samedi 27 juin 2020

Pourquoi la scène politique parlementaire demeurera instable et corrompue ?

Pour deux raisons :

De 1, les personnes appelées à y remédier en sont incapables.

De 2, l’approche pour y remédier est toujours une approche fausse.

Les personnes :

Deux catégories de personnes sont en principe habilitées pour apporter ou proposer des solutions à cette situation pathologique : Les Politiciens et les académiciens. Mais ni les uns ni les autres en sont capables.

Pourquoi ?

Pour les politiciens, la majorité d’entre eux manque d’exercice politique « correct » et n’ont pas le niveau académique « convenable » pour fonder et justifier leurs propositions. Ils agissaient toujours dans un cadre de vue très aigue et opportuniste.

Pour les académiciens, ils manquent toujours de connaissances approfondies de la réalité du cadre partisan. Leurs connaissances des partis politiques se limitent souvent à une connaissance théorique de ces partis à travers médias et réseaux sociaux.

Donc il fallait une chance divine pour voir dans cette cartographie politique tunisienne des politiciens académiciens, d’une part, et d’académiciens politiques, d’autre part, pour espérer une réflexion adéquate et juste.

Hélas, les politiciens académiciens, d’une part, et les académiciens politiciens, d’autre part, ont souvent quitté la scène politique tunisienne trop tôt, souvent pour cause d’égo ou pour cause d’incompatibilité morale avec le cadre dans lequel ils se sont trouvés.

L’approche

Certains estiment que le problème réside dans le texte constitutionnel et il faut amender la Constitution. D’autres pensent que le mal vient de la loi électorale qu’il faut réviser.

Mais ont-ils justifié et prouver que la situation sera meilleur si on agit dans un sens ou dans un autre? Non. Que des spéculations.

Pourtant, les données sont là.

Nous avons eu 3 élections législatives et les problèmes sont toujours là.

Elections 2011 :

Avant les élections, la cartographie politique apparente donnait ces parties ou entités politiques comme potentiels gagnants : Nahdha, PDP, La gauche (classique telle que connue) …

Mais les élections ont donné une autre cartographie politique au parlement : Nahdha (89 élus), CPR et ARIDHA (29 et 26 élus) et c’est une surprise générale, Takattol (19), PDP (14) et le reste.

Qui s’est demandé pourquoi et comment le paysage politique parlementaire s’est avéré différent du paysage apparent ou attendu ?

Il fallait chercher la réponse dans plusieurs sources : loi des partis politiques, sondage d’opinions et loi électorale.

Mais ne faut pas s’arrêter là. Regardons cette même cartographie postélectorale 2011 en fin du mandat constituant : La Nahdha est restée solide. Mais le CPR et ARIDHA ont perdu plus de 2/3 de leurs élus ; Le PDP s’est scindé ; et plusieurs groupes parlementaires ont disparu.

Il est évident qu’on a un problème avec les partis politiques (loi des partis) et le régime des groupes parlementaires (Règlement intérieur).

Elections 2014

Les élections 2014 ont donné lieu à une autre cartographie politique différente de celle de la Constituante.

Nida Tounes (86 élus) qui n’existait pas en 2011. La Nahdha passée second parti perdant une vingtaine d’élus ; Le parti Union nationale libre avec 16 élus et front populaire (une coalition de gauche) avec 15 élus se présentent comme une surprise. Et le reste…

En fin du mandat ARP (2014-2019), La Nahdha est passée 1er groupe ; Nida et Front populaire se sont scindés ; l’UPL a presque disparu ; et d’autres groupes ont disparu aussi.

Il est évident qu’on a vécu le même schéma d’évolution : apparition puis disparition.

Et ce sont toujours les mêmes sources où fallait piocher : loi électorale, loi des partis, régime des groupes et sondage d’opinions.

Elections 2019

Vous connaissez le résultat : Nahdha reste le 1er parti; Tayyar, Chaab et coalition de la dignité comme surprises ; Destouri horr comme force émergeante absente en 2011 et 2013 et disparition ou presque de plusieurs composantes de la cartographie 2014 dont notamment Nida Tounes, le front Populaire et l’UPL.

Et cette cartographie 2019 commence déjà à bouger. Faut attende la fin du mandat pour trouver éventuellement le même résultat de 2011 et 2014.

Dans ce cas, il n’est pas nécessaire d’attendre le mandat 2024-2029 pour espérer voir un cadre meilleur si on n'attaque pas la thérapie par le traitement des vrais causes de la pathologie.

La source de réflexion est identique : il faut une vision globale et concordante entre système électorale, régime des partis, sondage d’opinions et régime des groupes parlementaires pour espérer assurer la stabilité politique du pays.

Hélas, les uns et les autres insistent pour rester dans une option de réflexion aigue et aveugle. Et c’est là la question : POURQUOI ? pour cause d’ignorance ? C’est Volontaire ? Ou pour cause d’égo ?

Si c’est volontaire, c’est une autre analyse à faire. Là, c'est APEURANT. 

 


jeudi 25 juin 2020

Le Chef du Gouvernement Défie le Parlement

Programmée pour être une plénière de « débat sur les 100 jours du gouvernement », la plénière du 25 Juin 2020 allait tout donner sauf un tel débat puisque la semaine a connu une polémique autour du « conflit d’intérêt » présumé occulté par le Chef du Gouvernement à propos de ses prises de participations en sociétés traitant exclusivement avec l’Etat Tunisien.

Cette polémique coïncidait déjà avec la discussion sur l’élargissement de la coalition gouvernementale (voulue par Nahdha) ou non (refus par Tayyar, Chaab, et même le Président de la République).

