Durant
presque 5 ans, le Parlement Tunisien a « échoué » à élire 4 membres
de la Cour Constitutionnelle.
En réalité,
ce n’était pas un échec.
C’était prémédité,
planifié, calculé et finement ficelé.
Pourquoi ?
il faut connaître le contexte des textes, les poids de pouvoir en place durant
et les raisons de cet avortement de la mise en place de la plus haute instance
juridictionnelle en Tunisie.
Le Contexte
En 2012 et
2013, années de la rédaction de la Constitution, La Nahdha et le CPR (de
tendance conservatrice) gouvernaient avec le Takattol (Social-démocrate) et
avaient la majorité des sièges dans les instances de l’Assemblée Nationale
Constituante chargée de rédiger la nouvelle Constitution Tunisienne.
Le Président
de la Commission chargée du chapitre « Pouvoir judiciaire » était de
l’opposition.
A cette
époque, le débat autour de la Cour Constitutionnelle s’articulait sur 2 points
essentiels :
- Sa composition
- Son mode de
composition : élection ou désignation.
La Nahdha gagne la 1ère
bataille de composition
La Nahdha a
pu gagner cette 1ère bataille en imposant finement 2 choix :
1-
Les 12 membres seront de ¾ juristes et du ¼ non
juristes (9 contre 3).
Initialement, la nahdha et certains d’autres voulaient que les 3 non
juristes soient des « jurisconsultes » musulmans (ou
spécialistes de la religion musulmane) étant donné que la Constitution fait
référence à l’Islam dans plusieurs articles d’une certaine importance.
Il faut dire aussi que la Nahdha et certains de ses alliés n’avaient pas
confiance dans les « docteurs en droit » réputés pour leur
tendance de « gauche ».
2-
La Nahdha a
aussi gagné à imposer que 4 membres de cette Cour soit « désignés »
par le Parlement (à cette époque, elle pensait pouvoir garder la majorité)
sans en définir le mécanisme ou l’autorité compétente.
Si la
composition et son mode étaient un champ de bataille c’est que les uns et les
autres voulaient avoir un contrôle de cette Cour.
Pourquoi ?
La réponse
est simple : Cette Cour sera appelée à interpréter la Constitution déjà « minée »,
spécialement dans certaines de ses dispositions
Les Compétences qui font
peur
Durant la
rédaction de la Constitution, la question de la laïcité s’est posée comme
question primordiale et avait donné lieu à beaucoup de discussions houleuses au
sein du parlement ou ailleurs.
Pour la
Nahdha, il était hors de question que la laïcité implique une négation de l’Islam.
La Nahdha gagne le
verrouillage constitutionnel théorique
Dans l’indifférence
et l’ignorance des « experts » et « charlatans »
constitutionnalistes de l’époque, La Nahdha a pu passer 2 articles pour
verrouiller le mode d’interprétation de la Constitution pouvant aboutir à des
solutions allant contre l’Islam
Ce sont les
articles 145 et 146 de la Constitution.
Le verrouillage
mis en place, certaines dispositions ne seront plus en mesure d’être dénaturés
par une Cour Constitutionnelle de tendance laïque ou progressiste.
A titre d’exemple,
on cite les dispositions suivantes :
La donne des élections 2014
Aux lendemains des élections 2014, le paysage politique s’est
trouvé chambardé intégralement : La Nahdha n’est plus majoritaire ou le 1er
parti politique au parlement. La Présidence de la République est revenue à un
de ses rivaux : BCE (Béji Caïd Essebsi).
Par un simple calcul, 8 membres sur 12 de cette Cour pourront
être des « juges » hostiles.
Et la Nahdha n’a pas tardé à renverser la tendance et
corriger la « trajectoire » qu’elle a dessiné depuis 2013.
La Nahdha gagne la bataille
de l’enterrement de la Cour
Constatant la tourmente par la quelle passe le parti gagnant
des élections (Nida Tounes), la faiblesse de l’opposition mais aussi l’éclipse
soudaine et surprenante des « experts » et « charlatans »
constitutionnalistes qui ont passé 3 ans (2011- 2012-2013) à occuper la scène
médiatique, La Nahdha réussi à passer en décembre 2015 (une année après les
élections) le projet de loi organique relatif à la Cour Constitutionnelle avec
2 dispositions qui ont complètement changé la donne et lui ont permis d’avoir
la main.
L’ordre de désignation
La loi organique 50/2015 a imposé un ordre successif
non prévue par la constitution voir même contraire à la lettre de l’article
118.
En effet, C’est l’ARP qui doit « désigner » en 1er,
ensuite le CSM et enfin le Président de la République.
Si l’ARP ne désigne pas, tout le processus est bloqué.
Et ce n’est pas tout.
Le mode de désignation
dénaturé
L’Article 118 est sans équivoque : les membres sont
désignés.
Mais la loi 50/2015 tout en parlant de « désignation »,
elle met en place un mécanisme des « élections » par la plénière ce
qui n’était pas tout évident.
Et qui dit élection, dit majorité requise.
Là encore, la Nahdha a frappé.
Une majorité de
verrouillage
La Constitution Tunisienne n’a jamais évoqué la majorité
requise pour la Cour Constitutionnelle puisque le mode initial était la désignation
et non les élections.
Or la loi 50/2015 a dénaturé ce mode en le glissant vers les
élections et en imposant une majorité de 2/3 (145 députés) ce qui rendait cette
mise en place difficile voir impossible.
Conclusion :
La Nahdha est très sérieuse avec cette question de la Cour Constitutionnelle
et ne peut jamais tolérer la mise en place d’une Cour hostile à l’Islam.
Cette option s’est peut-être consolidée depuis l’initiative
du Président de la République visant l’égalité successorale.
Ce Président devenu « Hostile » à ses principes, la
Nahdha va tout faire pour lui retire toute chance de « Nommer » 4
membres de cette Cour.
Donc, à priori, pas de Cour sous l’ère BCE.
Et d’ailleurs, ça donne une idée sur le possible futur
Président de la République : la Nahdha ne fera jamais la même erreur.