samedi 28 octobre 2017

Quel impact de la crise espagnole sur le projet du code tunisien des collectivités locales ?

Au moment où la Commission parlementaire de l’organisation de l’Administration et des affaires de forces armées continue l’examen du projet de loi relatif au code des collectivités locales, le parlement Catalan déclare l’indépendance de la région provoquant une réaction immédiate du pouvoir central du Madrid (Gouvernement et Senat).
Poser la question si cette crise espagnole aurait un effet sur l’expérience tunisienne ou un impact sur l’examen du projet de loi cité ci-dessus parait une interrogation aberrante.
Connaissant le débat actuel soit au niveau de la commission soit au niveau de la société civile, il sera très probablement question de se référer à la crise espagnole pour justifier des mesures limitant les pouvoirs des collectivités locales allant même à altérer le sens du texte constitutionnel.
Des voix hostiles au chapitre 7 de la Constitution relatif au pouvoir local se sont élevées ces derniers temps pour demander sa révision ou simplement son abrogation.
Le projet de loi actuel contient des dispositions permettant au pouvoir central de dissoudre les conseils des collectivités locales ou la  suspension de leurs fonctions. Des dispositions qui font l’objet de vives critiques de la part de la société civile, spécialement.
Il ne reste pas moins de considérer que la commission parlementaire tunisienne doit prendre acte de l’expérience espagnole pour pallier à un vide constitutionnel.
En effet, la Constitution Tunisienne ne contient pas une disposition semblable à l’article 155 de la Constitution espagnole ni même une disposition qui pourrait aboutir aux même effets.
L'article 155 de la Constitution espagnole est un presque copier/coller de l'article 37 de la Loi fondamentale de la République fédérale d'Allemagne.
Cet article n’a jamais été appliqué car il véhicule des mesures extrêmes et c’est pour cette raison que certains juristes critiquent aujourd’hui sa mise en œuvre estimant que le pouvoir Central avait à disposition d’autres mesures intermédiaires prévues par d’autres lois telle que la loi sur la sécurité nationale ou celle relative à l'état d'urgence.
Et c’est exactement ce que la Commission doit chercher à faire.
Les dispositions du projet de loi actuel ne sont pas loin de l’article 155 espagnol mais elles ne sont pas entourées des mêmes garanties constitutionnelles. Pire encore, en cas d’atteinte grave, la procédure peut durer une éternité ce qui ne devrait pas être.
Juste pour l’histoire, et pour ceux et celles qui demandent une abrogation du chapitre 7 de la Constitution, il est à rappeler que l’engagement de la Tunisie dans la voie de la décentralisation date depuis les années 2000 où même des plans de développement l’ont évoqué et considéré comme un engagement stratégique de l’Etat sous le titre « La région, un pôle de développement » .
Malheureusement, il est resté un slogan.

La suite, on la connait tous. 

lundi 23 octobre 2017

Le Parlement Tunisien est-il capable de discuter le projet de loi de finances ?

A priori, Non. A moins que…
Pourquoi a priori non ?
La raison est simple : la loi de finances est une des lois les plus compliquées (à côté des lois de propriété intellectuelle).
Non seulement le texte des articles est compliqué, mais aussi son exposé de motifs.
Pourquoi faut mentionner cet élément ?
Tout simplement pour se rendre compte que le Parlement Tunisien n’est pas une Assemblée élitiste. Elle n’est pas composée de fiscalistes chevronnés ou de financiers confirmés.
Pour que les élus puissent discuter et « négocier » la loi de finances, ils doivent être habilités à comprendre le sens des dispositions, leurs impacts et leurs significations.
Malheureusement, aucune action ne se fait dans ce sens. Et même si des « actions » se font, elles ne sont pas « innocentes ».
La première chose à faire pour une loi de finances, c’est vulgariser ses dispositions pour qu’elle soit accessible à l’opinion publique.
Malheureusement encore, l’administration du Parlement tunisien est incapable de le faire, non pas pour incompétence, mais surtout pour difficultés d’accès à l’information.
Pire encore, la société civile qui devrait jouer un rôle dans ce sens, tombe dans le lobbying et la défense des intérêts de groupes de pressions. Des élus même, y prennent part. Ainsi, rarissime que tu trouves une ONG ou un Think Tank qui a une vision globale et détaillée du projet de loi de finances.
Certes, le parlement tunisien est démuni des moyens et des données. Mais il est responsable aussi de son inertie.
Cette inertie se manifeste surtout par son absence d’action en tant que demandeur d’information.
Je prends comme exemple le projet de loi de finances 2018.
L’ARP a-t-elle demandé une étude d’impact sur les dispositions fiscales adoptées en faveur du secteur des assurances vie ? du secteur agricole ? de la prise en charge par l’état des charges patronales vis-à-vis des caisses sociales ?
La discussion du projet de loi de finances nécessite 56 jours (du 15 octobre au 10 décembre).
Les 56 jours (constitutionnels) sont prévus pour discuter un projet de loi de finances, non pour l’étudier.
L’étude d’un projet de loi de finances se fait en amant par ces études d’impacts et de suivi d’exécution des lois de finances précédentes. Elle ne se fait pas en aval.
Je répète sans cesse, que le Parlement Tunisien, depuis 2011, ne cesse de répéter la même erreur : il examine (sans discuter ni négocier) le projet de loi de finances, tout en ignorant complètement l’examen, la discussion et la négociation du budget de l’Etat.
Certes, le parlement Tunisien n’est pas composé d’éminents fiscalistes ou financiers pour le critiquer sur sa procédure d’adoption de la loi de finances, mais la présence de juristes manifestement respectable n’explique pas cette horrible confusion entre loi de finances et Budget de l’Etat impliquant une ignorance du ce dernier.
En conclusion, le parlement Tunisien est incapable de « discuter » tout projet de loi de finances, tant qu’il n’a pas à dispositions : des rapports d’impacts des mesures fiscales précédentes relayées souvent ; des vulgarisations des dispositions et des vulgarisations « indépendantes, honnêtes et scientifiques » des dispositions du projet de loi.

Pour y arriver, ce ne sont pas de simples décisions des instances du parlement (Bureau et autres), mais un vrai amendement du Règlement Intérieur qui assure l’efficacité de telle procédure.