Le 14 janvier à 00 :10mn, la page officielle de la Présidence
de la République publie un message « écrit » adressé par le Président
de la République aux partis politiques, coalitions et groupes parlementaires
dans le cadre de l’article 89 de la Constitution.
Bien entendu, la forme et la teneur linguistique du message a
attiré l’attention et soulevé plusieurs commentaires dans les réseaux sociaux.
Le terme « Kiteb » (Message écrit) nous a fait rappeler
le messager du film « Arrissala ». On
dirait que Le Président de la République est parti en conquérant.
Mais ceci n’empêche que le Président a entamé une certaine « coutume »
constitutionnelle puisque aucun texte ou une autre ancienne pratique n’expliquait
la procédure à suivre dans le cadre du 4ème paragraphe de l’art 89
de la Constitution.
Et ce n’est pas seulement une certaine « coutume
constitutionnelle » mais aussi une certaine « manœuvre politique ».
Voyons de près.
La teneur du 4ème paragraphe de l’art 89 de la
Constitution
Le paragraphe en question met en relief 2 questions : Les
délais et la procédure.
Les Délais
Il est d’abord imparti au Président de la République d’entamer les « pourparlers »
dans un délai de 10 jours.
Le Chef du Gouvernement choisi après ces pourparlers aura un mois
pour former son gouvernement et le proposer au vote de confiance du parlement.
La procédure
Le texte parle de « consultations » que fera le Président
de la République avec les partis, coalitions et groupes parlementaires pour « charger »
la « personnalité » la plus apte à former un gouvernement.
A ces 2 question, le Président de la République a apporté sa vision
des choses.
La Teneur du Message du Président de la République
Lisant de près le message, on a l’impression que le Président a
tenté de s’immuniser contre tous les pièges possibles.
Le piège des délais
Le message du Président a tenu bon à préciser l’heure précise du
dépôt de la lettre du Président de l’ARP indiquant le vote négatif infligé au
gouvernement du Habib Jamli : 20 minutes après minuit du 11 janvier 2020. Le
vote s’est tenu en plénière du 10 janvier 2020.
En réalité, on se posait la question : à partir de quand on
commence à compter les 10 jours impartis au Président ?: de la date du
vote (10 janvier) ou de la signification du vote par l’ARP (le 11 janvier) ?
Dans le 1er cas, on commence à compter du 11 janvier (et
les 10 jours finiront le 20 janvier). Dans le second, on compte à partir du 12
pour que l’échéance tombe le 21 janvier.
Le Président considère qu’il a été saisi le 11 janvier et il a agi en
moins de 48 heures après sa saisine officielle. Le calcul s’est fait en minute
près : 00 :20 (le 11/1/2020) et 00 :10 le 14 Janvier.
En plus, il donne aux destinataires de son message un délai ne dépassant
pas jeudi 16 janvier pour donner des réponses.
Donc, le Président s’est laissé une marge de 5 jours pour entamer
une autre approche des consultations afin que le 21 janvier 2020 les tunisiens
sauront le nouveau Chef du Gouvernement proposé pour former son gouvernement.
Tout de même, 48 heures pour réagir à la lettre du Parlement
laissent supposer que soit on a trop discuté le contenu du « message »
soit on ne s’est pas préparé aux éventualités du vote négatif.
Les pièges de la procédure
Le communiqué de la Présidence ne précise pas si le « message »
du Président a été communiqué à tous les partis politiques, présents ou non au
parlement ou seulement au cadre parlementaire !?
Mais le Président de la République a bien précise sa démarche quant
au sens des « consultations » évoquées par le texte constitutionnel :
demander aux parties concernées (à les définir) de proposer par voie écrite,
des noms avec des justifications et des critères pour fonder leurs choix.
Donc, le Président de la République renvoie la balle dans le camp
du « reste » et leur impose la forme « écrite ». au lieu d’être
piégé, le Président contre-attaque et les prend au dépourvu car personne ne s’attendait
à de telle procédure.
Le Président de la République s’est immunisé contre une éventuelle
attaque le rendant responsable des éventuels échecs des négociations par l’exigence
d’une forme écrite.
Donc, le Président a opté, en 1er lieu, à ne pas
choisir. C’est aux « autres » de choisir et ils devront « assumer »
leurs choix et le cours des négociations.
Toute manœuvre dilatoire est donc paralysée. Le Président pousse
tout le monde à « jouer carte sur table ».
Depuis 2012, aucun jeu politique en Tunisie n’a été mené de cette
manière.
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