jeudi 27 février 2020

Le ministre d’Etat: Quel Sens et quels pouvoirs?


Le gouvernement Fakhfakh a réintroduit le concept « ministre d’Etat » dans le jargon « institutionnel » Tunisien.
Le ministre des transports et logistique (du parti Nahdha) ainsi que le ministre chargé de la fonction publique, de la réforme administrative et de la lutte contre la corruption (au Parti Tayyar) se sont vu attribués le titre « honorifique » de ministre d’Etat.
Signification comparée
On va se limiter à l’exemple français sous la Cinquième République, « le ministre d'État est placé protocolairement après le Premier ministre … sa seule prérogative est de pouvoir organiser des réunions interministérielles, normalement apanage du Premier ministre ».
Signification historique Tunisienne
Sous l’ère Ben Ali, le ministre d’Etat (titre rarement attribué, est généralement accordé à celui qui a le portefeuille du ministère de l’intérieur.
Il avait deux prérogatives : Protocolairement, il est placé juste après le 1er ministre, mais surtout, il avait ce privilège de rendre compte directement au Président de la République (donc un pouvoir court-circuiter le 1er ministre).
Depuis la révolution, cette attribut a disparu.
Qu’en est-il réellement aujourd’hui ?
Un titre non constitutionnel
Le ministre d’Etat n’existe pas dans le dispositif gouvernemental Tunisien, dispositif pour le moment constitutionnel.
Le 1er paragraphe de l’art 89 de la Constitution est sans équivoque : le gouvernement est constitué d’un chef (de gouvernement), de ministres et de secrétaires d’Etat. Il n’y pas à instaurer de rang de ministre tant que le texte constitutionnel ne le prévoit pas ou n’en laisse pas la possibilité.
Un titre bidon
Encore une fois, le texte constitutionnel fait échec à ce rang.
D’abord, tout ministre est redevable uniquement au Chef du Gouvernement et ne peut agir seul ou correspondre directement avec le Président de la République sans l’aval du Chef du gouvernement.
Ainsi, le Chef du gouvernement peur démettre tout ministre (par sa propre volonté) sauf pour le cas du ministre des affaires étrangères et celui de la défense pour lesquels il doit consulter le Président de la République, ce qui n’est pas le cas pour l’actuel gouvernement car les attributs « ministre d’Etat » n’ont pas été accordés à ces portefeuilles.
Ensuite, tout décret ministériel doit être cosigné par le Chef du gouvernement (art 94 de la Constitution).
Enfin, l’existence même du Gouvernement dépend du Chef du gouvernement dont sa démission implique une démission de tout le gouvernement (art 98).
Un titre générateur de réflexions
Le titre « ministre d’Etat » est généralement accordé soit à une personnalité politique importante soit à un ministre chargé d’un portefeuille ministériel « critique ».
La logique du texte constitutionnel tunisien imposait que ce titre soit réservé au ministre des affaires étrangères et à celui chargé de la défense.
Mais la logique « Fakhfakh » a été mitigée. Si on comprend le titre accordé au S.G du Parti Tayyar, on ne comprend pas les raisons pour lesquelles ce titre a été accordé au ministre des transports et de logistique !!
Encore plus frappant, ce dernier ministre dans une déclaration radiophonique disait qu’il ne sait pas encore ses vraies attributions découlant de ce titre spécial.
J’ai personnellement appelé à légiférer dans le sens de préciser les prérogatives des ministres, de fixer les pouvoirs des gouvernement « intérimaires » soit pour cause de démission soit en phase post-électorale.
Il suffit de consulter les cinq derniers journaux Officiels (JORT) pour se rendre compte ce que peut faire un gouvernement de dégâts pour le gouvernement d’après.

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