7 jours après la déclaration définitive des résultats des
élections législatives (le 8 novembre 2019), Le Président de la République a
chargé Mr Habib J(a ;o ;e)mli(*), le candidat proposé par le parti
Nahdha, pour former le nouveau gouvernement qui succèdera au gouvernement
sortant de Mr Youssef Chahed.
(*) Jusqu’à maintenant on ne sait pas réellement comment prononcer le
nom du candidat : Jemli ? Jamli ? Jomli ?. Pour le besoin
de ce post, je vais l’identifier par H.J
Et dès le départ, certains ont eu un pressentiment
qu’avec H.J on verra un autre protocole pour la formation du nouveau
gouvernement. L’indice : La forme de la lettre émise par le Président de
la république
Le 7 décembre 2019, à une semaine de la 1ère
échéance pour annoncer le gouvernement, H.J fait une déclaration de presse
indiquant qu’il ne faut se presser. Il a tout son temps !
Selon radio Mosaïque fm, H.J disait « On
annoncera le nouveau gouvernement quand Dieu le voudra ».
inchallah.
Mais se rend-il compte que le pays est dans une
situation insoutenable et insupportable de « wait and see » !?
Certains pensent que ce n’est pas H.J qui mène
le jeu, mais c’est le parti Nahdha qui s’est lancé dans un jeu de cache-cache pour
pousser certains partis politiques (Tayyar et Chaab) à la limite de leur
patience et leur imposer un gouvernement dont il aura ses « clés ».
Depuis l’annonce implicite du défunt Président
BCE de vouloir se débarrasser du Chef du Gouvernement sortant Youssef Chahed, le
parti Nahdha s’est lancé dans une série de manœuvres politiques et
parlementaires pour se présenter comme le seul maître du jeu de la scène
politique tunisienne.
Malgré la défaite de son candidat aux élections
présidentielles (qui a échoué à franchir le 1er tour) et malgré la régression
spectaculaire de ses résultats aux élections législatives (par rapport à celle
de 2011 et de 2014), le parti Nahdha continue une « stratégie »
offensive pour mener le jeu tout en sachant que dans les conditions actuelles
cette manœuvre est très aléatoire voir même très dangereuse pour le pays (et
pour lui aussi).
Le Parti Nahdha veut-il paralyser le
gouvernement sortant ?
Le 2 décembre 2019, le président du Conseil de
la « Choura » du parti Nahdha a tenu une conférence de presse durant
laquelle il a appelé le Chef du gouvernement sortant, Youssef Chahed, de mettre
fin aux « nominations » et de réviser celles faites durant les
dernières semaines (NDLR : depuis la déclaration définitive des résultats
des élections). (texte)
Ne se laissant pas faire, Youssef Chahed avait
réagi 3 jours après, précisant que son Gouvernement continuera d’exercer ses
compétences constitutionnelles jusqu’au dernier moment et que les nominations
sont de sa compétence exclusive selon l’art 92 de la Constitution. texte
Le parti Nahdha ne s’inquiétait donc que des
« nominations » faites par le gouvernement sortant et c’est son seul
souci.
Et pourtant la question devrait être traitée
plus sérieusement.
Le Gouvernement Youssef Chahed est-il
un gouvernement à pleine compétence ?
Le gouvernement actuel (ou en post) est
qualifié par tout le monde comme un gouvernement de « gestion des
affaires ».
Ce qualificatif est déduit in fine des termes
du 2ème paragraphe de l’article 100 de la Constitution précisant que
le Gouvernement sortant (suite à une vacance du poste du Chef du gouvernement
hors mis les cas de démission ou de décès !) continue à gérer les affaires
sous la supervision d’un membre du gouvernement choisi par le conseil des
ministres.
Or le Gouvernement Youssef Chahed n’est pas
dans une telle situation.
Conclusion : Le Gouvernement Youssef Chahed n’est pas un
gouvernement de gestion des affaires.
Le Gouvernement Youssef Chahed est-il
un Gouvernement dont la responsabilité ne pourra jamais être engagée devant
l’actuelle ARP ?
La personnalité chargée de former le nouveau
gouvernement prend son temps. Il a un mois, renouvelable une seule fois, pour
présenter son équipe au vote de confiance. S’il échoue (et la probabilité est très
sérieuse selon certains observateurs), le Président de la République chargera
une personnalité de son choix après consultation des partis, coalition et
groupes parlementaires.
Si après 4 mois, l’ARP n’accordera pas de
confiance à aucun gouvernement, Le Président de la République pourra la
dissoudre.
