parfaite aisance pour contester la constitutionnalité des projets de lois et d’une forte éventualité d’atteindre la majorité de 1/3 permettant d’énormes actions pouvant déstabiliser le gouvernement. 
3)   Un très mauvais choix des ministres des finances, de la coopération, des TIC, de la communication et des affaires sociales serait , non seulement fatal au gouvernement, mais aussi pour le pays.
Pour « Chahed », on prie pour lui la divine et mythologique clairvoyance de Youssef.

                                                                           

mercredi 3 août 2016

Gouvernement et constitutionnalité : des questions à poser

La procédure pour provoquer le « limogeage » du gouvernement Essid  ainsi que celle adoptée pour la mise en place du futur (éventuel) chef du Gouvernement Youssef Chahed n’ont pas manqué de  soulever quelques objections sa régularité ou sa conformité à la Constitution.
Il faut commencer par le commencement :
Le 4ème paragraphe de l’art 89 dispose qu’une fois l’ARP vote la confiance du gouvernement, le Président de la République nomme immédiatement le Chef du gouvernement et ses membres.
1ère leçon à déduire de cette disposition : Le gouvernement tire ses pouvoirs et ses compétences constitutionnelles du vote de confiance de cette ARP.
Ensuite, qui est ce chef du gouvernement avant ce vote de confiance?
C’est celui que désigne le Président de la République après des consultations des partis, coalitions et groupes parlementaires conformément aux dispositions du 3ème paragraphe de l’art 89.
L’esprit de cette disposition implique que partis, coalitions et groupes parlementaires sont ceux présents au sein de l’ARP. La conclusion est logique par référence au 1er paragraphe du même article.
2ème leçon : Le Président de la République entame des pourparlers avec les composantes politiques de l’ARP. C’est une obligation constitutionnelle.
Certes, il peut élargir le cadre de ses consultations à des entités politiques qui ne sont pas représentées au sein de l’ARP, car rien ne lui interdit une telle démarche, mais elles seront à titre officieux et complémentaire.
Enfin, le Président de la République a signé un décret désignant le gouvernement Essid comme gouvernement de gestion d’affaire jusqu’au vote de confiance du nouveau gouvernement et sa nomination par décret conformément aux paragraphes 4 et 5 de l’article 89.
Pour trouver un fondement juridique à cette nomination, il faut lire le 2ème paragraphe de l’article 100.
Or, cette disposition prévoit une procédure claire et précise. Le « Chef du gouvernement » de gestion d’affaire est choisi par le conseil des ministres et nommé par le Président de la République.
Récapitulons :
Une pratique politique altérant le système constitutionnel
Pour initier un « limogeage » du gouvernement, la Constitution confère ce pouvoir soit aux députés de l’ARP soit au Chef du Gouvernement. Si ça provient des 1ers, on applique l’art 97. Si c’est le second qui l’entame, c’est l’article 99.
Dans le cas du gouvernement Essid, c’est le Président de la République qui a entamé de facto la Procédure mais sans jamais arriver à la procédure de l’art 99.
En outre, les partis formant la majorité parlementaire soutenant le gouvernement Essid ont annoncé explicitement qu’ils n’ont plus « confiance » dans ledit Gouvernement. Et pourtant, on n’est pas arrivé à la procédure de l’art 97.
Plus hallucinant encore..
Dans une démocratie parlementaire, un gouvernement qui n’a plus de soutien ni du Président de la République ni du Parlement, doit démissionner, hypothèse prévue à l’art 98, paragraphe 1er. Et pourtant, cette procédure n’a pas été appliquée.
Dans le cas du Gouvernement Essid, c’est une voie anodine qui a été suivie : Le gouvernement désavoué politiquement par sa majorité, soumet au parlement un vote de confiance.
Même si la voie est constitutionnellement correcte, politiquement et institutionnellement elle reste un peu bizarre.
Il faut bien s’attarder sur le discours de Habib Essid devant l’ARP pour comprendre les dessous d’un tel choix.
Il ne reste pas moins que la conclusion est un peu alarmante : la pratique politique actuelle altère, et parfois profondément, la nature du système politique institutionnel tel que mis en place par la Constitution.
Le Gouvernement de gestion d’affaire : lacunes et pathologies
Un gouvernement tire ses pouvoirs de ce vote de confiance qui lui a été accordé par l’ARP.
Une fois cette ARP lui refuse une telle confiance par un vote solennel et officiel, le gouvernement ne peut exercer ses pouvoirs constitutionnels.
Le cas du Gouvernement Essid nous fait relever un vide dans la Constitution : Quels pouvoirs et actes sont autorisés pour le gouvernement de gestion d’affaire ?
Le Président de la République a maintenu le gouvernement Essid par décret et en tant que gouvernement de gestion d’affaire. Personnellement, je considère que cette initiative est « positive » dans le sens qu’elle implique une ligne de démarcation entre un gouvernement jouissant de la confiance de l’ARP et un gouvernement de gestion d’affaire.
Or,
Si le Président de la République a bien vu, la procédure ne reste pas sans poser une éventuelle irrégularité constitutionnelle en ignorant la procédure constitutionnelle prévue à l’article 100.2 qui implique un choix fait par le conseil des ministres et approuvé par le Président de la République.
La fixation des pouvoirs du gouvernement de gestion d’affaire et sa procédure de maintien devront être traitées explicitement soit par un texte formel soit par une pratique institutionnelle sans équivoque engendrant une coutume constitutionnelle obligatoire.
L’initiative pour « limoger » un gouvernement ne doit pas altérer le système institutionnel
L’ARP (Députés, partis, coalitions et groupes parlementaires) est le fondement des pouvoirs constitutionnels du gouvernement par ce vote de confiance qu’elle lui accorde.
C’est à partir de cette ARP et au sein de cette ARP que la procédure du limogeage d’un tel gouvernement doit avoir lieu.
L’obligation de consulter cette ARP avec toutes ses composantes (partis, coalitions et groupes parlementaires) pour limoger un gouvernement ou choisir un nouveau chef du gouvernement est une OBLIGATION CONSTITUTIONNELLE.


