dimanche 11 février 2018

Pourquoi les séances plénières des questions orales ont tournées au ridicule ?


Durant ce Week-end, les réseaux sociaux Tunisiens ont partagé des images et vidéos montrant une plénière de l’ARP (Assemblée des Représentants du Peuple) consacrée aux questions orales des élus avec une présence un peu inédite : 4 élus et un ministre.
La Photo


La vidéo




La polémique n’en finit pas encore, mais qu’en est-il réellement ?
Pour le savoir, on doit répondre à plusieurs questions.

1)   Dans quel cadre l’ARP situe ces plénières ?

Dans ses communiqués de presse ou durant la couverture des débats par ses comptes Twitter ou Facebook, l’ARP qualifie ces séances comme étant de séances de questions orales entrant dans le cadre de sa mission/pouvoir du contrôle.
Ces séances sont clairement identifiées par l’article 146 du chapitre 9 du règlement intérieur.
Il est évident que cet article évoque un cadre précis « séance plénière » sans lui prévoir un mode spécifique. Ainsi, en l’absence d’un régime particulier, il faut appliquer les dispositions communes aux séances plénières, qui n’est que l’article 109 du R.I et qui prévoit un régime sans équivoque : La plénière se tient à l’heure prévue à majorité absolue ; à défaut, elle se tient une demi-heure après, avec une présence qui ne doit pas être inférieur au 1/3 des membres (soit 73).

Conclusion : Si la plénière des questions orales se tient en application de l’article 146 du R.I, elle est en violation de l’article 109 R.I, et c’est une plénière irrégulière et non conforme au Règlement Intérieur.
La séance du Samedi 10/2/2018 et les précédentes en sont aussi.

2)   S’agit-il de séances de débats avec le gouvernement ?

Certains élus ont essayé de disqualifier la qualification officielle de l’ARP en disant que ce sont des séances tenues en application de l’article 147 du R.I.
Les séances tenues sous cet article sont des séances de débat avec le gouvernement.
Primo, l’ARP, dans ses communiqués officiels et publics, a bien distingué les plénières des questions orales des plénières réservées au débat avec le gouvernement. L’ARP sait très bien la différence.
Secundo, l’article 147 est très précis. Ces plénières, restant toujours soumises à l’article 109 quant au quorum de la tenue, suivent un objectif bien déterminé : la plénière concerne des orientations générales et des politiques sectorielles. Elles sont initiées par une présentation générale du membre du gouvernement suivie d’un débat entre ministre et élus.
Tertio, peu importe, l’article 147 ne prévoit pas un quorum spécial. Ainsi, l’article 109 reste applicable.
Conclusion : même si on qualifie les séances plénières des questions orales comme des séances régies par l’article 147, ces séances ne sont pas conformes à l’article 147 ni même à l’article 147, et du coup, elles ont été tenues en violation du Règlement intérieur.

3)   L’impact de la dénaturation de la technique de l’article 118

Que ce soit en application de l’art 146 ou de l’application de l’art 147, les plénières tenues le samedi sont en nette violation du Règlement Intérieur. Pourquoi nous en sommes ici ?
Pour 2 raisons :
D’abord, l’article 146 oblige, théoriquement, le gouvernement à répondre à la question orale dans un délai de 15 jours. Or, une telle obligation a été rarement respectée. Encore plus grave, le non-respect de ce devoir n’est nullement sanctionné.
Ensuite, les élus, exaspérés par de telle confusion, ils ont cru pouvoir mettre la pression par le recours à l’article 118 du R.I.
Il est évident que la technique de l’article 118 n’avait rien à voir avec la technique de la question orale.
Mais plusieurs élus, au lieu de poser des questions orales, préféraient passer par le biais de l’article 118 pour bénéficier de ce privilège de passer en direct de la diffusion audiovisuelle.
Conclusion : les plénières de samedi, questions orales, se ressemblent magiquement aux fins de plénières réservées aux interventions selon l’article 118 où sont présents que les élus qui ont manifesté leur volonté d’intervenir.

4)   Ces séances sont-elles conformes au Règlement intérieur ?

La réponse est sans équivoque : NON. Elles sont en violation de l’article 109 du R.I.