Donc, l’actuel gouvernement pourra rester en
post encore des semaines.
En décembre 2015, les élections législatives
espagnoles ont abouti à un résultat inédit depuis 1978, date de l’adoption de
la Constitution, ne permettant à aucun parti de former le gouvernement sans la
coalition avec 2 autres composantes.
Les 3 et 5 mars 2016, le congrès a échoué en 2
tours (le 1er nécessite la majorité absolue, le second une simple
majorité relative suffira) à voter la confiance du gouvernement. Le Roi disposant
de 2 mois pour dissoudre le parlement, avait surpris tout le monde le 7 mars en
faisant savoir qu’il ne fera aucune consultation. Donc, le gouvernement sortant
restera en place sans connaitre exactement l’échéance de sa mission.
Cette situation a engendré un débat entre
juristes espagnols quant au pouvoir du gouvernement sortant et le pouvoir du
parlement à son égard.
La loi espagnole précisait que le gouvernement
sortant limite sa gestion à la marche habituelle des affaires publiques,
disposition que la doctrine juridique s’en est référée pour justifier sa
conclusion au devoir d’auto-restriction du gouvernement en post.
En outre, en 2005, le tribunal suprême a
indiqué que le gouvernement en post ne peut pas prendre des décisions ou des mesures
impliquant l’adoption de directives d’orientation politique.
Ainsi, en Espagne, le gouvernement sortant
n’est pas autorisé à soumettre le budget au nouveau parlement.
Or en Tunisie, la situation est différente. Le
Gouvernement sortant prépare et discute le budget avec le nouveau parlement.
Ce qui est étonnant dans la situation actuelle du Gouvernement Youssef
Chahed, c’est qu’il est un gouvernement hors portée de mise en cause par
l’actuelle ARP.
Certes, les députés peuvent lui adresser des
questions écrites et orales, l’auditionner, mais engager une procédure de
motion de censure contre lui n’impliquera que l’éviction de Youssef Chahed et
son remplacement par un ministre de son gouvernement.
Plus délirant, le gouvernement en post peut
toujours présenter des projets de lois (interdit en Espagne) et s’en foutra du
vote des élus s’ils les rejettent ou non car le rejet n’impliquera rien de
grave sur sa continuation.
Théoriquement, donc, le Gouvernement Youssef Chahed est actuellement
plus fort avec cette nouvelle ARP qu’il l’était avec l’ancienne ARP qui lui a
fait confiance.
Les élections 2019 : dernière
alerte rouge avant le chaos !?
Le mandat législatif 2014-2019 était un mandat
révélateur sur les lacunes de notre système constitutionnel et institutionnel.
Le constat est plus que « amer » ou « désolant » ;
il est APEURANT.
Seule une poignée de lois ont été adoptées alors qu’on aurait dû
promulguer plus de cinquantaine de lois pour mettre en œuvre les choix
constitutionnels de 2014.
Durant 5 ans, on a tout vu. Tout vu dans le
sens négatif :
Des principes généraux restés désuets ;
tout un dispositif des droits et libertés sans une réelle mise en œuvre ;
un Parlement paralysé ; un exécutif qui est arrivé à s’entre-tuer ;
un pouvoir judiciaire pathologique ; des instances constitutionnelles
indépendantes donnant des signes alarmants et un pouvoir local défaillant.
Que faut-il faire ?
Une autre révolution ?
Il nous faut un calendrier triennal
2020-2021-2022 pour mettre en place tout le dispositif nécessaire, correctifs
inclus, pour vérifier si on est apte à continuer dans le même chemin ou non.
Ce calendrier triennal passe par plusieurs
priorités dont notamment :
1)
La révision du règlement intérieur de l’ARP pour qu’elle soit
fonctionnelle et efficace.
2) La Révision de la loi électorale et du calendrier électoral
2) La Révision de la loi électorale et du calendrier électoral
3)
La révision du cadre légal des partis politiques et associations
4)
La révision du système fiscal
5)
L’adoption sans délai des lois organiques mettant en œuvre les
dispositions constitutionnelles garantissant l’unité de l’Etat Tunisien et sa
continuité.
6)
Lancer un référendum pour Oui ou Non réviser nos choix constitutionnels
(ou certains d’entre eux) : Pouvoir local ; Exécutif ; pouvoir
judiciaire ; parlement et instances constitutionnelles indépendantes.
Le temps nous a accordé largement un délai de grâce.
Je crains qu’après ce délais de grâce, l’échéance
sera brusque et … dramatique.
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