jeudi 21 juillet 2016

Crise politique et ingéniosité de la démocratie Tunisienne

Nous avons entamé l’exercice démocratique de notre nouvelle expérience de démocratie d’assemblée le 24/11/2011.
Depuis plus de 5 ans, une élite d’hommes et femmes parlementaires et politiques tunisiens, post révolution janvier 2011, n’ont pas cessé d’apporter au droit parlementaire et à la sociologie politique comparés de nouvelles données, nouvelles manœuvres et pratiques dignes d’être étudiées dans les universités les plus prestigieuses au monde.
Nous sommes un peuple précurseur et ingénieux dans l’art de créer la règle de droit et d’apporter, par son exécution, la preuve de son contraire et de sa pathologie.
Nous avons adopté une constitution qui a détaillé au détail prêt les hypothèses d’une mise en place d’un gouvernement, mais aussi les hypothèses de sa disparition.
La crise politique actuelle nous renseigne davantage : les Tunisiens peuvent encore vous étonner dans les fines détails que certains croyaient acquis.
Encore, les « acquis » du droit ne sont plus tels au vu de ce que nous pouvons prouver au monde le plus démocratique au monde.
Passons en revue ce qui se passe :
1ère donnée : Une ARP donne confiance à un gouvernement dont tout le monde pensait que c’était sous l’emprise du 2ème paragraphe de l’art 89 de la Constitution, càd, sur proposition du parti politique qui a gagné les élections, à savoir , Nida Tounes.
2ème donnée : le gouvernement, formée suite à un vote de confiance d’une majorité parlementaire, se voit explicitement et implicitement désavoué par cette même majorité et appelé à démissionner.
3ème donnée : Cette ARP, sous impulsion de majorité conférant confiance à ce gouvernement, sollicite ce dernier à une séance plénière pour débat en pleine crise de confiance.
Que s’est-il passé ?4
Incroyable et anodin…
1er fait ; le chef du gouvernement ne s’obtempère pas à l’ARP dont il tire ses pouvoirs !! il refuse de se présenter pour cette plénière de débat !
2ème fait : il demande à cette même ARP, « à qui il a manqué du respect », un vote pour reconduction de confiance !!!
Qu’est ce qui se passe ?
L’actuel chef du Gouvernement a fait passer des messages directs et indirects le jour même où il a refusé « l’assignation » du parlement à comparaître à travers une interview télévisée.
1er message : c’est BCE (Le Président de la République) qui m’a appelé pour être chef du gouvernement. En d’autres termes, ce n’est pas le parti gagnant des élections législatives qui l’a officiellement et réellement présenté.
La logique aurait imposé à ce même chef du gouvernement, pour être en harmonie avec la réalité et le texte, de présenter sa démission car celle-ci se fait auprès du chef de l’Etat (1er paragraphe de l’art 98).
Or Habib Essid, chef du gouvernement, refuse la démission et opte pour le renouvellement de confiance comme s’il voulait retirer tout pouvoir de son « départ » à BCE. C’est autrement dit de cette manière : « Ok, C’est toi qui m’a fait venir mais tu n’auras jamais ce plaisir de me faire partir. Ça sera l’ARP d’en décider».
2ème message : Habib Essid refuse la démission car il invoque que les raisons d’une démission doivent être justifiées « personnellement ». En d’autres termes, invoquer des raisons qui n’engagent que le chef du gouvernement.
Or le Chef du gouvernement insiste sur la responsabilité collective. Il insiste sur le fait qu’il n’a aucune raison personnelle pour démissionner. S’il y a des raisons pour répudier ce « gouvernement », la faute et la responsabilité ne peuvent être que collectives.
En d’autres termes, Habib Essid nous dit : voilà, je ne suis pas le fautif, donc, je ne démissionne pas. Car si je démissionne, je vais assumer la faute des autres aussi, chose que je refuse de faire.
Mais si vous (ARP) jugez que tout ce gouvernement a failli et a échoué, ne renouvelez pas votre confiance en lui.
En d’autres termes, si l’ARP ne vote pas la confiance à un tel gouvernement, c’est qu’elle a désavoué tous les membres du gouvernement en place.
Logiquement, cette ARP ne devra plus accorder confiance à aucun membre de l’actuelle équipe gouvernementale.
Et le paradoxal dans tout ça…
Le Choix de Habib Essid implique une application du paragraphe 3 de l’article 98. Càd que le choix du futur chef du gouvernement ne passera plus par une consultation et proposition du parti qui a gagné les élections (Nida Tounes) mais par un choix du président de la République.
C’est très beau de manœuvrer…
C’est trop bête de ne pas comprendre et d’en parler…..
C’est trop dangereux de jouer…avec…