Mais contre toute attente, Le Chef du Gouvernement est venu auteur de manœuvres et il compte en profiter comme la Nahdha aussi.

Expliquons :

Le Chef du Gouvernement compte sur l’hypothèse aléatoire et hypothétique d’un nouveau Gouvernement

Lyes Fakhfakh sait que pour qu’on le fasse déloger du siège il faut 109 pour dire oui à son départ et à son remplaçant. Ce qui n’est pas évident.

Nahdha, Qalb Tounes et Coalition de la dignité ont, pour le moment, 100 sièges. 9 de moins de la majorité requise. Ils pourront en voir plus comme ils en pourront perdre en moins. C’est très aléatoire.

La Nahdha ne s’aventure jamais en « aléatoire ».

Le camp adverse, est aussi incapable de fournir un gouvernement avec assise stable et durable : sans Qalb Tounes ils pourront atteindre 90 élus et avec lui 107.

Mais la majorité restera toujours très aléatoire.

La Nahdha a toujours joué sur ces coalitions aléatoires qui lui sont hostiles et avait toujours réussie à les briser.

Le Chef du Gouvernement joue le jeu de la Nahdha pour s’éterniser au gouvernement !!

Dans sa lecture de la Constitution, La Nahdha pense qu’il n’est plus possible de dissoudre le Parlement par une lecture aiguë des articles 89 et 99 de la Constitution.

On n’est plus en phase du 1er mandat post élections.

En fin de compte, l’un comme l’autre sait qu’il n’est plus à la merci de l’autre.

Du coup, une première en histoire d’exercice parlementaire Tunisien :

Un Chef du Gouvernement qui ose dire aux députés que pouvez toujours attendre


Et il a le courage de maintenir son message


Il ne faut pas manquer cette « incompétence » manifeste et un « non professionnalisme flagrant » de la part de l’administration de se mêler aux querelles politiques.



mardi 23 juin 2020

Les Irrecevabilités des Propositions et amendements : le cas de la proposition 34/2020

Le 4 Mai 2020, 11 députés de la Coalition el Karama ont déposé une proposition de loi (Téléchargement) visant l’amendement du décret-loi 116 du 02/11/2011 se rapportant à la liberté de la communication audiovisuelle et la Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle.

La « volonté déclarée » des auteurs de l’initiative était de résoudre le problème de l’expiration du mandat de certains membres, fixé par le décret-loi 116 à 6 ans.

Mais la proposition de loi, dans sa teneur textuelle, visait autre chose : modifier la composition du Conseil de la HAICA et modifier radicalement le système d’octroi des licences en passant du Cahier des Charges à celui des simples déclarations d’existence.

On peut s’éterniser autour du débat juridique stérile sur le bien-fondé de cette initiative, mais cette initiative a soulevé le grave problème, très dangereux, sur le contrôle de recevabilité des propositions de lois et amendements déposés par les élus.

Dans un post datant de 2017, et à plusieurs reprises, j’ai alerté que cette ARP tend à devenir un passage favori des lobbies et groupes de pressions pour ajuster la législation à leurs intérêts.

Cette situation est favorisée par l’absence totale de tout contrôle sur la recevabilité des propositions de lois ou sur les amendements proposés par les élus.

Il est clair, que l’article 63 de la Constitution est devenu caduc par le fait qu’il a été violé systématiquement depuis l’entrée en vigueur de la Constitution.

En plus de cette violation, la proposition de loi 34/2020 a mis en évidence l’ignorance du Parlement pour traiter la question de recevabilité des propositions et amendements.

En effet, auditionné par la commission des droits et libertés sur son initiative parlementaire, Mr Seif Eddine Makhlouf, Président du Groupe, a déclaré qu’il a plaidé en justice contre la HAICA et qu’il a soutenu son « illégalité ».


Faut rappeler que les parlementaires avocats n’ont pas le droit de plaider contre l’Etat, et la HAICA en fait partie.

Mais, d’un point de vue de droit parlementaire, est-il recevable une initiative ou un amendement contre une instance ou même une personne avec laquelle cet élu a eu un antécédent judiciaire ?

NON.

Car son initiative est entachée d’une présomption de conflit d’intérêt.

Peu importe que l’affaire est en cours ou non, un élu doit au moins déclarer tout fait ou acte pouvant présenter un doute sur l’existence d’un tel conflit, ce qui n’a pas été fait.

Pire, l’auteur de l’initiative fait preuve de négligence et d’ignorance de la loi et de l’éthique parlementaire. Il dit qu’il a le droit et la liberté de représenter qu’il veut !!!


Non, Monsieur. Quand t’es député, tu n’es plus libre de plaider ou de défendre qui tu veux à moins que tu démissionnes de cette Assemblée.

Aujourd’hui, j’ai demandé à la commission de traiter cette question de recevabilité et, peut-être, en une première dans le droit parlementaire Tunisien, une commission législative étudie la question et met un terme à cette mainmise du Bureau sur des questions techniques très dangereuse.


Monsieur Nabil Hajji, membre du Bureau et du groupe démocratique, a réagi positivement à cette objection et a demandé à ce que la commission instruise cette question

Il a évoqué l’article 24 de la loi 2018-46 sur le conflit d’intérêts interdit aux députés de prendre part aux débats et au vote sur toute question ou sujet dont ils en ont un intérêt financier direct.

Il est primordial pour cette Assemblée de suivre des pratiques parlementaires sans équivoques et il devient obligatoire de s’orienter vers un Règlement intérieur qui assure, rassure et non pour un texte qui pousse encore ce parlement dans les ténèbres. 

Hélas, la commission chargée des amendements du règlement intérieur, baigne toujours dans un autre lac.