Avec un retard de plus d’une année, la plénière de l’ARP a réussi
un miracle : élire les 3 membres de l’ISIE lors de sa plénière du 30
janvier 2019.
Pour y arriver, les groupes parlementaires se sont mis d’accord
autour de 3 candidats en appliquant la règle du consensus.
Il n’empêche qu’au début de la plénière, une technique bizarroïde
inventée pour la 1ère fois a soulevé une relative contestation.
Il faut comprendre l’origine de la crise pour expliquer un peu de
ce qui est passé aujourd’hui.
Synopsie :
L’ISIE (Instance Supérieur et Indépendante des Elections) est
entrée en crise depuis la démission de son Président élu Chafik Sarsar suite à
une crise aiguë au sein de son conseil justement après renouvellement du tiers
de ce conseil.
L’ARP a procédé au renouvellement du tiers et a élu un nouveau
Président issu du nouveau tiers élu chose qui n’a pas plu aux anciens.
Pire encore ; juste après leurs élections, des membres du nouveau
tiers se sont trouvés concernés par le renouvellement partiel du second tiers
et le tirage au sort a touché certains d’entre eux.
La crise s’est aggravée et le Nouveau Président, se trouvant isolé,
n’a pas trouvé mieux que se démettre du poste du Président.
Et voilà que toute cette crise de l’ISIE s’est « transportée »
telle qu’elle à l’ARP qui a été appelée à trancher.
D’une Crise de l’ISIE à une crise au sein de l’ARP. En effet, les
groupes parlementaires ne se sont pas mis d’accord pour la résoudre.
Ainsi, les groupes Nahdha et Nida (majoritaires à cette époque)
voulaient que le Parlement procède en premier lieu à l’élection du Président de
cette Instance et assurer le renouvellement du tiers après, chose que refusait
le reste des groupes.
Nahdha et Nida n’étant plus en « justes noces », forcer
la décision était impossible. Et la crise dura plus d’une année.
Entre temps, Nahdha s’est convolée en justes noces avec le nouveau
groupe parlementaire issue du Nida « La Coalition Nationale » et
tenait à ne pas imposer sa loi. Elle a de ce fait accepté la démarche proposée
consistant à élire en 1er lieu les 3 membres pour choisir par la
suite le Président.
Pour pérenniser cet accord, les présidents des groupes l’ont
qualifié de « Consensus » et s’y sont engagés solennellement et
publiquement.
Le Consensus
Suffit-il un consensus ?
Non.
Le consensus sur les candidats à la Cour Constitutionnelle n’a pas
été respecté et tout le monde se méfiait les uns des autres.
Il faut rappeler que la technique du Consensus n’est pas contraire
aux règles du droit parlementaire et elle n’est pas propre au Parlement
Tunisien mais c’est la Commission des consensus qui a été critiquée dans le
sens qu’elle n’est pas prévue par le règlement intérieur.
Dans la plénière du 30 janvier, ce consensus a été à l’origine d’une
petite polémique rapidement dépassée. Les enjeux d'une telle plénière étant d'une importance capitale, tout était permis
إذا لم يتوصل مجلس نواب الشعب الْيَوْم إلى انتخاب رئيس الهيئة العليا المستقلة للانتخابات و سد الشغور على مستوى الأعضاء فهو يكون قد فقد شرعيته .— Bochra Bel H Hmida (@h_bochra) 30 janvier 2019
La violation du Règlement intérieur
En début de plénière, les élus se sont rendus compte que le cachet
de l’ARP apposé aux bulletins de vote n’était pas uniforme à tous les bulletins
de vote.
En effet, pour chaque groupe, le cachet a été apposé dans un angle
spécifique permettant d’identifier le bulletin de vote quant à son groupe
source.
La raison est simple : pour s’assurer qu’aucun groupe ne se
rétracte quant au consensus, certains ont pensé qu’il serait utile d’identifier
le groupe récalcitrant en cas d’échec d’élection et de le dénoncer.
La confiance règne.
Pour être plus précis, la « méthode » visait spécialement
les groupes Nahdha (qui voulait élire d’abord le Président) et Nida (accusé de
ne pas vouloir tenir des élections en 2019).