jeudi 14 juillet 2016

Genèse pathologique d’un gouvernement génétiquement altéré

Début février 2015, avant le vote de confiance au premier gouvernement, certains élus de l’ARP (Assemblée des Représentants du Peuple) ont refusé des postes ministériels. Dans les coulisses, ils ont justifié le refus par le fait que la « durée de vie » de ce gouvernement ne dépassera pas une année, voir 18 mois.
Juin 2016, 17 mois après, le gouvernement Habib Essid est en voie de disparaître.
Une disparition planifiée ?
Si on s’attarde sur certains détails qui se sont accumulés depuis 17 mois, on ne peut être que stupéfié devant les anomalies qui ont accompagné la formation du dit gouvernement, les votes de confiance de l’ARP à ses membres et son mode de fonctionnement.

Une formation contestée par la majorité !

L’article 89 de la Constitution dispose que le Président de la République charge le candidat du parti ou la coalition qui a le plus grand nombre des sièges à l’ARP.
Alors même si un parti ou une coalition reste libre de présenter son candidat faisant partie de ses siens ou non, il ne reste pas moins que les bonnes pratiques des démocraties parlementaires imposaient que le groupe majoritaire ou la coalition parlementaire majoritaire soit de facto associé et au choix des membres du gouvernement et du programme en fonction duquel le vote de confiance sera accordé.
Sur ce point, il parait que l’accord des groupes n’a pas été efficacement recherché. Pour confirmer ce constat, on verra plus loin, quelques données relatives au vote de confiance du 4 et 5 février 2015 ainsi que celui du 11/01/2016.
La logique partisane aurait dû marquer la composition du gouvernement. La réalité tunisienne en a voulu autrement. Ainsi, le parti Nida avec 86 élus, Nahdha avec 69 élus, UPL avec 16 élus et Afek avec 8 élus auraient dû avoir une présence qui concorde avec les poids respectifs des uns et des autres.
Mais à la lecture de la composition du gouvernement, on s’aperçoit du premier coup, que Nida et Nahdha n’avaient pas une représentativité logique par rapport à la représentativité de l’UPL et Afek.
Du coup, un double effet négatif : d’un côté, certains ministres ne prêtaient guerre attention au vote de confiance de l’ARP car ils pensent que leurs sièges ne sont pas tributaires des votes des élus. D’un autre côté, plusieurs élus de la majorité estiment que ce gouvernement n’est pas le leur et n’ont pas une obligation « logique » à les « supporter » par leur vote positif.

