vendredi 16 août 2019

Elections et mathématiques* : un premier tour à haut risque


Etape 1 : Historique
On prend les chiffres des élections présidentielles de 2014 au 1er tour :
1-              Nombre d’inscrits = 5308354
2-              Votants= 3339666 soit 62.91%.
3-              On analyse le vote du 1er tour qui donne les éléments suivants :
-        BCE :1289384, soit 39.46% (il lui manquait 10.55% soit 333.966 voix)
-        M.M : 1092418 soit 33.43%
-        Les deux premiers ont reçu 72.89% des voix.
4-              Les 4 suivants : Hamma Hammami (255.529 soit 7.28%), Hachmi Hamdi (187.923 soit 5.75%), Slim Riahi (181.407 soit 5.55%) et Kamel Morjen (41614 soit 1.27%) forment ensemble un électorat de 20.39%
5-              Les six premiers des élections 2014 ont totalisé 93.28% des voix.

Etape 2 : Comparaison

On prend les chiffres et les données de 2019 et on les compare avec ceux de 2014 :
1-              Le nombre d’inscrits a progressé environ de 29% pour atteindre approximativement 7.300.000 inscrits.
2-              Si on garde le pourcentage des votants de 2014 (60%), on aura un nombre de votants +/- égal à 4.300.000 votants.
3-              On prend la liste de 2014 et on constate que 5 d’entre eux sont encore en course pour les élections de 2019 dont 4 figuraient dans les six premiers en 2014 (Moncef Marzouki, Hachemi Hamdi, Hamma Hamami et Slim Riahi).
4-              On prend la liste de 2019 et on constate que deux des six premiers en 2014 n’y figurent plus à savoir feu BCE (1er avec 39.46% et gagnant au second tour et Kamel Morjen avec 1.27%).
5-              Donc, on a 5 anciens de 2014 et 22 entrants pour les élections 2019.
Donc, il faut calculer les chances des 5 « survivants » de 2014 et des 22 entrants de 2019.
6-              On fait un tableau de 2014 et un autre de 2019 et on essaye de « deviner » dans quelle direction vont les voix de 2014 pour les élections 2019.
7-              Comme le montre le schéma suivant, impossible que le flux 2014 reste le même pour 2019
-        Les voix accordées à BCE en 2014 vont fusiller vers plusieurs candidats.
-        Les Voix de M.Marzouki de 2014 (en partie grâce  à l’électorat Nahdha) ne lui seront plus accordées vu que ce parti a présenté son candidat « officiel » et que l’un de ses anciens, Mohamed Abbou se présente lui aussi avec d’autres (comme seif Makhlouf) et le constat sans équivoque que son ancien parti le CPR ne pèse plus sur la scène politique.
-        Les voix de Hamma Hammami aussi ne lui seront plus accordées après les divisions accumulées dans son fief électoral (scission du Front national) et la candidature de Mongi Rahoui.
-        Slim Riahi ne pourra plus compter sur les voix du public de Club Africain d’autant plus qu’il ne jouit plus de l’effet « surprise » de 2014.
-        Enfin, Hachemi Hamdi ayant perdu son parti (presque) et ne pouvant plus faire campagne sur sa chaîne tv, ne pourra plus espérer avoir le même nombre de voix.

8-              Une dernière donnée à prendre en considération, tirée des élections 2014, est relative à la considération géographique montrant un électorat imposant au nord et un autre au sud dévoué aux « conservateurs » comme le montre le schéma ci-dessous
(En Rouge: Régions ayant voté majoritairement BCE; En vert, régions ayant voté majoritairement  Moncef Marzouki) 
9-              Donc, il faut connaitre où iront les voix des six premiers pour connaitre approximativement l’éventuelle cartographie.

Etape 3 : Les paramètres de la Projection

Une fois que nous avons toutes les données, il suffit de mettre en avant-plan les paramètres clés afin d’essayer une projection +/- objective et rationnelle en majorant les données de 2014 par 29%.
1-              Une donnée certaine : les 1.600.000 voix « théoriques » de BCE vont fusiller vers au moins 7 candidats potentiels. Ce qui donne à chacun d’eux un nombre de voix +/- égal à 220.000 voix ce qui représentera 5-6% des voix.
2-              L’ancien électorat de M.M votera en 75% au moins le Candidat nahdha soit 24% .
M.M ayant récolté 1092418 voix au 1er tour et 1378513 voix au second tour, avec majoration de 29%, j’affecte 1.400.000 aux candidats nahdha et 378.000 pour M.M et ses pairs.
Si la masse votera 2/3 pour Mourou et 1/3 pour Jebali, le 1er aura 16%, le second 8%.
3-              Pour le vote de la Gauche, les vois de Hamma et Kannou (253.000 presque) majorées de 29% feront 353.000 seront dispersées entre 3 candidats qui donneront à égalité 117.000 ce qui donnera 2-3%.
4-              Si on calcule le total des ex ben Ali (et proches) en 2014 avec majoration de 29% et on accorde le total des Voix à Abir Moussi, celle-ci n’aura pas plus de 2% (soit 60.000 voix).
5-              La grande énigme réside dans les presque 450.000 voix (après majoration) accordées à l’électorat Slim Riahi et Hachemi Hamdi et représentant vers les 10%.
Je suis convaincu que cet électorat sera dispersé aussi et son flux ne fusera jamais vers un unique candidat ou deux.
6-              Mais si Abir Moussi bénéficiera du quota électoral projeté de BCE, elle pourra atteindre les 7-8% et se présenter comme candidat concurrentiel à la 2éme place.

