mardi 23 juin 2020

Les Irrecevabilités des Propositions et amendements : le cas de la proposition 34/2020

Le 4 Mai 2020, 11 députés de la Coalition el Karama ont déposé une proposition de loi (Téléchargement) visant l’amendement du décret-loi 116 du 02/11/2011 se rapportant à la liberté de la communication audiovisuelle et la Haute Autorité Indépendante de la Communication Audiovisuelle.

La « volonté déclarée » des auteurs de l’initiative était de résoudre le problème de l’expiration du mandat de certains membres, fixé par le décret-loi 116 à 6 ans.

Mais la proposition de loi, dans sa teneur textuelle, visait autre chose : modifier la composition du Conseil de la HAICA et modifier radicalement le système d’octroi des licences en passant du Cahier des Charges à celui des simples déclarations d’existence.

On peut s’éterniser autour du débat juridique stérile sur le bien-fondé de cette initiative, mais cette initiative a soulevé le grave problème, très dangereux, sur le contrôle de recevabilité des propositions de lois et amendements déposés par les élus.

Dans un post datant de 2017, et à plusieurs reprises, j’ai alerté que cette ARP tend à devenir un passage favori des lobbies et groupes de pressions pour ajuster la législation à leurs intérêts.

Cette situation est favorisée par l’absence totale de tout contrôle sur la recevabilité des propositions de lois ou sur les amendements proposés par les élus.

Il est clair, que l’article 63 de la Constitution est devenu caduc par le fait qu’il a été violé systématiquement depuis l’entrée en vigueur de la Constitution.

En plus de cette violation, la proposition de loi 34/2020 a mis en évidence l’ignorance du Parlement pour traiter la question de recevabilité des propositions et amendements.

En effet, auditionné par la commission des droits et libertés sur son initiative parlementaire, Mr Seif Eddine Makhlouf, Président du Groupe, a déclaré qu’il a plaidé en justice contre la HAICA et qu’il a soutenu son « illégalité ».


Faut rappeler que les parlementaires avocats n’ont pas le droit de plaider contre l’Etat, et la HAICA en fait partie.

Mais, d’un point de vue de droit parlementaire, est-il recevable une initiative ou un amendement contre une instance ou même une personne avec laquelle cet élu a eu un antécédent judiciaire ?

NON.

Car son initiative est entachée d’une présomption de conflit d’intérêt.

Peu importe que l’affaire est en cours ou non, un élu doit au moins déclarer tout fait ou acte pouvant présenter un doute sur l’existence d’un tel conflit, ce qui n’a pas été fait.

Pire, l’auteur de l’initiative fait preuve de négligence et d’ignorance de la loi et de l’éthique parlementaire. Il dit qu’il a le droit et la liberté de représenter qu’il veut !!!


Non, Monsieur. Quand t’es député, tu n’es plus libre de plaider ou de défendre qui tu veux à moins que tu démissionnes de cette Assemblée.

Aujourd’hui, j’ai demandé à la commission de traiter cette question de recevabilité et, peut-être, en une première dans le droit parlementaire Tunisien, une commission législative étudie la question et met un terme à cette mainmise du Bureau sur des questions techniques très dangereuse.


Monsieur Nabil Hajji, membre du Bureau et du groupe démocratique, a réagi positivement à cette objection et a demandé à ce que la commission instruise cette question

Il a évoqué l’article 24 de la loi 2018-46 sur le conflit d’intérêts interdit aux députés de prendre part aux débats et au vote sur toute question ou sujet dont ils en ont un intérêt financier direct.

Il est primordial pour cette Assemblée de suivre des pratiques parlementaires sans équivoques et il devient obligatoire de s’orienter vers un Règlement intérieur qui assure, rassure et non pour un texte qui pousse encore ce parlement dans les ténèbres. 

Hélas, la commission chargée des amendements du règlement intérieur, baigne toujours dans un autre lac.

 


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