Le parlement sud-africain a mis en place un modèle du parlement
pour la participation du public (PPM) par lequel il a initié un programme
intitulé « Amener le Parlement au Peuple ».
L’idée se fonde sur la considération que la participation du public
est un processus de communication bidirectionnelle dont le but est d’obtenir de
meilleurs décisions législatives plus acceptable et d’influer sur les processus
décisionnaires qui reflètent « la volonté du peuple ».
En parcourant les composantes de ce programme et sa mise en œuvre,
je me suis posé la question si le Parlement Tunisien (ANC et ARP) reflétait
réellement la « volonté du peuple ».
Le Dispositif Juridique
La Constitution :
Le 4ème paragraphe du préambule dispose que le régime
républicain est un régime démocratique participatif dont la souveraineté revient
au peuple et que réalisant « la volonté du peuple » pour qu’il soit
maître de son histoire, les constituants ont adopté la Constitution du 26 juin
2014 (derniers paragraphes).
Au 1er chapitre, les articles 2 et 3 énoncent que la volonté
du peuple est l’une des 3 composantes de l’Etat (en plus de la
citoyenneté et la suprématie de la loi) et que le PEUPLE est le détenteur de la souveraineté et la source
de tous les pouvoirs.
Et l’article 50 finit par annoncer que « Le peuple exerce
le pouvoir législatif via ses représentants ou par référendum ».
Le Règlement intérieur
L’article 20 énonce clairement que chaque membre de l’ARP est
représentant du peuple entier. (Disposition que les constituants ont refusé
de l’insérer dans la Constitution).
L’article 76 affirme le principe que les réunions des commissions
sont publiques. L’article 103 fait de même pour les Plénières.
Enfin, l’article 43 stipule qu’une semaine par mois est réservée
aux élus pour prendre contact avec les citoyens et les régions.
Conclusion : Notre Constitution place le peuple et sa volonté au-dessus
de tous les pouvoirs, y compris le parlement. Ces pouvoirs doivent servir le
peuple et ses intérêts « légitimes ». (Énoncés principalement par des
dispositions du chapitre 1er et tout le 2ème chapitre).
Tout est là : des parlementaires représentants du peuple tout
entier ; des parlementaires qui vont mensuellement aux citoyens et aux
régions ; des réunions et des plénières ouvertes au public et un
DEVOIR de légiférer pour l’intérêt du peuple.
Une Pratique décevante
1er constat depuis la législature 2014-2019 : tout
le dispositif cité ci-dessus a été bafoué, altéré, violé, massacré, banalisé et
même ridiculisé.
Le mandat impératif
La plupart des démocraties modernes ont interdit le mandat
impératif. (exp : En France, le mandat impératif pour les membres du
parlement est interdit par l'article 27 de la Constitution ).
Étrangement, cette interdiction a été méconnue par les
parlementaires tunisiens et jamais soulevée comme objection de part et d’autres.
On a assisté, et à plusieurs reprises, que des élus défendent bec
et angles ou soutiennent aveuglement des amendements qui servent les intérêts
des secteurs dont sont issus (avocats, magistrats, agriculteurs, industriels,
concessionnaires de voitures, SICAV, marchands pétroliers, promoteurs
immobiliers…).
Pire encore, plusieurs élus et même des groupes parlementaires ont,
par ignorance ou par volonté de signer un amendement, fait passer des
amendements à des lois de finances servant des intérêts « louches »
ne servant aucun intérêt national ou populaire.
Le comble, c’est qu’on a réussi à faire adopter une loi servant les
intérêts d’une tribu violant les principes élémentaires de la loi dans sa
généralité et impersonnalité.
Les lobbies
Profitant de l’anarchie régnant quant à l’accès au parlement et à
ses enceintes, des « groupes de pressions » ou « des pouvoirs
occultes » en ont profité pour faire passer via des élus, des groupes parlementaires
ou même d’une partie de la « société civile » qui a élu domicile à l’ARP,
des amendements servant exclusivement leurs propres intérêts.
Les ONG
internationales
Elles ont pratiquement mis la main sur l’ARP.
Leurs offres de financement pour plusieurs activités ; leurs
offres de voyages d’études pour plusieurs élus (et subsidiairement des
fonctionnaires) et leurs choix presque exclusifs et restreints des « experts »
qu’elles proposent aux élus, leur ont permis de « peser » sur les
choix de certains élus et même leurs votes.
