samedi 11 janvier 2020

Après le vote de Confiance au gouvernement : nouvelles coalitions ou nouvelles guerres ?


Le 10 janvier 2020, L’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) a refusé de voter positivement la Confiance au nouveau gouvernement pour lequel le parti Nahdha, parti gagnant des élections 2019, a proposé Mr Habib Jamli pour le former.
134 députés ont voté contre l’accord de confiance pour 72 voix favorables. Il avait besoin de 109 voix pour passer. Il a échoué.

Mais ce n’est pas la 1ère fois que l’ARP a refusé d’accorder sa confiance à un gouvernement sous le règne de la Constitution du 26 janvier 2014.
En effet, le 30 juillet 2016, l’ARP a refusé d’accorder la Confiance au Gouvernement Habib Essid qui l’a suggéré.


Sauf que cette fois-ci on était dans un registre différent.
Pour le 1er cas cité, Habib Jamli, le vote de confiance se situe dans le cadre de l’art 89 (§2) se référant au 1er vote de confiance auquel est soumis le nouveau gouvernement post élections.
Quant au second cas relatif au gouvernement H. Essid, le vote se situe dans le cadre de l’exercice prévu par le second paragraphe de l’art 98 de la Constitution autorisant un chef du gouvernement en place de demander un vote de confiance au parlement.
Les ressemblances
Une seule ressemblance (et à nuancer) dans les 2 cas consiste dans le fait que pour le cas du Gouvernement Habib Essid, c’est ce dernier qui a tenté de résister aux manœuvres du président de la République, le défunt BCE, et il a échoué ; alors pour le cas du Gouvernement Habib Jamli, c’est le parti Nahdha qui a voulu résister au reste du parlement (ou presque) pour forcer le vote, et il a échoué.
Les perdants !
Chefs de partis politiques, chefs de groupes politiques, experts, observateurs, médias et internautes ont conclu après le vote à la même Conclusion : la défaite du parti Nahdha. Certains ont eu même l’audace de conclure à sa fin.
Il faut dire que le 1er perdant dans ce vote c’est Habib Jamli et toute son équipe qui ont échoué à forcer le respect de l’Assemblée.
43 personnalités, de différentes spécialités, ont été bafouées, humiliés et traitées de tous les noms durant toute une journée, pour un post au gouvernement qu’elles ont finalement échoué à l’avoir. Et en plus, elles sont désormais « étiquetées » Nahdhaouis proches du parti islamiste.
Il est évident aussi que le Parti Nahdha est un grand perdant.
Pourquoi ?
Pour la petite raison qu’il avait, depuis 2012, pesé lourdement et positivement sur le vote de confiance au gouvernement (Gouvernements de H Jebali, Ali Laaraiedh, Mehdi Jomaa, Habid Essid et Youssef Chahed). Il a même pesé lourdement sur le vote négatif affligé au gouvernement Habib Essid. Enfin, et ne l’oublions pas, il a déjoué toutes les manœuvres du Président BCE pour faire échouer et tomber le gouvernement de Youssef Chahed.
Mais à en conclure que le Parti Nahdha a perdu la main sur la manœuvre politique quant à l’échiquier politique tunisien existant est un constat très prématuré.
Ainsi, une question doit se poser : Le Parti Nahdha a-t-il pesé de tout son poids pour faire passer un gouvernement dont le chef est son émanation ?
Non.
Car le plus grand mystère reste toujours à savoir comment ils ont choisi la personne la plus faible pour être leur candidat à former le gouvernement !!!
Ont-ils planifié sa chute ? veulent-ils aller à des élections anticipées pour gagner et compenser leurs pertes ?
Le temps nous le dira.
Les gagnants
A 1ère vue, c’est hallucinant et incroyable. C’est presque l’ennemi public numéro 1 qui en sort héros de ce chambardement : Nabil Karoui, président du parti Qalb Tounes.
Eh oui ! c’est ce Candidat aux présidentielles 2019 qui été en prison durant la campagne électorale, ennemi juré du Chef du gouvernement en poste Youssef Chahed, traité par tous de « mafieux » et de « corrompus » et même de « lèche-cul » du parti Nahdha, qui en sort maître de cet « échec et mat » affligé au parti islamiste.
Moins de 24 heures avant le vote, il fait non seulement « un accord de trêve » avec le Chef du Gouvernement en poste, mais il fait aussi un volte-face de 360° pour annoncer que son parti (et son groupe parlementaire) ne votera pas la confiance au gouvernement.
En 24 heurtes, la majorité des groupes parlementaires qui lui étaient hostiles, lui deviennent dociles et amis.
Juste après le vote de confiance, il réussit même à tenir une conférence de presse avec plus de 90 députés présents et jouer le chef d’orchestre.
Vous pouvez constater par vous-même
Mais tout le monde tente de se faire passer pour le héros qui a fait tomber le parti Nahdha et son groupe parlementaire (exception du groupe Karama).
On dirait que tout le monde a vendu la peau de l'ours avant de l'avoir tué.
Et on dirait qu’ils se sont déjà partis en direction de s’entretuer, tôt ou tard.
La bagarre !!!
Elle a déjà commencé, et moins même de 24h après le vote.
Chacun veut se présenter comme le « leader » de cette coalition attendue.
Mais c’est une bagarre ou une bataille contre qui ?
Contre la nahdha ?
C’est une peine perdue. Car réunir une coalition d’extrême droite, de droite, de centre gauche, de gauche, d’extrême gauche et de « bâtards » va finir, tôt ou tard, par s’exploser contre eux. Ça sera même une implosion.
Contre le Président de la République ?
Rien ne le présage ou ne le justifie.
Hélas, des déclarations laissent penser que c’est le cas.
Mr Khaled Krichi, haut dignitaire du parti Chaab, vient de déclarer à radio mosaïque fm, que les blocs et groupes parlementaires qui ont voté contre la confiance au gouvernement vont entrer en concertation pour se mettre d’accord sur une liste de 3 personnalités qui sera soumise au Président de la république afin d’en choisir un parmi elles.
(1er fichier audio)
Cette démarche, même si elle existe, ce n’est pas une démarche à annoncer car c’est une violation manifeste de la Constitution (art 89 §3) et une tentative de « forcer » la main au Président de la République.
Cette démarche tente 2 objectifs :
Retirer au Président de la République un pouvoir constitutionnel qui est d’entamer des pourparlers et des négociations avec les partis politiques (même s’ils ne sont pas représentés au parlement) et groupes parlementaires.
Imposer au Président de la République un choix restreint de Candidat ce qui est contraire au texte de la Constitution.
Ce choix de Mr Krichi va aboutir à l’anéantissement définitif de certains partis politiques historiques du pays tels qu’el Jomhouri, le Travailleur Tunisien, le front populaire, Ettakattol, El Massar, et tant d’autres.
Je trouve cette déclaration dangereuse et menaçante.
Une guerre dans le clan contre
En réalité, par amateurisme politique, certains ont cru gagné et ils ont tort. Ils entament déjà leur fin « programmée ».
Le parti Nahdha voulait peut-être que la balle atterrit dans le camp du Président de la République pour qu’il en subisse les conséquences.
Et c’est possible que ses « éventuels » adversaires qui en assumeront ce rôle demain.
Conclusion : on pensait que c’est la fin !! eh ben non, ce n’est que le début.


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