Un vote de confiance en douleur !

Une majorité parlementaire gouvernementale s’évalue en fonction de certains indicateurs de bonnes pratiques de démocratie parlementaire dont le vote de confiance en est un, et d’une importance capitale. La discipline de vote de cette majorité est un repère capital pour tout gouvernement.
Le 4 et 5 février 2015, le vote de confiance au gouvernement a enregistré 17 défections (entre « non » , « abstention » et non-participation au vote) dont 7 de Nida et 10 de Nahdha. Mais le gouvernement n’y prêtait pas attention apparemment car il pensait avoir l’appui de 162 élus, une majorité très confortable au-delà des 2/3 (145 élus).
Mais le 11 Janvier 2016, le vote de confiance a enregistré 63 défections dont 34 de Nida, 20 de Nahdha, 7 de l’UPL et 2 de Afek. Le nombre des contestataires s’est multiplié par 4  en moins d’une année!!
La discipline de vote de la majorité n’a pas fonctionné et, encore pire, il s’est profondément altéré.
Le gouvernement s’en foutait encore ?

Un fonctionnement hallucinant !

Le fonctionnement du gouvernement n’a pas manqué de prouver le dysfonctionnement des mécanismes qui l’ont fait venir et qui l’ont maintenu en place.
Les signes précurseurs n’ont pas tardé à se manifester dès le début. La démission de Mr Lazhar Akremi, ministre chargé des relations avec l’ARP, aurait dû imposer une première évaluation du mode de fonctionnement du gouvernement. Rien n’a été fait.
Pire encore, le limogeage du ministre de la justice, Med  Salah ben Aissa, était la preuve que des membres du gouvernement n’ont rien compris au jeu démocratique d’un gouvernement lié à une ARP par un vote de confiance. Plusieurs observateurs ont souligné que la Tunisie n’avait pas un gouvernement mais plutôt un ensemble de ministres gérant chacun son département, à vue et sans commandement central.
On peut encore s’attarder sur d’autres faits pour s’arrêter sur un dysfonctionnement alarmant du gouvernement par rapport aux normes qu’imposait une logique d’un gouvernement tenant sa légitimité d’une majorité parlementaire !
Plusieurs se sont posés la question : d’où tient le gouvernement sa légitimité ?
Il est certain, que les affinités entre Gouvernement Essid et l’ARP ne sont pas et n’étaient pas au beau fixe.
Aujourd’hui, ce même gouvernement veut trouver son salut auprès de cette même ARP !!! c’est insensé ?

Un Gouvernement en agonie !

La logique constitutionnelle aurait imposé une logique simple : Un gouvernement qui perd solennellement la confiance de la majorité parlementaire doit démissionner.
La question qu’on se pose aujourd’hui est comment un gouvernement perd cette majorité ?
La toute nouvelle jeune expérience démocratique tunisienne enrichit le droit parlementaire et le droit constitutionnel comparé par ses pratiques et  manœuvres inédites.
Ainsi, si on se réfère au droit comparé, un gouvernement perd sa majorité en 2 situations presque similaires : la première quand cette majorité lui refuse un projet de loi ; la deuxième quand ce gouvernement, à l’occasion d’un vote d’un projet de loi, soumet en même temps sa confiance en question. Le vote négatif du projet de loi signifie une notification de retrait de confiance.
Dans des démocraties dont ses institutions se respectent, le gouvernement, dans les 2 cas, présente sa démission.

Que s’est-il passé ?

