mercredi 12 décembre 2018

Vote de loi de Finances 2019 : D’un parlement stérile à un Parlement corrompu !?


En lisant l’excellent rapport de la Commission de finances sur le projet de loi relatif à la loi organique du budget (LOB), je me suis dit « Cette ARP peut nous surprendre cette année en discutant le projet de loi de finances 2019 (PLF 2019) ».
Et effectivement, l’ARP nous a surpris. La plénière du 10 décembre 2018 restera dans les annales du travail parlementaire Tunisien.
Si le parlement Tunisien (via l’ANC) a tenu une magnifique et historique plénière le 26 janvier 2014 lors de l’adoption de la nouvelle Constitution, il a aussi tenu (via l’ARP) une historique plénière le 10 décembre 2018.
Depuis un bon moment j’ai été très sceptique et même dubitatif sur la capacité de cette ARP à discuter convenablement budget et lois de finances (Mon article).
J’ai été aussi (très) inquiet sur l’absence (voulue) de la disposition constitutionnelle disposant que « Le député Tunisien est représentant de tout le peuple Tunisien ». (voir mon article).
Mon inquiétude s’est vérifiée de manière éclatante et dramatique lors de cette plénière du 10/12/2018 dernière plénière où cette ARP discute et vote un PLF.
Voyons d’abord comment cette ARP a encore raté son examen du budget 2019 pour expliquer ce qui est réellement passe lors de cette plénière.

Un examen stérile du Budget

Je peux mettre des centaines de synonymes pour qualifier l’examen du budget par cette ARP : futile, improductif, inefficace, infructueux, inutile, maigre, pauvre, endormant, ennuyeux pour finir par être explosif.
Pour l’examen du budget, L’ARP a choisi un retour à un mécanisme classique et stérile de la Chambre des députés consistant à des auditions massives des membres du gouvernement, non pas pour leur poser des questions sur leurs budgets proposés (chiffres et projets en rapport) mais pour un débat d’ordre général voir même d’ordre régional.
Pour la loi de finance, c’est encore pire. L’examen s’est fait uniquement par la commission de finances avec une présence moyenne ne dépassant pas 8 élus (sur 22). La présence des experts et consultants s’est faite sélective impliquant le risque de voir des idées corporatistes ou émanant de lobbys.
Bien entendu, ce n’est pas la première fois que des articles et des amendements véhiculaient des intérêts restreints qui vont à l’encontre des caractères élémentaires de la loi.
J’avais alerté depuis un bon moment que les lobbys, profitant du « désir » vicieux de certains élus de vouloir présenter des amendements, ont multiplié les méthodes et techniques pour faire passer des dispositions servant leurs intérêts via les députés ou même la société civile.
La plénière du 10/12/2018 a mis à nu ces pratiques et de manière dramatique.

Un Vote entaché d’escroquerie !

 La technique d’examen et de discussion du budget choisie par l’ARP ne peut que permettre un vote vicié, illégal voir même inconstitutionnel.
La ruse est simple : profitant de l’échéance constitutionnelle pour l’adoption de la loi de finances (le 10/12), faut soumettre les députés sous « contrainte de temps » et sous « pression d’adopter » dans les délais.
Entamer un examen de la loi de finance le 6/12 sachant que la majorité absolue des élus ne comprenne presque rien à cette loi (trop technique et compliquée) ne peut que permettre un vote orienté voire même viciant la « bonne volonté » de plusieurs élus.
Hallucinant ce qui va suivre.
D’abord, un 1er point d’ordre très remarquable soulevé par le président du groupe populaire exigeant que les textes sur lesquels les élus du peuple vont voter, doivent être préalablement écris et mis à leurs dispositions avant le vote.
Dans le même ordre d’idée, un élu soulève un point d’ordre corroborant le 1er point d’ordre même avec une teneur différente à savoir que le texte lu et voté est le texte qui devra être publié au JORT.
Ensuite, le ministre des finances propose un nouvel article différent d’un « accord préalable » dans le cadre des « consensus ». La procédure veut que cette proposition soit immédiatement votée sans débat ni discussion. Chose faite.
Et c’est à ce moment que les choses vont dégénérer.
Le vote effectué et les résultats affichés, certains élus s’étant rendu compte qu’ils se sont fait dupés commencèrent à protester.
Le président de la séance avait un choix à faire : soit ne pas annoncer les résultats du vote et ouvrir le débat, soit procéder à l’annonce et c’est irrévocable et irrémédiable sauf par une procédure un peu forcée via l’article 123 du règlement intérieur.


Mohamed Naceur a donné le coup de grâce en annonçant les résultats du vote.
Et à partir de ce moment ce n’est plus un parlement.
Mohamed Naceur a-t-il commis une erreur ? Non. Il a mis à nu le double langage des uns et des autres. Il l’a fait volontairement ou involontairement porte peu.
Pensez-vous que des élus ont voté un texte qu’ils croyaient différent de ce qu’il est ?
Ma conviction personnelle est que les élus savaient exactement sur quoi voter. Mais au moment où ils ont constaté que ce vote aller être un moyen de « propagande » électorale et populiste, ils se sont montrés sous « vêtement » d’élus arnaqués.
Je pense même que c’est la 1ère fois où des élus du groupe Nahdha se sont « révoltés » contre la discipline du groupe en contestant a posteriori la consigne du vote donnée.
Pour preuve, la 1ère contestation est venue d’un élu nahdha invoquant l’ingérence des lobbys dans ce vote contesté.
 L’opposition invoque même l’escroquerie
Et une autre élue du groupe Nahdha corrobore la théorie d’escroquerie et exige une enquête
En réalité, certains élus se sont rendus compte de la gaffe commise et souhaitaient que le Président de la séance n’aurait pas annoncé les résultats car cette annonce a scellé leurs positions.
L’aveu vient même d’un élu renommé du groupe Nahdha
D’où cette volonté de faire assumer à Mohamed Naceur le KO et la dégringolade engendrée par ce vote
La « Mafia » est-elle en voie de contrôler le parlement ? l’accusation de l’opposition est sans équivoque
Plusieurs ont omis un fait très important.
Quand le président de la commission des finances demande au ministre des finances de présenter (oralement) un exposé de motifs pour l’article proposé, et c’est un minimum demandé, le ministre refuse, tout simplement.
C'est ce fait qui donne le coup de grâce à cette disposition et laisse planer toutes les suspicions à propos des violations invoquées.
Au moment de la rédaction de cet article, on annonce un pourvoi en inconstitutionnalité en cours de rédaction contre des dispositions de cette LF2019 (annonce).
Ce recours a tous les atouts d’aboutir.
Un vote entaché d’escroquerie, de falsification et de servir des intérêts restreints est un vote inexistant car il enfreint toutes les normes légales et constitutionnelles.

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