D’ailleurs, c’est un élu du Groupe Nida qui a dénoncé cette démarche.
Abd. Kotti: On nous a informé que les bulletins de vote seraient marqués par un signe distinguant le bloc. C’est une mesure dangereuse et contraire au RI de l’#ARPTn et au principe de secret du vote— AlBawsala (@AlBawsalaTN) 30 janvier 2019
Une autre élue du même groupe a fait la même objection
Sameh Bouhaouel : L’idée de marquer les bulletins de vote est contre les procédures. Nous sommes pour la transparence et pour le respect du consensus mais nous sommes contre cette mesure. #ARPTn— AlBawsala (@AlBawsalaTN) 30 janvier 2019
Le Président du groupe Nida est venu apporter son soutien aussi
Sofiene Toubal (Nidaa): nous allons respecter le consensus et les députés ont tout à fait le droit de critiquer cette nouvelle méthode de vote. #ARPTn— AlBawsala (@AlBawsalaTN) 30 janvier 2019
Mais pour le président du groupe Front Populaire (1er
groupe de l’opposition) l’opinion est diamétralement opposée
Ahmed Seddik (FP): la mesure de marquer les bulletins de vote par un signe distinctif fait partie du consensus et elle n’est pas contraire au Règlement intérieur #ARPTn— AlBawsala (@AlBawsalaTN) 30 janvier 2019
Alors qu’en est-il réellement ?
La justification du choix implique la violation ou non du Règlement
Que disent les textes d’abord ?
L’art 34 de la Constitution dispose que le droit d’élection, le
scrutin et la candidature sont garantis par la loi.
L’art 61 quant à lui dispose que le vote au
sein de l’Assemblée est personnel.
Et c’est dans ce sens que le règlement
intérieur a affiné cette disposition comme suivant :
Article 16 : le vote des candidats est
secret.
Article 17 : le scrutin au sein de l’Assemblée
se fait par des bulletins spéciaux et des enveloppes uniformes portant cachet
de l’ARP.
Article 19 : est nul, tout bulletin
portant des signes pouvant identifier l’élu.
Il est clair que le Règlement intérieur, cherchant à assurer la confidentialité du vote, a imposé 2 règles élémentaires : l’uniformité du support et le cachet de l’assemblée.
Or, apposé un cachet de manière non
uniforme aux bulletins de vote en fonction des groupes concernés apporte une
violation manifeste du règlement intérieur et il serait insensé d’apporter une
interprétation strictement formelle à l’art 17 limitant l’obligation aux
enveloppes.
En affectant des bulletins en fonction des
groupes il est trop facile d’identifier un élu appartenant à un petit groupe ou
non appartenant à aucun groupe. Et ce bulletin est nul et non avenu.
Justifier la démarche par le consensus est
un non-sens voire même un sens trop Con.
Est-il possible de justifier la
démarche ?
D’après mon avis, très modeste, Oui.
Il faut chercher la justification dans l’intérêt
général ou l’ordre public.
Assurer le renouvellement du tiers de l’ISIE
c’est garantir la tenue des élections en 2019 et par là-même, assurer l’intérêt
général car à défaut, le pays peut sombrer dans une situation dangereuse.
La jurisprudence Tunisienne a tenté de
considérer que la règle procédurale ne doit pas en aucun cas anéantir le fond
des droits que dire quand il s’agit de l’ordre public et l’intérêt général de l’Etat.
Un seul élu a fait allusion à cette
justification sans pour autant la bien développé : Salem Labiedh (du groupe
démocratique, opposition)
Salem Labiadh (Bloc Dem): les elections ne sont pas une question procédurale. C’est une question de fond. Pas de paix sociale ni de stabilité politique sans élections. #ARPTn— AlBawsala (@AlBawsalaTN) 30 janvier 2019
Si on a bien argumenté l’adoption d’une
démarche contestée par un bien fondé de l’intérêt général, on aurait évité
toute une polémique.
Reste à savoir maintenant si recours
pourront y avoir contre cette plénière.
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