5)   L’urgence de revoir la planification :

Tenir de manière hebdomadaire une plénière chaque mardi, des réunions de commissions 5 jours/7 et en rajouter une plénière le samedi est une usure pour tout le monde : élus, administration, société civile et médias (publics et privés).
C’est trop.
Une plénière avec 6 élus est un gaspillage de tout genre (Un personnel réquisitionné ; une climatisation de tous les bâtiments ; une consommation électrique de milliers de kilos ; une sécurité renforcée dans tous les périmètres. Etc…)
Faut laisser les gens respirer (élus, fonctionnaires, médias, sécurité…).
Faut chercher l’efficacité.
Question : Quel apport de ces plénières de samedi ?

vendredi 9 février 2018

L’urgente feuille de route pour l’Assemblée des Représentants du peuple

Ce qui s’est passé aujourd’hui à l’ARP au sein de la Commission des droits et des libertés doit inciter, à mon humble avis, la présidence de l’ARP, le bureau ainsi que les différentes instances parlementaire à en tirer les conclusions urgentes et adéquates.
Il faut dire que le même problème que connait la commission citée, connait la commission de la législation générale. Deux importantes commissions, à qui si on ajoute la commission des finances, présentent le cœur battant de l’ARP puisqu’elles sont en charges de presque 90% des projets et propositions de lois en instance d’examen.
C’est quoi le problème ?  Réponse simple : Le cafouillage et la navigation à vue.
Pourquoi ? Réponse simple aussi : aucune coordination pour une planification rationnelle et étudiée.
Je prends l’exemple de la commission de législation générale (qui travaille déjà avec un personnel réduit et submergé). Elle a été saisie en référé pour le projet de loi de déclaration de patrimoine et d’enrichissement sans cause. Avant cette saisine, elle était en charge d’un projet de loi relatif à l’instance constitutionnelle des droits de l’homme (en plus d’autres projets et propositions).
Mais le Bureau lui transmet par la suite, et en référé aussi, un projet de loi relatif à l’instance constitutionnelle de l’audiovisuelle.
Quelques jours plus tard, plus de 90 élus demandent que la proposition de loi relative à l’incrimination de normalisation avec l’Etat sioniste soit aussi examinée en référé.
(En référé, est un terme que j’utilise ici pour noter la qualification de la transmission impliquant une procédure d’urgence d’examen avec des délais très courts).
Du coup, la commission ne sait plus où aller ni comment faire !
Bien entendu, je dois rappeler cette disposition constitutionnelle reprise par le règlement intérieur et qui dispose que les projets de lois émanant du l’exécutif ont une priorité d’examen.
Priorité d’examen !! Une notion vague que personne n’a tenté de la cerner ni de la définir.
En droit comparé, cette priorité implique seulement l’insertion dans l’ordre du jour de la plénière. Mais le droit parlementaire Tunisien a fait usage du terme « examen » impliquant des conséquences générales sur toute la procédure.
A certain moment, nous avons essayé de contourner la difficulté par une simple manœuvre : demander au Gouvernement de faire connaitre à l’ARP sa liste prioritaire des projets de lois. Mais on s’est trouvé dans la même situation. Chaque mois, le gouvernement nous envoie une nouvelle liste mise à jour avec des priorités différentes de celles fixées antérieurement.
Les solutions à cette problématique sont là mais personne ne veut les évoquer et les débattre.
Il est évident que l’ARP assume une partie de ce cafouillage mais l’autre grande partie est de la responsabilité du gouvernement.
Nous sommes au mois de février 2018 et cette législature prendra fin mathématiquement juillet 2019.
16 mois restant.
Mais dans la réalité, nous savons tous que la campagne électorale pour les élections législatives (au moins) sera entamée de fait et concrètement dès la discussion de la loi de finances 2019 (c’est-à-dire dès novembre/ décembre 2018).
9 mois restants.
Jusque-là, le bilan de l’ARP n’est pas finalement glorieux. Mais il peut se redresser durant les mois restants.
Et son seul salut pour le faire, c’est une feuille de route à travers laquelle il aiguille sa boussole vers le bon cap : légiférer en qualité plutôt que de légiférer en quantité.
Légiférer en qualité nécessite de cibler les bonnes lois (projets et propositions) et assurer une présence respectable des élus (il est inadmissible que les commissions parlementaires se réunissent et adoptent des projets de lois avec une moyenne de présence de 6 à 10 élus/ 22 membres).
Une feuille de route ça se prépare d’abord ; ça se discute ensuite et qu’elle soit adoptée, enfin, par une majorité plus que renforcée.
Et ce n’est pas tout….(à suivre)