En lisant l’excellent rapport de la Commission de finances sur le
projet de loi relatif à la loi organique du budget (LOB), je me suis dit « Cette
ARP peut nous surprendre cette année en discutant le projet de loi de finances 2019
(PLF 2019) ».
Et effectivement, l’ARP nous a surpris. La plénière du 10 décembre
2018 restera dans les annales du travail parlementaire Tunisien.
Si le parlement Tunisien (via l’ANC) a tenu une magnifique et
historique plénière le 26 janvier 2014 lors de l’adoption de la nouvelle
Constitution, il a aussi tenu (via l’ARP) une historique plénière le 10
décembre 2018.
Depuis un bon moment j’ai été très sceptique et même dubitatif sur
la capacité de cette ARP à discuter convenablement budget et lois de finances (Mon
article).
J’ai été aussi (très) inquiet sur l’absence (voulue) de la
disposition constitutionnelle disposant que « Le député Tunisien est
représentant de tout le peuple Tunisien ». (voir
mon article).
Mon inquiétude s’est vérifiée de manière éclatante et dramatique
lors de cette plénière du 10/12/2018 dernière plénière où cette ARP discute et
vote un PLF.
Voyons d’abord comment cette ARP a encore raté son examen du budget
2019 pour expliquer ce qui est réellement passe lors de cette plénière.
Un examen stérile du Budget
Je peux mettre des centaines de synonymes pour qualifier l’examen
du budget par cette ARP : futile, improductif, inefficace, infructueux, inutile,
maigre, pauvre, endormant, ennuyeux pour finir par être explosif.
Pour l’examen du budget, L’ARP a choisi un retour à un mécanisme
classique et stérile de la Chambre des députés consistant à des auditions
massives des membres du gouvernement, non pas pour leur poser des questions sur
leurs budgets proposés (chiffres et projets en rapport) mais pour un débat d’ordre
général voir même d’ordre régional.
Pour la loi de finance, c’est encore pire. L’examen s’est fait
uniquement par la commission de finances avec une présence moyenne ne dépassant
pas 8 élus (sur 22). La présence des experts et consultants s’est faite sélective
impliquant le risque de voir des idées corporatistes ou émanant de lobbys.
Bien entendu, ce n’est pas la première fois que des articles et des
amendements véhiculaient des intérêts restreints qui vont à l’encontre des
caractères élémentaires de la loi.
J’avais alerté depuis un bon moment que les lobbys, profitant du « désir »
vicieux de certains élus de vouloir présenter des amendements, ont multiplié
les méthodes et techniques pour faire passer des dispositions servant leurs
intérêts via les députés ou même la société civile.
La plénière du 10/12/2018 a mis à nu ces pratiques et de manière
dramatique.
Un Vote entaché d’escroquerie !
La technique d’examen et de
discussion du budget choisie par l’ARP ne peut que permettre un vote vicié,
illégal voir même inconstitutionnel.
La ruse est simple : profitant de l’échéance constitutionnelle
pour l’adoption de la loi de finances (le 10/12), faut soumettre les députés
sous « contrainte de temps » et sous « pression d’adopter »
dans les délais.
Entamer un examen de la loi de finance le 6/12 sachant que la
majorité absolue des élus ne comprenne presque rien à cette loi (trop technique
et compliquée) ne peut que permettre un vote orienté voire même viciant la « bonne
volonté » de plusieurs élus.
Hallucinant ce qui va suivre.
D’abord, un 1er point d’ordre très remarquable soulevé
par le président du groupe populaire exigeant que les textes sur lesquels les
élus du peuple vont voter, doivent être préalablement écris et mis à leurs dispositions
avant le vote.
Dans le même ordre d’idée, un élu soulève un point d’ordre
corroborant le 1er point d’ordre même avec une teneur différente à
savoir que le texte lu et voté est le texte qui devra être publié au JORT.
Ensuite, le ministre des finances propose un nouvel article différent
d’un « accord préalable » dans le cadre des « consensus ».
La procédure veut que cette proposition soit immédiatement votée sans débat ni
discussion. Chose faite.
Et c’est à ce
moment que les choses vont dégénérer.
Le vote effectué et les résultats affichés, certains élus s’étant
rendu compte qu’ils se sont fait dupés commencèrent à protester.
Le président de la séance avait un choix à faire : soit ne pas
annoncer les résultats du vote et ouvrir le débat, soit procéder à l’annonce et
c’est irrévocable et irrémédiable sauf par une procédure un peu forcée via l’article
123 du règlement intérieur.
Mohamed Naceur a donné le coup de grâce en annonçant les résultats
du vote.
Et à partir de ce moment ce n’est plus un parlement.
Mohamed Naceur a-t-il commis une erreur ? Non. Il a mis à nu
le double langage des uns et des autres. Il l’a fait volontairement ou
involontairement porte peu.
Pensez-vous que des élus ont
voté un texte qu’ils croyaient différent de ce qu’il est ?
Ma conviction personnelle est que les élus savaient exactement sur
quoi voter. Mais au moment où ils ont constaté que ce vote aller être un moyen
de « propagande » électorale et populiste, ils se sont montrés sous « vêtement »
d’élus arnaqués.
Je pense même que c’est la 1ère fois où des élus du
groupe Nahdha se sont « révoltés » contre la discipline du groupe en
contestant a posteriori la consigne du vote donnée.
Pour preuve, la 1ère contestation est venue d’un élu
nahdha invoquant l’ingérence des lobbys dans ce vote contesté.
L’opposition invoque même l’escroquerie
Et une autre élue du groupe Nahdha corrobore la théorie d’escroquerie
et exige une enquête
En réalité, certains élus se sont rendus compte de la gaffe commise
et souhaitaient que le Président de la séance n’aurait pas annoncé les
résultats car cette annonce a scellé leurs positions.
L’aveu vient même d’un élu renommé du groupe Nahdha
D’où cette volonté de faire assumer à Mohamed Naceur le KO et la dégringolade
engendrée par ce vote
La « Mafia » est-elle en voie de contrôler le parlement ?
l’accusation de l’opposition est sans équivoque
Plusieurs ont omis un fait très important.
Quand le président de la commission des finances demande au
ministre des finances de présenter (oralement) un exposé de motifs pour l’article
proposé, et c’est un minimum demandé, le ministre refuse, tout simplement.
C'est ce fait qui donne le coup de grâce à cette disposition et laisse planer toutes les suspicions à propos des violations invoquées.
Au moment de la rédaction de cet article, on annonce un pourvoi en
inconstitutionnalité en cours de rédaction contre des dispositions de cette
LF2019 (annonce).
Ce recours a tous les atouts d’aboutir.
Un vote entaché d’escroquerie, de falsification et de servir des
intérêts restreints est un vote inexistant car il enfreint toutes les normes
légales et constitutionnelles.
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