Après 5 jours de son adoption, je suis entrain de décortiquer les chapitres et les dispositions de cette nouvelle Constitution. Lire et relire ses dispositions, faire le rapport entre elles, vérifier, revoir, schématiser toutes les boucles : un travail refait plusieurs fois depuis 3 jours et je suis encore à la section 1 du Chapitre 4.
Pas besoin d’attendre que je finisse ce travail : Cette Constitution n’est pas comme les autres.
Cette Constitution n’est pas un Copier/Coller.
Cette Constitution n’est pas une Constitution d’un «pays de tiers monde ».
Une autre certitude : Nos professeurs de droit constitutionnel auront un grand travail à faire. S’ils devront mettre à jour leurs cours de droit constitutionnel, ils devront s’y mettre dès maintenant.
Tant de détails, de précisions, de complications, de procédures, de délais, d’interactions entre les différents pouvoirs …font de cette Constitution un texte qui a gagné une certaine particularité et une certaine originalité.
Ainsi, cette Constitution a fixé un critère très formaliste et très réaliste de la loi. Désormais, la loi n’est plus celle adoptée et votée par le parlement, mais celle ratifiée et publiée par le Président de la République.
Un paradoxe.
En effet, pour un régime politique adopté où le parlement est apparemment choisi pour constituer sa pierre angulaire, le choix fait que ses textes votés n’auront pas un caractère de « loi » peut surprendre.
Un choix défendable ?
Qualifier un projet de loi, de loi, une fois voté par le Parlement alors qu’il risque de ne pas voir le jour par l’effet de renvoi (par le Président de la république) et son non adoption par la Chambre en 2ème lecture, rendrait la conception un peu illusoire. En effet, est-il concevable de qualifier un texte de « loi » alors qu’il risque de ne jamais voir le jour ? Une loi, c’est un texte ayant une force obligatoire et destiné à voir le jour et être effectif.
Le choix de la Constitution Tunisienne abandonne une conception académique classique et opte pour un choix réaliste : la loi, ne peut être qu’un texte voté, ratifié, publié et entré en vigueur.
Le temps dira si c’était un bon choix ou non.
Nos Constitutionnalistes ne vont pas peut être l’admettre. Je les comprends. Ils ne sont pas initiés à cette vue rationnelle du droit parlementaire.
Dans un autre Chapitre, la Constitution Tunisienne innove au niveau des rapports entre Parlement, Président de la République et Chef du Gouvernement.
En effet, les interactions entre ces 3 pouvoirs sont complexes et inédits. Il est difficile de trouver des mécanismes pareils en des Constitutions récentes adoptant un régime mixte ou un régime pré-parlementaire. Il suffit de bien lire pour se rendre compte combien cette Constitution a prévu de mécanisme de contre-pouvoirs ! Jamais vu des textes assez complexes pour barrer la route à tout despotisme.
Enfin, au niveau des deux premiers chapitres : « Principes généraux » et « droits et libertés », le dispositif est assez intéressant.
L’histoire prouvera que cet article 6, critiqué de partout, est la disposition qui a ajouté l’empreinte originale à toutes les dispositions du premier chapitre et voir même du 2ème.
Bref,
Le 20 Janvier 2013, une merveilleuse demoiselle tunisienne résidante à Lyon avait dit : « Cette Constitution n’a pas d’âme ». Elle n’avait pas tort.
Le 26 janvier 2014, je pense que Cette Constitution en a une. Et tunisienne de surplus.
Ce n’est pas une norme « parfaite », elle n’est pas « mauvaise » non plus.
La seule certitude : elle ne sera pas éternelle.