Depuis quelques semaines, le Président de la République avait entamé  des pourparlers avec des « hauts dignitaires » de la politique tunisienne pour trouver une solution à une crise socio-économique du Pays.
Une presque unanimité s’est accordée à ce que ce gouvernement a échoué et ne pouvait pas réussir cette mission d’assurer le redressement de la situation. D’où la solution logique : mettre en place un nouveau gouvernement.
Partant d’un tel constat, le Président de la République a entamé une « initiative » politique se résumant à réunir une majorité parlementaire, politique et socio-économique autour d’un projet de priorités qu’un nouveau gouvernement devra exécuter.
Cette initiative a abouti à la signature d’un document « pacte de Carthage » définissant les priorités du « futur » gouvernement. En parallèle, les partis représentant la majorité parlementaire soutenant le Gouvernement Essid ont expressément soutenu l’initiative présidentielle et appelé le Gouvernement à « partir ».
La solution préconisée est la démission du Gouvernement. Le choix du mode se justifie tout simplement  par « Gagner du temps et éviter la lourdeur des procédures ».

Comment décamper un Gouvernement par voie constitutionnelle ?

Pour faire « partir » un gouvernement, notre constitution prévoit 5 cas de figure tout en passant sous silence un autre cas :
1-    La motion de censure : c’est le mode le plus violent et le plus radicale. Il est prévu par l’art 97 et cette technique vise à notifier au gouvernement le retrait de la confiance parlementaire et la mise en place d’un nouveau gouvernement. C’est une technique lourde, politiquement et techniquement. C’est une vraie « répudiation ». pour qu’elle aboutisse, cette technique doit être entamée par un 1/3 des députés, ne peut être examinée qu’après 15 jours de son dépôt et votée à la majorité absolue. Le vote portera doublement sur le retrait de confiance de l’actuel gouvernement et l’approbation de la candidature du nouvel candidat au poste du chef du gouvernement.
Pour que cette technique aboutisse à la mise en place définitive d’un nouveau gouvernement, il nous faut en moyenne un délai de 4 à 6 semaines au minimum. (On verra l’importance des délais)
Certains estiment que cette option est impossible actuellement pour raison de l’état d’urgence déclarée.
Avec tout le respect, c’est FAUX.
La déclaration d’état d’urgence (actuellement en vigueur) n’est pas tout à fait similaire et identique avec la situation exceptionnelle prévue par l’art 80 où le Président de la République est investi de pouvoirs exceptionnels et pour laquelle il doit « obligatoirement » s’adresser au peuple pour lui expliquer la situation.
Donc, la motion de censure reste possible, actuellement car nous ne sommes pas dans les conditions de la situation prévue par l’art 80 pour que la motion de censure 

2-    Le vote de confiance sur initiative du chef gouvernement :
Le 2ème paragraphe de l’art 98 prévoit le cas où le Chef du gouvernement prend l’initiative de soumettre au parlement (ARP) la question de confiance.
C’est une procédure moins compliquée puisqu’elle ne demande pas assez de conditions de formes. La question de confiance peut être posée à l’occasion d’un examen d’un projet de loi, d’une plénière de dialogue entre Assemblée et gouvernement ou demandée spécialement pour ça provoquant une plénière pour un vote de confiance sans formalisme particulier.
Pour ce cas de figure, 4 semaines au minimum pour voir émerger un nouveau gouvernement.
3-    Le vote de confiance sur initiative du Président de la République :
C’est un cas de figue prévue par l’art 99. La procédure est encore moins formaliste que la 1ère mais les délais pour voir un nouveau gouvernement mis en place seront identiques aux 2ème cas (4 semaines au minimum)
4-    La démission du Chef du Gouvernement :
C’est le cas de figue le plus simple prévu par le 1er paragraphe de l’article 98. Une simple demande écrite émanant du Chef du gouvernement implique une mise en œuvre automatique de la procédure de l’article 89. 2 semaines au minimum pourront suffire à voter un nouveau gouvernement.
5-    La vacance définitive :
C’est un cas de figure prévu par l’art 100 et qui concerne une vacance définitive constatée au poste du Chef du gouvernement hors les cas de démission et retrait de confiance (maladie longue durée, décès, absence…).
Ce cas de figure est compliqué et reste difficilement applicable par l’absence de procédure appropriée à commencer par l’autorité habilitée à constater la vacance.
6-    La désapprobation du gouvernement
La constitution n’a pas évoqué toutes les situations « logiques » où un gouvernement se voit dans une obligation de partir.
Le 1er cas connu dans les expériences comparées est celui d’un rejet par le parlement d’un projet de loi soumis par le gouvernement. En effet, un projet de loi présenté par le gouvernement et rejeté par le parlement signifie que ce gouvernement ne jouit plus de la confiance de la majorité parlementaire ce qui doit l’obliger soit à démissionner soit à soumettre la question de confiance à l’épreuve du vote.
Le 2ème cas, tunisien celui-là, consiste en une déclaration solennelle des partis politiques constituant cette majorité signifiant un retrait de confiance ou abstention de confiance envers le gouvernement en place. Dans un tel cas de figure, la logique impose au gouvernement de présenter sa démission.

