vendredi 28 février 2020

L’opposition parlementaire : la bataille du positionnement


Lors du vote de confiance au gouvernement le 26 février 2020, il est apparu que 3 groupes parlementaires se sont y opposés, un total avoisinant les 74 députés.
Dès lors, la guerre contre le gouvernement verra en parallèle une guerre au sein même de l’opposition. Qui mènera la valse ?
Certainement, cette lutte fera l’objet de manœuvres parlementaires dont l’impact dépassera certainement le cadre de l’opposition pour affecter même la majorité gouvernementale.
Rappel Historique 1 : L’ANC
Durant les discussions au sein de la commission des consensus, la notion de « l’opposition parlementaire » et la « citation » explicite de ses droits constitutionnels ont été débattus pour la première fois. Nous y reviendrons une autre fois.
En fin de débats, l’article 60 a été approuvé.

Rappel Historique 2 : l’ARP
Après élections 2014 de l’ARP, il est apparu que le plus gros lot de l’opposition se situait au sein du groupe du Front Populaire.
Ce groupe, se fondant sur sa position sur l’échiquier parlementaire, réclamait à juste titre la présidence de la commission des finances.
Hélas, c’était sans compter sur la volonté occulte de part et d’autres de lui barrer cette route et de l’empêcher d’y accéder.
Le motif était simple : le constituant n’a pas défini la notion de « l’opposition parlementaire » et il appartient au Règlement Intérieur d’y remédier.
Et pour enfoncer encore le clou, un groupe parlementaire réunissant des élus n’ayant pas voté la confiance du gouvernement s’est vu spécialement constitué pour barrer la route au Front Populaire.
Des débats houleux se sont déroulés au bureau même du Président de l’ARP et le Front Populaire, malgré une résistance farouche à ces manœuvres, s’est résigné à signer un accord pour une présidence alternative de la commission des finances.
L’historique de ces débats font la genèse de l’article 46 du R.I spécialement, ses paragraphes 1, 2 et 3 et surtout les alinéas 1 et 2 du 1er paragraphe.

La problématique du mandat actuel 2019-2024
Théoriquement, 3 groupes parlementaires sont qualifiés d’opposition parlementaire.
Mais la question et de savoir qui de ces groupes devra occuper le poste du Président de la Commission des finances et le poste du rapporteur de la commission des libertés ?
L’article 46 du R.I n’en dit rien.
Devrons nous faire les « consensus » de 2015 ?
Il est certain qu’on va tenter de laisser la question sans réponse pour permettre les manœuvres politiques.
Il est évident que la question va provoquer autant de polémique.
Mais il est clair que le passage par l’application du dernier paragraphe de l’art 70 du R.I reste fatale et sans aucune possibilité de détournement.

Une belle bataille en vue pour le poste du rapporteur de la commission des libertés.



jeudi 27 février 2020

Le ministre d’Etat: Quel Sens et quels pouvoirs?


Le gouvernement Fakhfakh a réintroduit le concept « ministre d’Etat » dans le jargon « institutionnel » Tunisien.
Le ministre des transports et logistique (du parti Nahdha) ainsi que le ministre chargé de la fonction publique, de la réforme administrative et de la lutte contre la corruption (au Parti Tayyar) se sont vu attribués le titre « honorifique » de ministre d’Etat.
Signification comparée
On va se limiter à l’exemple français sous la Cinquième République, « le ministre d'État est placé protocolairement après le Premier ministre … sa seule prérogative est de pouvoir organiser des réunions interministérielles, normalement apanage du Premier ministre ».
Signification historique Tunisienne
Sous l’ère Ben Ali, le ministre d’Etat (titre rarement attribué, est généralement accordé à celui qui a le portefeuille du ministère de l’intérieur.
Il avait deux prérogatives : Protocolairement, il est placé juste après le 1er ministre, mais surtout, il avait ce privilège de rendre compte directement au Président de la République (donc un pouvoir court-circuiter le 1er ministre).
Depuis la révolution, cette attribut a disparu.
Qu’en est-il réellement aujourd’hui ?
Un titre non constitutionnel
Le ministre d’Etat n’existe pas dans le dispositif gouvernemental Tunisien, dispositif pour le moment constitutionnel.
Le 1er paragraphe de l’art 89 de la Constitution est sans équivoque : le gouvernement est constitué d’un chef (de gouvernement), de ministres et de secrétaires d’Etat. Il n’y pas à instaurer de rang de ministre tant que le texte constitutionnel ne le prévoit pas ou n’en laisse pas la possibilité.
Un titre bidon
Encore une fois, le texte constitutionnel fait échec à ce rang.
D’abord, tout ministre est redevable uniquement au Chef du Gouvernement et ne peut agir seul ou correspondre directement avec le Président de la République sans l’aval du Chef du gouvernement.
Ainsi, le Chef du gouvernement peur démettre tout ministre (par sa propre volonté) sauf pour le cas du ministre des affaires étrangères et celui de la défense pour lesquels il doit consulter le Président de la République, ce qui n’est pas le cas pour l’actuel gouvernement car les attributs « ministre d’Etat » n’ont pas été accordés à ces portefeuilles.
Ensuite, tout décret ministériel doit être cosigné par le Chef du gouvernement (art 94 de la Constitution).
Enfin, l’existence même du Gouvernement dépend du Chef du gouvernement dont sa démission implique une démission de tout le gouvernement (art 98).
Un titre générateur de réflexions
Le titre « ministre d’Etat » est généralement accordé soit à une personnalité politique importante soit à un ministre chargé d’un portefeuille ministériel « critique ».
La logique du texte constitutionnel tunisien imposait que ce titre soit réservé au ministre des affaires étrangères et à celui chargé de la défense.
Mais la logique « Fakhfakh » a été mitigée. Si on comprend le titre accordé au S.G du Parti Tayyar, on ne comprend pas les raisons pour lesquelles ce titre a été accordé au ministre des transports et de logistique !!
Encore plus frappant, ce dernier ministre dans une déclaration radiophonique disait qu’il ne sait pas encore ses vraies attributions découlant de ce titre spécial.
J’ai personnellement appelé à légiférer dans le sens de préciser les prérogatives des ministres, de fixer les pouvoirs des gouvernement « intérimaires » soit pour cause de démission soit en phase post-électorale.
Il suffit de consulter les cinq derniers journaux Officiels (JORT) pour se rendre compte ce que peut faire un gouvernement de dégâts pour le gouvernement d’après.