Nous avons entamé l’exercice démocratique de notre nouvelle
expérience de démocratie d’assemblée le 24/11/2011.
Depuis plus de 5 ans, une élite d’hommes et femmes parlementaires
et politiques tunisiens, post révolution janvier 2011, n’ont pas cessé d’apporter
au droit parlementaire et à la sociologie politique comparés de nouvelles
données, nouvelles manœuvres et pratiques dignes d’être étudiées dans les
universités les plus prestigieuses au monde.
Nous sommes un peuple précurseur et ingénieux dans l’art de
créer la règle de droit et d’apporter, par son exécution, la preuve de son
contraire et de sa pathologie.
Nous avons adopté une constitution qui a détaillé au détail
prêt les hypothèses d’une mise en place d’un gouvernement, mais aussi les
hypothèses de sa disparition.
La crise politique actuelle nous renseigne davantage :
les Tunisiens peuvent encore vous étonner dans les fines détails que certains croyaient
acquis.
Encore, les « acquis » du droit ne sont plus tels
au vu de ce que nous pouvons prouver au monde le plus démocratique au monde.
Passons en revue ce qui se passe :
1ère donnée : Une ARP donne confiance à un
gouvernement dont tout le monde pensait que c’était sous l’emprise du 2ème
paragraphe de l’art 89 de la Constitution, càd, sur proposition du parti
politique qui a gagné les élections, à savoir , Nida Tounes.
2ème donnée : le gouvernement, formée suite
à un vote de confiance d’une majorité parlementaire, se voit explicitement et
implicitement désavoué par cette même majorité et appelé à démissionner.
3ème donnée : Cette ARP, sous impulsion de
majorité conférant confiance à ce gouvernement, sollicite ce dernier à une
séance plénière pour débat en pleine crise de confiance.
Que s’est-il passé ?4
Incroyable et anodin…
1er fait ; le chef du gouvernement ne s’obtempère
pas à l’ARP dont il tire ses pouvoirs !! il refuse de se présenter pour
cette plénière de débat !
2ème fait : il demande à cette même ARP, « à
qui il a manqué du respect », un vote pour reconduction de confiance !!!
Qu’est ce qui se passe ?
L’actuel chef du Gouvernement a fait passer des messages
directs et indirects le jour même où il a refusé « l’assignation » du
parlement à comparaître à travers une interview télévisée.
1er message : c’est BCE (Le Président de la
République) qui m’a appelé pour être chef du gouvernement. En d’autres termes,
ce n’est pas le parti gagnant des élections législatives qui l’a officiellement
et réellement présenté.
La logique aurait imposé à ce même chef du gouvernement,
pour être en harmonie avec la réalité et le texte, de présenter sa démission
car celle-ci se fait auprès du chef de l’Etat (1er paragraphe de l’art
98).
Or Habib Essid, chef du gouvernement, refuse la démission et
opte pour le renouvellement de confiance comme s’il voulait retirer tout
pouvoir de son « départ » à BCE. C’est autrement dit de cette manière :
« Ok, C’est toi qui m’a fait venir mais tu n’auras jamais ce plaisir de me
faire partir. Ça sera l’ARP d’en décider».
2ème message : Habib Essid refuse la
démission car il invoque que les raisons d’une démission doivent être
justifiées « personnellement ». En d’autres termes, invoquer des
raisons qui n’engagent que le chef du gouvernement.
Or le Chef du gouvernement insiste sur la responsabilité
collective. Il insiste sur le fait qu’il n’a aucune raison personnelle pour
démissionner. S’il y a des raisons pour répudier ce « gouvernement »,
la faute et la responsabilité ne peuvent être que collectives.
En d’autres termes, Habib Essid nous dit : voilà, je ne
suis pas le fautif, donc, je ne démissionne pas. Car si je démissionne, je vais
assumer la faute des autres aussi, chose que je refuse de faire.
Mais si vous (ARP) jugez que tout ce gouvernement a failli
et a échoué, ne renouvelez pas votre confiance en lui.
En d’autres termes, si l’ARP ne vote pas la confiance à un
tel gouvernement, c’est qu’elle a désavoué tous les membres du gouvernement en
place.
Logiquement, cette ARP ne devra plus accorder confiance à
aucun membre de l’actuelle équipe gouvernementale.
Et le paradoxal dans tout ça…
Le Choix de Habib Essid implique une application du
paragraphe 3 de l’article 98. Càd que le choix du futur chef du gouvernement ne
passera plus par une consultation et proposition du parti qui a gagné les
élections (Nida Tounes) mais par un choix du président de la République.
C’est très beau de manœuvrer…
C’est trop bête de ne pas comprendre et d’en parler…..
C’est trop dangereux de jouer…avec…
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