Certains élus et groupes parlementaires de l’Assemblée Nationale Constituante ont fait savoir via des communiqués de presse ou interviews leur intention de demander qu’une commission d’enquête soit constituée pour procéder à des investigations sur ce qui s’est passé à L’Avenue Habib Bourguiba le 9 Avril 2012.
Dans la pratique parlementaire, une constitution d’une commission d’enquête peut signifier l’existence d’un acte ou situation grave constaté par le pouvoir (parlementaire) législatif.
D’après les faits constatés le 9 Avril, 3 questions essentielles peuvent être posées :
1- L’interdiction de « manifester » à l’Avenue Habib Bourguiba prise par le ministre de l’intérieur était-elle légale et juridiquement correcte ?
2- Qui sont ces « personnes » physiques présentes parmi les forces de police et qui se sont données à des actes de répression, violence physique et verbale à l’encontre des manifestants ?
3- Qui a donné l’ordre de réprimer la manifestation ?
La Commission d’enquête pourrait répondre à ces questions et établir les responsabilités des uns et des autres. Hélas ! pour qu’elle y arrive, il lui faut certains pouvoirs dont le règlement interne de l’ANC n’en prévoit pas.
D’abord, pour constituer une commission d’enquête il faut , selon l’article 73 du RI, une proposition écrite émanant du 1/3 des membres qui devra être approuvée par la majorité de l’ANC.
La Nahdha s’opposera certainement à une telle proposition. L’opposition devra réunir alors 109 élus qu’elle doit chercher parmi les élus CPR et FDTL !
Selon le second paragraphe du RI, la dite commission sera composée de 22 élus choisis selon la règle de la représentativité proportionnelle. 9 élus de la Nahdha y siègeront d’office, 3 du CPR et 2 FDTL.
Arithmétiquement parlant, pour qu’une telle commission fonctionne sans problème, il faut que tout le monde soit contre le parti majoritaire, hypothèse pour le moment difficile à imaginer.
Même si elle sera constituée, cette commission sera dépourvue de réels pouvoirs. En effet, le RI ne lui accorde pas les pouvoirs conférés aux commissions législatives dans les articles 58 à 61 ce qui va amoindrir ses actions et son astreinte.
En droit parlementaire comparé, les Commissions d’enquêtes ne sont efficaces que si on leur confère des prérogatives d’investigations prévues dans la procédure pénale (pouvoirs du juge d’instruction, ministère public, police judiciaire etc…).
Sans ces pouvoirs, la commission d’enquête n’aura le droit qu’à un modeste rapport qui peut atterrir dans les archives de l’Assemblée sans même recevoir la moindre publication (Article 74 RI de l’ANC).
Pire encore, la commission d’enquête parlementaire pourrait même se voir vidée de toute importance si le pouvoir exécutif procède à en créer une propre à lui.
Et c’est exactement ce qui s’est passé dans le cas actuel, puisque le conseil des ministres réunis aujourd’hui même vient de le faire.
L’ANC mis en Hors jeu….et hors état de nuire.
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