Le vote n’est plus pour servir le peuple, mais devenu un vote pour
mettre en œuvre des « choix » et des « orientations » qui n’ont
rien avec la volonté du peuple telle qu’exprimée par le texte constitutionnel.
Le caractère public des réunions
Les citoyens ont-ils vraiment un libre accès aux plénières du
parlement ou aux réunions de ses commissions ? NON.
L’accès au parlement (ARP) est devenu un « privilège » exclusif
et restreint de certains « privilégiés ».
Aucune politique d’ouverture au grand public n’a été mise en place
par le parlement Tunisien pour permettre à de simples citoyens d’assister à ses
travaux.
En outre, le parlement n’a jamais mis en place un système de
diffusion en direct de ses travaux pour toucher un grand public.
Pire encore, la diffusion en direct de ses plénières via sa chaine YouTube
a été interrompue depuis le début de cette nouvelle législature 2019-2024.
Elus de partis et non de peuple
Les élus sont en principe élu en fonction des programmes présentés
par leurs partis au peuple Tunisien.
La règle veut que ces élus obéissent à ces programmes.
Hélas, plusieurs élus ont fait « allégeance » aux leaderships
de leurs partis plutôt qu’aux principes et objectifs fixés par les programmes
électoraux de leurs partis. Ils ont même changé d’appartenance à leurs groupes
ou leurs partis pour opter à des « orientations » diamétralement
opposées et contraires aux fins pour lesquelles ont été choisies.
Des élus ont fait preuve d’une arrogante ignorance et défiance
quant au devoir de respecter « la volonté du peuple ».
On peut passer des mois à citer des cas et des faits prouvant cet
amer constat.
La Conclusion : le Parlement n’est plus une assemblée d’élus,
mais plutôt une assemblée de « personnes ».
Obligation : Rendre le Parlement au peuple
Ce n’est plus un acte de ramener, mais plutôt un acte
de rendre. Car c’est une question de « Restitution »
d’un dû.
Et le peuple est en quête de chercher qui lui rend son dû. Et dans
sa quête, il tente parfois des voies inédites, incertaines, inconnues et qui
pourront s’avérer dangereuses pour le pays.
Les partis politiques et les groupes parlementaires doivent s’attarder
sur cette question et penser sérieusement à trouver les meilleures solutions
pour y remédier.
Pour rendre le parlement au peuple, des solutions immédiates
doivent être apportées dont notamment :
Obligation de légiférer pour le peuple
Cette obligation implique plusieurs démarches dont spécialement :
- S’assurer de la qualité et de l’efficacité de la loi en optant pour
des études de fiabilité, efficacité et impact des mesures sur la vie des
citoyens.
- Instaurer un mécanisme efficace pour le suivi de l’application de
la loi
- Mise en place d’un système de communication direct avec les
citoyens quant à leur réactivité vis-à-vis des projets de lois et autres
questions soumises au parlement.
- Donner une vraie valeur ajoutée à la « semaine des régions »
en préconisant des réunions de commissions, des activités parlementaires ou
même des « plénières virtuelles ».
- Interdire le « mandat impératif » et inciter les élus et
les groupes à « justifier » et « fonder » oralement et en séance
publique leurs propositions ou leurs amendements et les rendre responsables « politiquement »
et « pénalement » de tout acte servant un secteur sans justification
de servir l’intérêt national.
- Mettre fin à cette mascarade des interventions selon l’art 118 qui
rend cette Assemblée une assemblée d’élus de régions et de tribus.
Et pour finir, pour rendre cette Assemblée au Peuple, l’Opposition
doit jouer son rôle pour défendre le PEUPLE et non pour faire mordre la
poussière à la majorité.
Rendre le Parlement au peuple passe avant tout par faire comprendre
aux élus leurs missions et leurs devoirs ; cantonner les ONG
internationales dans leurs missions et les « caser » dans leurs
cadres appropriés ; élargir le contact avec les citoyens et la société
civile tunisienne ; s’assurer de la fiabilité de la législation et,
surtout, Ouvrir le parlement au Peuple.
Au Parlement, Il n’y a pas de VIP.
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