mardi 31 janvier 2017

Le droit de vote accordé aux militaires et forces de l’ordre : La technique a fait défaut.

L’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) vient de voter un projet de loi contenant une disposition accordant aux militaires et agents des forces de l’ordre le droit de voter dans les élections.
C’est ce droit qui a été sujet de discussions et de discordes entre différents groupes politiques ayant empêché l’adoption dudit projet depuis des mois.
Le débat autour de la question était un débat politique. Certes, son aspect juridico-constitutionnel a été évoqué, mais se second degré d’importance.
Les articles 17 et 18 exigent de nos forces armées et nos agents des forces de l’ordre « la neutralité absolue ».
Mais d’un autre part, l’article 21 dispose que les citoyens sont égaux devant la loi. Alors que l’article 34 dispose que les droits de vote et du scrutin sont garantis par la loi.
C’est par référence l’article 21 que les défenseurs du droit de vote des militaires et agents des forces de l’ordre ont bâti leur analyse.
Sans entrer dans le « pour » et le « contre » autour de ce droit, l’approche juridique n’était pas suffisamment débattue ni approfondie.
En effet, les articles 18 et 19 exigeant de nos forces militaires et agents des forces de l’ordre faisaient partie du chapitre premier « Les Principes Généraux ». Ce sont des dispositions véhiculant les fondements de l’Etat Tunisien mais aussi des droits et libertés publiques.
Quant aux articles 21 et 34, ils faisaient partie du Chapitre 2 « Droits et Libertés ».
Il est évident que traiter ces dispositions de la même valeur sans tenir compte de leur cadre formel est une démarche manquant une prise en compte de la philosophie de droit constitutionnel et érigeant notre dispositif constitutionnel en un dispositif formel sans esprit et sans une philosophie directrice.
Il est évident aussi que la teneur de l’article 49 n’est pas encore explorée profondément par nos juristes et nos parlementaires. En effet, cette disposition signifie bel et bien que tout le dispositif du chapitre 2 n’est pas absolu et pourrait être « encadré » par la loi contrairement au dispositif du 1er Chapitre.
Le vote est un acte politique par excellence même s’il s’effectue à titre d’exercice de citoyenneté.
Aujourd’hui si un « presque » consensus a justifié et conforter l’ARP dans ce choix d’accorder le vote aux forces militaires et agents des forces de l’ordre, il ne manque pas moins que son choix quant à la procédure reste un choix contestable car le « process » d’accorder ce droit me semble un « process » vicié et altéré.
En effet, l’ARP aurait dû passer d’abord par une loi organique expliquant « la neutralité absolue » des forces militaires et agents des forces de l’ordre et justifier comment le droit de vote qui leur est accordé ne vient pas en contradiction avec cette neutralité.
Ce qui est alarmant dans ce vote c’est le constat que l’ARP est toujours sous pression et évite souvent d’y faire face.
Encore plus alarmant et inquiétant c’est ce constat du déficit flagrant d’excellents constitutionnalistes qui ont accès au parlement, aux mass médias et tribunes de débats pour expliquer et « théoriser ».
Désolant de voir les meilleurs juristes « blacklistés ».
Très inquiet, et même apeuré , de ce que fera la future Cour Constitutionnelle de cette Constitution.