Le gouvernement Fakhfakh a réintroduit le concept « ministre d’Etat »
dans le jargon « institutionnel » Tunisien.
Le ministre des transports et logistique (du parti Nahdha) ainsi
que le ministre chargé de la fonction publique, de la réforme administrative et
de la lutte contre la corruption (au Parti Tayyar) se sont vu attribués le
titre « honorifique » de ministre d’Etat.
Signification comparée
On va se limiter à l’exemple français sous la Cinquième République, « le
ministre d'État est placé protocolairement après le Premier ministre … sa seule
prérogative est de pouvoir organiser des réunions interministérielles,
normalement apanage du Premier ministre ».
Signification historique Tunisienne
Sous l’ère Ben Ali, le ministre d’Etat (titre rarement attribué, est
généralement accordé à celui qui a le portefeuille du ministère de l’intérieur.
Il avait deux prérogatives :
Protocolairement, il est placé juste après le 1er ministre, mais
surtout, il avait ce privilège de rendre compte directement au Président de la
République (donc un pouvoir court-circuiter le 1er ministre).
Depuis la révolution, cette attribut a
disparu.
Qu’en est-il réellement aujourd’hui ?
Un titre non constitutionnel
Le ministre d’Etat n’existe pas dans le
dispositif gouvernemental Tunisien, dispositif pour le moment constitutionnel.
Le 1er paragraphe de l’art 89
de la Constitution est sans équivoque : le gouvernement est constitué d’un
chef (de gouvernement), de ministres et de secrétaires d’Etat. Il n’y pas à
instaurer de rang de ministre tant que le texte constitutionnel ne le prévoit
pas ou n’en laisse pas la possibilité.
Un titre bidon
Encore une fois, le texte
constitutionnel fait échec à ce rang.
D’abord, tout ministre est redevable
uniquement au Chef du Gouvernement et ne peut agir seul ou correspondre
directement avec le Président de la République sans l’aval du Chef du
gouvernement.
Ainsi, le Chef du gouvernement peur
démettre tout ministre (par sa propre volonté) sauf pour le cas du ministre des
affaires étrangères et celui de la défense pour lesquels il doit consulter le Président
de la République, ce qui n’est pas le cas pour l’actuel gouvernement car les
attributs « ministre d’Etat » n’ont pas été accordés à ces portefeuilles.
Ensuite, tout décret ministériel doit
être cosigné par le Chef du gouvernement (art 94 de la Constitution).
Enfin, l’existence même du Gouvernement
dépend du Chef du gouvernement dont sa démission implique une démission de tout
le gouvernement (art 98).
Un titre générateur de réflexions
Le titre « ministre d’Etat »
est généralement accordé soit à une personnalité politique importante soit à un
ministre chargé d’un portefeuille ministériel « critique ».
La logique du texte constitutionnel
tunisien imposait que ce titre soit réservé au ministre des affaires étrangères
et à celui chargé de la défense.
Mais la logique « Fakhfakh » a
été mitigée. Si on comprend le titre accordé au S.G du Parti Tayyar, on ne
comprend pas les raisons pour lesquelles ce titre a été accordé au ministre des
transports et de logistique !!
Encore plus frappant, ce dernier
ministre dans une déclaration radiophonique disait qu’il ne sait pas encore ses
vraies attributions découlant de ce titre spécial.
J’ai personnellement appelé à légiférer
dans le sens de préciser les prérogatives des ministres, de fixer les pouvoirs
des gouvernement « intérimaires » soit pour cause de démission soit
en phase post-électorale.
Il suffit de consulter les cinq derniers
journaux Officiels (JORT) pour se rendre compte ce que peut faire un
gouvernement de dégâts pour le gouvernement d’après.
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