Au moment où le pays fait face, comme le reste du monde, au virus « Corona »
(Covid19), l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) adopte un calendrier
du travail complètement à côté des soucis du pays.
C’est dans ce cadre surréaliste que la commission du règlement
intérieur, de l’immunité, du droit parlementaire et de la loi électorale
apporte un amendement au Règlement intérieur impliquant la perte du mandat pour
tout député changeant du parti politique avec lequel il s’est présenté aux
élections législatives.
C’est une mesure pour faire face au « tourisme politique »
et pour assurer la stabilité politique !!
Tous les maux du système politique tunisien se résumaient, selon
nos respectables et honorables élus, à ce fait que les élus changent de partis
politiques d’origine ou en démissionnent.
Mais venons aux évidences :
I-
Instabilité
des groupes parlementaires et instabilité parlementaire
Depuis la Constituante (ANC) de 2011, passant par l’ARP de 2014 et
celle de 2019, le constat est là : les groupes politiques au sein du
parlement sont pathologiques. Depuis 2011, seul le groupe politique Nahdha est
resté stable.
Tous les politiciens parlementaires tunisiens qui ont accédé au
parlement n’ont jamais compris ou essayé de comprendre que groupe parlementaire
n’implique pas nécessairement une complète identification au parti politique.
Ils n’ont jamais pu identifier ou pu marquer cette ligne fine de démarcation entre groupe politique parlementaire (in parliament) et parti politique (Out parliament).
Peut-être qu’il ne faut pas les plaindre puisque personne ne les a
expliqué cette nuance qui tient à une « philosophie des groupes »
remontant à la pensé de Raymond Carré de Malberg.
II-
Des partis
politiques viciés quant au fond
Personne n’a compris que l’instabilité politique tient en premier
lieu aux partis politiques tunisiens post révolution.
Pourtant, un nouvel élu, Hatem Mliki, a merveilleusement expliqué
la problématique par l’échec manifeste à former des partis démocratiques.
-C'est l'un des rares élus de cette législature 2019-2024 que j'écoute. pic.twitter.com/9weQAmdjzh— BsiLiAdeL (@BsiLiAdeL) May 7, 2020
Il est évident aujourd’hui que l’idéologie ne peut plus être l’axe
fondamentale pour tenir un parti politique. Il faut réunir des femmes et des
hommes autour d’un programme à objectif pourvu même que ces femmes et hommes ne
soient pas de la même tendance politique ou sociale.
Depuis 2011, l’évolution des partis politiques tunisiens (au sein du
parlement) ressemble à un cycle de champignon : il émerge et ensuite il
disparaît, parfois tragiquement.
Les exemples sont nombreux : Pétition populaire, Parti
démocrate progressiste, L'Initiative, Pôle démocratique moderniste, Mouvement
des démocrates socialistes, Union patriotique libre, Parti libéral maghrébin, Mouvement
des patriotes démocrates, Parti de l'équité et de l'égalité, Alliance
démocratique, Courant de l'amour, Mouvement Wafa…
D’autres partis ayant eu un impact direct sur l’histoire politique
tunisienne sont aujourd’hui en agonie. L’issue est réellement tragique ou
tragédique. Je cite Nida Tounes, Afek, Ettakattol, CPR, Front populaire, Parti
du Travailleur Tunisien, El Massar, El Qotb, Al Jomhouri et autres.
La disparition de ces « ténors » de la vie politique a
laissé place à l’émergence d’autres partis qui pourront aussi vite disparaitre :
Qalb Tounes, Parti Destourien libre, coalition de la dignité, et autres entités
qui ont fait eclipsé d’autres partis qu’on pensait voir émerger tel El Badil,
El Machrou3 ou Tahia Tounes.
III-
Une ignorance
préméditée des causes de l’instabilité
Comment se fait-il que durant 9 ans (depuis 2011) aucun parti
politique, aucune initiative politique, associative ou académique n’a essayé de
mener le débat pour résoudre le problème de l’instabilité et la fragilité du
cadre partisan tunisien ?
Pire encore, l’accès à la politique et au parlement est tenté par d’autres
voies autres que partisane : Association, ONG, Think Tank, initiatives
partisanes de lobbies (finances, professions, métiers etc..), alliances
tribales…
Aujourd’hui, le système ressemble plutôt à une Pieuvre. Une pieuvre de tout. Et c’est Apeurant.
Et c’est cette Pieuvre qui empêche aujourd’hui de mener des
réformes pour assainir le cadre politique Tunisien : Partis, ONG, médias,
universités, métiers, professions, finances, sport, culture, … tout y est.
IV-
Avons-nous
peur d’entamer le chantier de la réforme ?
Les textes relatifs aux : partis et à leur financement, associations,
élections, change et dépôt en banque, marchés publics, sociétés commerciales,
fiscalités, audiovisuel et franchise doivent être révisés pour assurer plus de
transparence et éliminer au maximum la corruption et les conflits d’intérêts.
Une révision de la Constitution s’impose aussi.
Mais il suffit de dresser ce tableau pour voir toute tentative d’orienter
vers le bon chemin avortée dans les germes.
Personne ne veut de telles réformes. Car tous les acteurs actuels
et ceux d’hier (et peut-être de demain aussi) y voient leurs intérêts menacés
et tant mieux si le pays soit mis en miette.
V-
Devrons-nous
changer de type de politiciens ?
On est tenté de le dire mais on a malheureusement constaté qu’après
9 ans, les noms ont changé sans que les pratiques et les actes changent.
On ne peut avoir de meilleurs politiciens si le cadre « pourri »
dans lequel la politique s’exerce reste le même.
Il est évident qu’on ne peut trop attendre de ces parlementaires
qui croyant résoudre le problème d’instabilité parlementaire attaquent le
règlement intérieur sur une question qui relève plus que manifestement de la
loi électorale et que leur action est aussi inconstitutionnelle qu’absurde.
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