Conclusion :

Par projection statistique, il est évident qu’on aura un second tour.
Dans ce second tour soit on aura 2 candidats Nahdha soit un Candidat Nahdha et éventuellement Abir Moussi.
(* « Mathématiques et élections » est un ouvrage inédit disponible dans la bibliothèque de la bundestag allemand (parlement allemand) et qui sert encore à ses « experts » pour calculer la répartition des sièges et projeter des résultats des élections.)

jeudi 1 août 2019

Comment BCE a chambardé l’échiquier politique Tunisien


En une semaine ou presque, Le Président de la République Tunisienne, Béji Caïd Essebsi (BCE), a chambardé tout l’échiquier politique tunisien et semé le trouble dans toutes les stratégies électorales de tous les partis politiques.

La non promulgation de la loi électorale

De son vivant, BCE a refusé de promulguer la loi portant amendement de la loi électorale.
La majorité avait apporté 2 amendements majeurs au texte électoral imposant un seuil électoral de 3% pour accéder au parlement et un autre sanctionnant listes et candidats ayant commis des actes interdits aux partis politiques durant les 12 derniers mois avant échéance électorale. Ce dernier amendement était considéré comme visant le parti du Nabil Karoui (Propriétaire de la Chaîne Tv Nessma) et l’Association « Iiich Tounsi » qui ont fait une montée fulgurante dans les sondages d’opinion durant les mois Mai/Juin 2019 dépassant de loin le parti du Chef du Gouvernement Youssef Chahed.
Le recours en inconstitutionnalité n’ayant pas abouti malgré le sérieux des griefs invoqués, tout le monde attendait la réaction du BCE qui avait 2 possibilités : soit le renvoi du texte pour une seconde lecture avec implication sur la majorité requise qui passe de la majorité absolue à la majorité de 3/5, soit la promulgation.
Mais BCE, contre toute attente, n’a opté ni pour l’une ni pour l’autre solution et a opté pour une solution qui ne figure pas dans les textes : le refus de promulgation.
Ce refus, pour être qualifié de violation gravissime à la constitution pouvant conduite à sa destitution, nécessite une Cour Constitutionnelle mise en place pour statuer, ce qui faisait défaut.
BCE a pris tout le monde de court.
Mais pourquoi BCE avait pris cette décision ?
A moins que BCE n’était pas en état de signer (incapacité physique), son acte est délibéré.
Rappelons que BCE avait rompu son alliance avec le parti Nahdha et est entré en conflit avec son Chef du Gouvernement qui, lui, est devenu soutenu par le parti islamique.
BCE savait s’il renvoi le texte pour une seconde lecture, l’approbation par 3/5 reste possible. S’il promulgue le texte, les conséquences seront désastreuses :
D’abord, avec le seuil de 3%, La Nahdha aurait réussi une écrasante victoire aux élections législatives lui permettant d’avoir une majorité dépassant de loin la majorité absolue.
Ensuite, le texte amendé aurait évité au Parti de Youssef Chahed une fort probante défaite humiliante aux élections.
Enfin, le sort du Parti Nida Tounes serait définitivement scellé : la disparition.
BCE a empêché Nahdha de gagner les élections avec une majorité renforcée. Il a sauvé le parti nida tout en mettant celui du Youssef Chahed en difficultés.

Le décès avec effets dramatiques pour les partis

Le décès du Président BCE a semé le trouble général

Stratégies profondément altérées

Le 1er parti qui s’est vu sa stratégie chambardée est certainement le Parti Nahdha.
En effet, le parti Nahdha cachait jusque-là son jeu pour les élections présidentielles. Avait-il ou non son candidat ?
Comme pour 2014, la Nahdha attendait voir ses adversaires jusqu’au dernier moment pour se prononcer. Sa position de force lui permettait de « négocier ».
En avançant l’échéance des présidentielles, la Nahdha se trouve obligée de sortir de sa « cache » et se dévoiler.
Le second parti touché est celui du Chef du gouvernement. Voulant garder le silence sur sa candidature jusqu’au dernier moment, il n’est plus en mesure de le faire.
S’il se porte candidat, sa tête mise à prix sera la demande d’une bonne partie de la classe politique. Encore pire, s’il se porte candidat et échoue dès le 1er tour, les effets négatifs sur son parti seront néfastes voir désastreuses.
Enfin, pour le reste des partis c’est la course contre la montre pour réunir les signatures et parrainages ce qui ne sera pas facile à obtenir.

Les Présidentielles avant les législatives : le jeu est renversé

De son vivant, BCE avait souhaité en 2014 de tenir les présidentielles avant les législatives mais la Nahdha s’est y opposée farouchement.
BCE a enfin obtenu ce qu’il souhaitait par son décès.
Mais pourquoi la Nahdha (et d’autres partis comme celui de Y.C) ne voulait pas de présidentielles avant les législatives ?
Tout simplement, si le candidat du parti Nahdha ou celui soutenu par lui gagne les élections présidentielles, toute la campagne électorale législative se retournera contre elle afin de l’empêcher de gagner ces élections.
La Nahdha comptait gagner ces élections législatives et avoir une forte majorité lui permettant de former le gouvernement et d’avoir main mise sur les différents centres de pouvoir dans le pays.
Maintenant, si elle entre aux présidentielles, elle risque bien de compromettre ses chances souhaitées pour les législatives.

Les problèmes juridiques restants

 D’abord, il est évident que le prochain parlement rectifie le tir pour les échéances électorales. Il n’est pas question que les échéances de 2024 soient les même. Il est même conseillé d’amender la Constitution sur ce point et sur d’autres aussi.
Ensuite, que fera le chargé des fonctions présidentielles, Med Naceur, par rapport à la loi électorale dont BCE avait refusé de la Promulguer ?
Enfin, que fera l’ISIE quant aux candidats qui auront violé manifestement la loi électorale et gagné les élections ? aura-t-elle des couilles pour annuler les résultats ?