Où sommes-nous ?

Récapitulons : 3 autorités sont aptes à faire « dégager » un gouvernement : 1) L’ARP par motion de censure (cas de figure1), retrait de confiance sur initiative du Président de la République (cas 3) ou du Chef du Gouvernement (cas 2) ou suite à désapprobation (cas de figure 6). 2) Le Chef du Gouvernement suite à sa démission (cas 4) ou sa disparition (cas 5) et 3) Le Président de la République par soumettre la confiance de L’ARP en gouvernement au vote ( Cas 3).
Pratiquement : Nous avons un Président de la République qui refuse de passer à la phase 3. Un Chef du Gouvernement qui refuse de suivre l’option de la phase 4 et une ARP dans l’expectative.
Réellement, nous avons un Président de la République qui fait tout pour nous faire savoir que le Gouvernement ne jouit plus de la confiance de la majorité parlementaire et ne fait rien de plus ; Une majorité parlementaire qui déclare solennellement qu’elle ne ferait plus confiance à l’actuel gouvernement mais ne fait rien de plus, pour le moment.
Et nous avons un Chef du gouvernement qui dit : Ok, tout le monde est contre moi, mais je reste et je veux que l’ARP vote.
On doit quand même souligner qu’ai sein de son gouvernement, certains ministres soutiennent l’initiative présidentielle (et donc la démission du gouvernement) d’autres ministres, en revanche, soutiennent le Chef du Gouvernement (la non démission) pour donner une idée sur cette solidarité qui règne.

Mais que va voter l’ARP ?

Une motion de censure ?
Mais il va devoir la rédiger, la motiver, la signer, la déposer, l’examiner, la valider, la soumettre à la plénière, la débattre et la voter avec la condition que ses auteurs aient déjà pensé et présenté le nouveau chef du Gouvernement.
Pour entamer et finir un tel processus, il faut un minimum de 4 à 6 semaines.
Il faut entre temps penser aux vacances parlementaires qui devront commencer fin juillet.
Si on doit finir le processus, une session extraordinaire doit être annoncée ce qui va exiger encore 2 à 3 semaines de plus. 2 mois et on sera pas sûre d’en découdre avec !!
Un retrait de confiance ?
Mais ni le chef du gouvernement ni le Président de la République n’ont manifesté l’intention de suivre la procédure Constitutionnelle appropriée. Tant que personne ne bouge, tant que les choses resteront au statu quo.

C’est quoi la Pathologie ?

Elle est manifeste et maligne : ce gouvernement ne jouit d’aucune confiance sociopolitique mais persiste à se maintenir en place sans un limogeage express de l’ARP.

En quoi c’est dangereux pour le Pays ?

Cette situation incroyablement insensée est en train de créer une instabilité politique et institutionnelle pour l’Etat. Tout le monde est en stand-by.
Ni le gouvernement pourra fonctionner en toute sérénité même s’il fait semblant de faire valoir ni l’ARP ni encore le reste des institutions de l’Etat.
Coïncidant avec une phase estivale où tout le monde devra partir en vacances et où l’opinion publique aura du mal à suivre les périples d’une telle « mascarade », les choses pourront virer au « rouge » profitant de l’absence d’une focalisation médiatique assez importante pour peser sur l’opinion publique.
Il ne faut pas oublier que durant cette période, certains projets de lois très importants auraient dû être votés tels que le code des investissements, le plan quinquennal 2016-2020, le code des collectivités locales, la loi de finances 2017 et tant d’autres…
Que cette instabilité politico-institutionnelle va figer tout ce processus législatif en l’état où il est et, du coup, retarder (voir même mettre en cause) toutes les réformes qu’on croyait prêtes à être votées.
Les conséquences économiques et sociales ne seront que dramatiques pour le pays avec une croissance altérée et une capacité d’embauche réduite à néant.
Et en final, nous aurons 4 mois pour en finir, sinon, l’ARP sera dissoute et…rebelote.