Le traitement
thérapeutique de certaines notions juridiques n’était pas sans raison. Le droit
peut être malade et quand il l’est, la situation devient alarmante. Ainsi,
depuis des lustres on a fait usage de quelques vocabulaires mettant en relation
droit et médecine comme « la clause pathologique » en matière
d’arbitrage international ou autre.
Scientifiquement,
Le mot « tumeur » est un « terme générique correspondant au développement
d'un tissu nouvellement formé au sein d'un tissu normal. Elle est provoquée par
le dysfonctionnement du développement cellulaire ». Il est utilisé non
seulement pour des pathologies cancéreuses, mais aussi pour d'autres
productions à caractère bénin.
En droit, La
bénignité est apparente et elle est détectable par un simple constat visuel et
raisonnable ; Mais elle devra être traitée de manière sérieuse sinon on
passe à la malignité.
Le schéma
décrit ci-dessus, correspond parfaitement depuis un bon moment à la pathologie
qui caractérise notre législation et nos pratiques parlementaires.
L’action
spectaculaire entamée par le Gouvernement Youssef Chahed contre les barons de
la corruption et du banditisme financier a introduit une bouffé d’espoir à tous
les niveaux de la société Tunisienne.
Mais encore
une fois, l’ARP (l’Assemblée des Représentants du Peuple) a manqué un autre
rendez-vous avec l’histoire. Sa réaction quant à cette action a été timide,
voir même inquiétante. Des actions un peu populistes n’ont pas pu hisser l’ARP
à la place qui lui revient de droit et qu’il doit occuper.
En pleine
euphorie populaire et médiatique liée à cette action gouvernementale
anticorruption, des actions se sont passées au sein de l’ARP qui empêchent
d’espérer.
1)
L’amalgame Parti politique/ Groupe parlementaire
Autant on se
réjouit de la formation des groupes parlementaires au sein de l’ARP car elles
sont un outil qui garantit l’efficacité du travail parlementaire, autant on est
confronté à des actions qui nous laissent perplexes quant au degré
d’assimilation de nos élus sur la philosophie et la vraie fonction qui
justifient ces groupes.
Ainsi, un
communiqué d’un parti politique avait annoncé le gel d’un de ses membres, qui
est parlementaire, et son éviction du groupe parlementaire.
C’est pour
dire le degré de confusion entre parti et groupe politique qui règne dans les
esprits de certains qui n’arrivent pas à comprendre que le Parlement reste une
sphère autonome et spécifique dont l’accès direct est interdit aux partis
politiques.
Un parti reste
libre d’exclure un de ses membres, même s’il est parlementaire. Mais son
exclusion et son éviction du groupe parlementaire revient au groupe
parlementaire. Ainsi, l’annonce d’une
éviction d’un parlementaire d’un groupe parlementaire est du ressort exclusif du
groupe et non du parti. L’annonce faite par ce parti porte en elle-même un
non-respect à son groupe parlementaire, mais aussi à l’ARP.
Tant que les
groupes parlementaires au sein de l’ARP n’arriveront pas à assimiler la
philosophie qui sous-tend la notion « Groupe parlementaire », l’ARP
subira toujours l’instabilité des partis et se disloquera autant le cadre
partisan se dispersa et vivra dans la confusion.
2)
La guerre des manœuvres pour le contrôle de la Cour
Constitutionnelle
La semaine du
29/5 au 2/6 a vu les groupes parlementaires annoncer leurs candidats pour la
Cour Constitutionnelle.
Pour rappel,
l’ARP élira 4 membres sur les 12 membres de la Cour. 4 seront élus par le CSM
(Conseil Supérieur de la Magistrature) et 4 désignés par le Président de la
République.
Pour Rappel
aussi, la majorité requise pour l’élection des 4 membres par l’ARP est de 2/3,
cad : 145 élus.
La majorité
actuelle ne peut réunir au-delà de 144 voix. C’est une possibilité théorique
très optimistes et poussée à l’extrême dans son calcul (adhésion totale de 4
groupes : Nahdha, Nida, Afek et éventuellement le groupe national).
Réellement, la
majorité ne pourra jamais aller au-delà de 137 voix. L’opposition, non plus,
n’aura jamais la capacité de réunir 145 voix.
Au vu des noms
proposés, aucune personnalité n’a été sollicitée concomitamment par majorité et
opposition pour pouvoir avoir cette chance de réunir 145 voix.
Pour rappel,
le scrutin se déroule en 3 tours. Si durant ces 3 tours l’élection des 4
membres faillit, on procède à nouveau par ouvrir une nouvelle fois le droit aux
groupes de procéder à de nouvelles propositions (différentes de celles faites
en 1ère phase) et des élections à 3 tours auront lieu avec
obligation de réussir une majorité de 2/3 (145 voix) jusqu’à ce qu’on y arrive.
Peut-on
y arriver ?
C’est la
question que tout le monde se pose. Mais ce n’est pas la bonne question.
