Je ne vais pas faire un cours de
droit sur les immunités parlementaires. La question est excessivement expliquée
dans les articles 68 et 69 de la Constitution et des articles 28 au 33 du
règlement intérieur de l’ARP.
Faites une recherche sur « immunité
des parlementaires » vous allez trouver des développements presque
identiques à travers tous les systèmes qui reconnaissent cette immunité. Eh bien
oui, certains systèmes ne reconnaissent aucune immunité.
Mais il faut s’attarder sur une
question très importante relative au fondement de l’immunité des
parlementaires. Pourquoi a-t-on pensé utile de l’avoir développé ?
C’est simple : L’immunité a un
seul fondement : La Protection des élus du peuple contre toute sorte de
pression ou menace altérant l’accomplissement de son devoir de représenter le
peuple.
Il se trouve que ce fondement n’pas
été toujours respecté et que certains élus ont profité de cette immunité pour
jouir d’une impunité. Mais les cas sont isolés, et la justice a souvent triomphé.
Un cas m’a toujours interpellé, celui
du célèbre homme d’Etat italien : Giulio Andreotti. Ce dirigeant historique
de la Démocratie chrétienne et acteur important de l'histoire politique
italienne du 20ème siècle. Successivement membre de l'Assemblée constituante,
de la Chambre des députés et du Sénat, il a été toujours montré de doigt comme
ayant des liens avec la mafia gagnant le surnom de Divo Giulio. Le top, Andreotti
a été nommé sénateur à vie en 1991.
Sénateur à vie= immunité à vie ?
Le 13 avril 1993, les sénateurs le privent
de cette immunité et il passa devant le tribunal de Palerme. Mais 11 ans,
après, Andreotti sera acquittée des accusations en 2004 par la Cour de
Cassation italienne .
Qui a protégé Andreotti ici ? Son
immunité ou la justice ?
Les deux. La première en lui évitant
d’être malmené devant les tribunaux et juges pour des faits futiles. La 2ème
en l’innocentant confirmant que l’exercice de l’immunité n’était pas un
exercice abusif.
Imaginant que cet élu s’est vu levée
son immunité ; il aurait passé 11 ans devant la justice (ce qui l’aurait
empêché d’accomplir sa mission) pour se voir par la suite innocenté par la
justice.
L’exercice de l’immunité en droit
parlementaire tunisien était malheureux et dramatique, parfois.
Sous l’ère de la Chambre des députés,
la levée d’immunité était automatique. Le traitement était tellement automatisé
que les dispositions constitutionnelles et du règlement intérieur n’avaient
plus aucun sens.
A chaque fois qu’une requête émane du
ministre de la justice, la commission des immunités se réunit dans la semaine
pour recommander la levée et la plénière vote sans équivoque dans le sens de la
commission.
Du simple accident de la circulation à
la pension alimentaire, les causes de la levée ne méritaient pas réellement une
telle procédure très lourde. Des élus ont voulu se présenter volontairement et
résoudre le conflit à l’amiable se sont vus objectés un « Niet »
injustifié.
Pourtant, d’autres élus ayant commis
des actes méritant des poursuites pénales imposant la levée d’immunité n’ont
fait jamais l’objet de requête de levée d’immunité émanant du ministre de la
justice.
Pire encore, l’exercice a atteint un
seuil dramatique avec l’affaire du député opposant Khemaies Chammari, alors élu
du parti MDS. Alors qu’il a tant exhorté les membres de la commission de l’immunité
pour refuser la demande, il s’est présenté devant la plénière encadré par la
police à l’enceinte même de l’Assemblée. Il a presque « supplié » les
élus de ne pas voter cette demande injuste de levée d’immunité. Hélas. Le vote
a été sans appel, et il quitta l’Assemblée menottes à la main.
Avec l’Assemblée Nationale
Constituante, les requêtes de levée d’immunité n’ont pas manqué aussi. Le Plus frappant,
c’est que la majorité des plaintes qui ont fondé ces requêtes sont liées à des
propos tenus par les élus durant les séances plénières ou les réunions des
commissions.
Mais le traitement de ces demandes
par la commission de l’immunité était sérieux et pour la première fois, une
commission refuse des requêtes émanant du ministre de la justice.
L’Assemblée des Représentants du
Peuple n’est pas loin de sa précédente quant au nombre des requêtes. On attendra
le traitement par la commission et ensuite par la plénière.
Ce qui est important à souligner ici,
c’est que quand l’Assemblée lève l’immunité, elle omet toujours de signaler que
la levée d’immunité n’est valable que pour les actes liés à l’affaire en cause
et qu’elle doit aussi la limiter dans le temps.
C’est du non-sens qu’on prive un élu
de son immunité pour une période indéterminée déplaçant le pouvoir d’appréciation du parlement au
juge. C’est une violation manifeste de la Constitution.
C’est un non-sens aussi que pour un
oui ou un non, on demande la levée d’immunité pour un élu alors que l’acte d’instruction
pour laquelle on invoque cette levée d’immunité ne peut en aucun cas conduire à
prendre des mesures coercitives à l’encontre de l’élu. Un minimum de devoir d’appréciation
du juge est recommandé.
La levée d’immunité telle que exercée
actuellement dénature son fondement et pourrait présenter une sérieuse menace
contre les élus.
Pour finir, je serais curieux de
connaitre le nombre de levée d’immunité judiciaire dont jouit les juges et l’immunité
diplomatique dont jouit les diplomates pour les faire comparaitre avec le
nombre de levée d’immunité parlementaire et conclure qui est la catégorie la
plus vulnérable.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire