mardi 19 mai 2020

La Cour Constitutionnelle verra-t-elle le jour ?


Le 19 juillet 2019 (Article), j’ai expliqué comment et pourquoi la Cour Constitutionnelle ne verra pas le jour sous l’ère du Président Béji Caid Essebsi. J’ai expliqué aussi la manœuvre suivie par le Parti Nahdha pour aboutir à un tel résultat.
Aujourd’hui, sous une nouvelle législature où le parti Nahdha n’a que 54 sièges au Parlement et en face d’un président de la République dont elle conteste ses actions hostiles, on se demande si cette Cour verra le jour durant ces 5 ans ?
Ma réponse est Oui.
Mais sera-t-elle la Cour tant attendue par des uns et des autres ?
L’ARP peut-elle élire les 3 membres restants ?
Faut rappeler que le 13 mars 2018, l’ARP a pu élire un candidat sur 4 qui est Mme Raoudha Ouersighni, présentée par le Goupe Nida Tounes.
Ironie de l’histoire, cette juge d’un mandat éventuel de 3 ans (13 Mars 2018- 12 Mars 2021) pourra voir son mandat effectif réduit à quelques mois, voire à quelques jours si on va calculer le mandat à partir de son élection. D’ailleurs, la loi 50-2015 n’a pas résolu le problème et un amendement serait peut-être nécessaire.
Pour élire ces 3 membres, l’ARP aura besoin de 145 voix se mettant d’accord sur le profil des 3 membres dont 2 juristes.
Durant la dernière législature, le profil des candidats proposés était alterné entre le profil « conservateur » et le profil « moderniste ».
Le clan « moderniste » au sein de l’ARP 2014-2019 (Nida avec 86 élus et Front Populaire avec 15 députés entre autre) a échoué à faire élire des candidats répondant à un critère moderniste, libérale et démocratique.
Il est évident que le clan moderniste au sein de cette ARP actuelle est loin d’avoir le même poids de la dernière législature.
Ainsi, la question qui se pose est de savoir si la Nahdha peut-elle évaluer que les considérations de 2014-2019 l’ayant poussé à faire échouer l’élection des 4 membres de la Cour ont changé durant l’actuelle législature ?
Une vue « aérienne » de la cartographie politique parlementaire d’aujourd’hui laisse supposer que la Nahdha serait très tentée de faire élire les 3 membres restant.
Pour y arriver, elle aura besoin de réunir 145 voix au minimum. En Serait-elle capable ?
Théoriquement, Oui.
Avec ses 54 voix ajoutées aux 19 de la coalition de la dignité, la Nahdha est assurée de 73 voix qui est le tiers bloquant empêchant le reste d’élire des membres à 2/3 (145 voix).
La Nahdha serait-elle capable de trouver 72 voix ailleurs ?
Si la Nahdha pourra trouver des difficultés à imposer ses candidats, elle sera en mesure d’imposer aux autres un choix de candidats acceptables par elle.
Et dans ce cas, les 72 voix restant sont faciles à trouver dans les groupes  démocratique (39 élus), Qalb Tounes (28 élus), watanya (9), avenir (9) et les 13 députés non appartenant aux groupes.
Ainsi, voir un profil comme celui de Sana Ben Achour comme candidat à la Cour, serait presque impossible.
Le Président de La République pourra mettre la pression
Un autre facteur laissant supposer que cette Cour verra le jour durant cette législature est lié à la personnalité du Président de la République Kais Saied.
Contrairement à BCE qui est resté inerte et passif, L’actuel Président de la République, Constitutionnaliste confirmé, pourra jouer un tour à l’ARP et annoncer son choix des 4 membres sans attendre les élections parlementaires.
Une telle manœuvre pourra inciter aussi le CSM (Conseil Supérieur de la Magistrature) à faire du même pour mettre l’ARP droit au mur.
Une Cour Conservatrice en vue
Avec des « conservateurs » ayant un tiers bloquant au sein de l’ARP et un Président de la République pas rallié au clan juriste « tunisois » des Ben Achour et alliés, la future Cour Constitutionnelle risque d’être composée de juges avec profil conservateur sans pour autant qu’ils soient uniformes quant à leurs techniques d’interprétation de la loi Constitutionnelle.
En outre, avec son mode d’élection par la chambre, sa composition hétéroclite (juristes et non juristes) et surtout son renouvellement triennal, cette Cour posera plus de problèmes à l’Etat et au système plutôt qu’elle en résoudra.
A moins d’une révision globale de la Constitution du 26 janvier 2014, les tunisiens risquent de voir dans les instances fondamentales de l’Etat (Parlement, Présidence de la République, Gouvernement, Cour Constitutionnelle, Instances et collectivités locales) la cause de tous les maux.Et là, une réinitialisation du système non pacifique n’est pas à exclure.

Aucun commentaire: