lundi 5 décembre 2011

Les Opinions dissidentes et l’Assemblée Nationale Constituante

La question de « l’opinion dissidente » a été évoquée par un élu de la troïka et je profite de cette accalmie pour y revenir.

D’abord, et pour éclairer les gens qui ne savent pas de quoi il s’agit, « l’opinion dissidente » est une technique inventée par la procédure d’arbitrage internationale au milieu du siècle dernier.

Cette technique permettait à un arbitre (qui siège avec 2 autres, en général) de faire joindre son avis différent des autres au texte de la sentence arbitrale rendu par le tribunal arbitral dont il faisait partie.

L’intérêt de cette technique réside dans son action sur la « valeur théorique » de la sentence qui pourrait voir sa portée en tant que « jurisprudence » arbitrale affectée ; mais aussi, elle pourrait être un facteur, parmi d’autres, pour annuler la dite sentence ultérieurement devant l’instance du recours.

La question est : Pouvons-nous transposer une telle technique en droit parlementaire pour permettre de joindre une opinion dissidente à un rapport de commission, par exp ?

Théoriquement, Oui ; Pratiquement ca serait à la limite lourd ou même inutile.

En matière arbitrale, l’arbitre dissident siège avec 2 autres et n’aura pas l’occasion d’expliquer son point de vue.

En droit parlementaire, l’élu siège avec une vingtaine ou plus d’élus et son avis non partagé par la commission ou sa majorité pourra être évoqué devant la plénière.

De même, si plusieurs avis des élus sont trop différents les uns des autres, on imagine mal comment faire joindre ces « opinions » aux rapports de la commission ?

Il faut rappeler que « l’opinion dissidente » concerne une analyse approfondie d’un problème juridique précis et sa transposition en droit parlementaire va poser le problème suivant : en quel cas pouvons-nous admettre l’usage d’une telle technique ?

A priori, son application ne sera possible que pour les projets de lois et elle doit avoir un pur caractère législatif ce qui est difficile à vérifier.

Mais au vu de la nouvelle fonction dont va être investi, probablement, l’ANC comme une instance de règlement de conflit de compétence, ce qui confère à cette mission un caractère de mission d’arbitrage, la transposition devient possible.

Bref, on aurait pu innover, mais on aurait pris le risque de commettre un excès de créativité.



samedi 3 décembre 2011

L’Assemblée Nationale Constituante : Une Navigation à Vue ?

Début de semaine prochaine, on attend que la plénière de l’ANC va adopter son règlement interne et le texte d’organisation des pouvoirs publics temporaire. Une fois ces 2 textes adoptés, certains penseront que les problèmes sont enfin résolus.
Eh bien Non. On est loin des comptes.
Pour que l’ANC commence réellement à fonctionner, il faut créer toutes les structures prévues par son règlement interne et qui sont nombreux et de compétences chevauchées et interconnectées.
Ainsi, on doit élire 5 « questeurs » qui formeront avec le président et ses 2 vice-présidents « le Bureau » dont les compétences sont importantes.
Ensuite, on doit former et élire 15 commissions dont 7 Constituantes et 8 législatives.
Mais la constitution de ces commissions dépend de la formation des « groupes » qui auront un délai de 7 jours à partir de l’adoption du R.I pour déposer leurs déclarations.
Il faut élire aussi le « rapporteur général de la Constitution » , son rapporteur adjoint et former /élire « la commission de l’immunité ».
Toutes ces procédures sont nécessaires pour former « la Conférence des Présidents » qui aura un rôle primordial dans la gestion de l’ANC.
Au total, 5 opérations électives pour désigner 247 « postes ». C’est dire combien l’opération sera lourde.
Il est évident que la 1ère urgence de l’ANC sera l’adoption de la loi des finances 2012 avant le 31/12/2011.
Pouvons-nous y arriver ?
Pour former ces structures, il est fort probable que les partis demanderont un délai de 7 jours pour former leurs groupes et se concerter sur leurs choix des élus pour ces différents postes. Ainsi, il est fort probable qu’on doit attendre la semaine du 12/12/2011 pour voir toutes ces structures en place.
L’examen du budget pourra alors commencer la semaine du 19/12.
Si on va suivre les anciennes coutumes du travail « parlementaire » il nous faudra au moins 2 semaines ou même plus (une pour l’examen, une autre pour les auditions et une pour la plénière).
Mais durant ces temps, les délais commencent à courir pour les commissions constituantes qui auront 7 semaines pour rédiger le projet de la Constitution qui sera débattu en 1ère lecture.
Entre temps, 217 élus et une centaine du personnel administratifs devraient lire et comprendre les dispositions du R.I.
Entre temps, la structure administrative de l’ANC devrait s’adapter à sa structure parlementaire.
Jusque là, rien de tout ça est fait !!!
À défaut de planification globale, on va naviguer à vue !!