Car avant de
poser cette question, il faut s’arrêter sur la liste des personnes proposées et
poser la question : Sont-elles les personnalités qu’on veut vraiment élire
à a Cour Constitutionnelle ?
L’histoire de
la manœuvre parlementaire tunisienne nous enseigne que la première liste est la
liste qu’on veut sacrifier.
Encore une
fois, l’histoire nous enseigne que le Parti Nahdha reste le meilleur stratège dans
de telles manœuvres. Dans le cas actuel de la Cour Constitutionnelle, ce parti
n’a proposé que 2 noms laissant le must de ses choix pour la suite.
En revanche,
l’opposition commet la même erreur et ne voit qu’au bout du nez. La preuve,
elle a proposé 4 noms dont l’un des meilleurs juristes : Slim Laghmani.
Proposer une telle personnalité à ce stade de la procédure c’est le condamner à
ne plus figurer dans la composition finale de la première Cour
Constitutionnelle Tunisienne. Non seulement il ne pourra jamais avoir cette
majorité de 2/3, mais aussi c’est le priver d’être nommé directement par le
Président de la République.
En outre, le
Président de la République nommera en dernière étape les 4 membres restants
après l’ARP et le CSM. Le choix n’est pas aléatoire. Car au vu de ce que les
élections au sein de l’ARP et le CSM donneront, le Président de la République
choisira.
En conclusion,
Non seulement la mise en place de cette Cour risque de s’éterniser, mais aussi
cette Cour s’apparentera à un échiquier plutôt qu’à une Cour Constitutionnelle.
Et Pour
Rappel, la loi organique n° 50 du 3 décembre 2015 relative à la Cour
Constitutionnelle, a prévu la procédure
de la mise en place de la Cour, a été discutée et votée par l’ARP.
3)
Une Cartographie partisane au sein de l’ARP de plus en plus
instable ?
L’ARP a été et
sera toujours victime du cadre partisan qui domine son enceinte.
Le parti
« Nida Tounes » qui a gagné les élections législatives de 2014 et
ayant formé le 1er groupe parlementaire de 86 élus (devant le parti
Nahdha, 2ème parti aux élections, et avec un groupe initial de 69
députés) s’est vu progressivement perdre des élus pour voir son groupe devenir
le 2ème groupe avec 58 députés.
Les départs de
ce groupe peuvent continuer dans les prochains jours au vu du tollé de
réactions des partisans du parti suite à un communiqué conjoint signé par les 2
groupes Nida et Nahdha. La dernière crise peut entrainer 2 effets qui ne seront
pas sans conséquences directes sur le fonctionnement de l’ARP :
-
Si d’autres élus quitteront
le groupe Nida, la majorité existante deviendra encore plus fragile et le salut
dépendra du groupe Afek et, éventuellement, du nouveau groupe « Watania ».
-
Même si aucun départ ne
sera enregistré, le groupe Nida Tounes risque de voir son homogénéité altéré et
la discipline du vote ne sera plus observé ce qui donnera lieu à une majorité
d’apparence n’excluant pas des votes surprises pour l’actuel gouvernement Y
Chahed.
-
Un scénario peu probable
aux yeux des uns reste quand même possible à moyen terme et consistant à voir
émerger un groupe inédit réunissant les groupes Horra, Afek, ULP et Watania en plus
des élus qui ont quitté le groupe Nida ou le vont quitter. Ce groupe, s’il se
formera, c’est une autre ARP qu’on verra.
Quelque soit
le scénario envisagé, les structures de l’ARP (Bureau et Commissions) lors de
la future session parlementaire ne seront pas identiques à celles de l’actuelle
session par l’effet de répartition des sièges par le jeu de cette règle de la
représentativité proportionnelle.
A Structures
différentes, approche différentes. Car chaque nouveau président d’une
commission ou chaque nouveau bureau d’une commission voudra imposer son
empreinte sur le travail effectué. La continuité du travail d’examen des
projets de lois en cours sera éventuellement altérée ce qui ne manquera pas
d’affecter encore l’efficacité du fonctionnement de l’ARP.
Ainsi, le
gouvernement doit certainement compter sur la majorité actuelle pour faire le
plein durant cette session qui devra normalement prendre fin courant le mois de
juillet à moins d’une session extraordinaire. Et il a intérêt car non seulement
la session 2017/2018 pourra voir venir de « nouveaux chefs », il faut
aussi comprendre qu’en 2018, le champ de vision des uns et des autres sera
cloisonné vers une seule direction : 2019.
La pathologie
actuelle reste néanmoins bénigne. Mais continuer à produire avec sans la
traiter, le produit pourra être porteur de pathologie maligne et ça sera trop
tard.
Le premier
traitement, le plus urgent, c’est ce règlement intérieur qu’il faut lui faire
subir une chirurgie lourde.
Malheureusement,
et au vu du projet de son amendement, l’espoir de voir corriger les erreurs
devient minime voir même inexistant.
Veut-on sauver
cette ARP ou la Tuer ? je crains le pire : la faire Souffrir.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire