mercredi 30 janvier 2019

Elections membres ISIE : Le forcing du Consensus


Avec un retard de plus d’une année, la plénière de l’ARP a réussi un miracle : élire les 3 membres de l’ISIE lors de sa plénière du 30 janvier 2019.
Pour y arriver, les groupes parlementaires se sont mis d’accord autour de 3 candidats en appliquant la règle du consensus.
Il n’empêche qu’au début de la plénière, une technique bizarroïde inventée pour la 1ère fois a soulevé une relative contestation.
Il faut comprendre l’origine de la crise pour expliquer un peu de ce qui est passé aujourd’hui.

Synopsie :

L’ISIE (Instance Supérieur et Indépendante des Elections) est entrée en crise depuis la démission de son Président élu Chafik Sarsar suite à une crise aiguë au sein de son conseil justement après renouvellement du tiers de ce conseil.
L’ARP a procédé au renouvellement du tiers et a élu un nouveau Président issu du nouveau tiers élu chose qui n’a pas plu aux anciens.
Pire encore ; juste après leurs élections, des membres du nouveau tiers se sont trouvés concernés par le renouvellement partiel du second tiers et le tirage au sort a touché certains d’entre eux.
La crise s’est aggravée et le Nouveau Président, se trouvant isolé, n’a pas trouvé mieux que se démettre du poste du Président.
Et voilà que toute cette crise de l’ISIE s’est « transportée » telle qu’elle à l’ARP qui a été appelée à trancher.
D’une Crise de l’ISIE à une crise au sein de l’ARP. En effet, les groupes parlementaires ne se sont pas mis d’accord pour la résoudre.
Ainsi, les groupes Nahdha et Nida (majoritaires à cette époque) voulaient que le Parlement procède en premier lieu à l’élection du Président de cette Instance et assurer le renouvellement du tiers après, chose que refusait le reste des groupes.
Nahdha et Nida n’étant plus en « justes noces », forcer la décision était impossible. Et la crise dura plus d’une année.
Entre temps, Nahdha s’est convolée en justes noces avec le nouveau groupe parlementaire issue du Nida « La Coalition Nationale » et tenait à ne pas imposer sa loi. Elle a de ce fait accepté la démarche proposée consistant à élire en 1er lieu les 3 membres pour choisir par la suite le Président.
Pour pérenniser cet accord, les présidents des groupes l’ont qualifié de « Consensus » et s’y sont engagés solennellement et publiquement.

Le Consensus

Suffit-il un consensus ?
Non.
Le consensus sur les candidats à la Cour Constitutionnelle n’a pas été respecté et tout le monde se méfiait les uns des autres.
Il faut rappeler que la technique du Consensus n’est pas contraire aux règles du droit parlementaire et elle n’est pas propre au Parlement Tunisien mais c’est la Commission des consensus qui a été critiquée dans le sens qu’elle n’est pas prévue par le règlement intérieur.
Dans la plénière du 30 janvier, ce consensus a été à l’origine d’une petite polémique rapidement dépassée. Les enjeux d'une telle plénière étant d'une importance capitale, tout était permis



La violation du Règlement intérieur

En début de plénière, les élus se sont rendus compte que le cachet de l’ARP apposé aux bulletins de vote n’était pas uniforme à tous les bulletins de vote.
En effet, pour chaque groupe, le cachet a été apposé dans un angle spécifique permettant d’identifier le bulletin de vote quant à son groupe source.
La raison est simple : pour s’assurer qu’aucun groupe ne se rétracte quant au consensus, certains ont pensé qu’il serait utile d’identifier le groupe récalcitrant en cas d’échec d’élection et de le dénoncer.
La confiance règne.
Pour être plus précis, la « méthode » visait spécialement les groupes Nahdha (qui voulait élire d’abord le Président) et Nida (accusé de ne pas vouloir tenir des élections en 2019).
D’ailleurs, c’est un élu du Groupe Nida qui a dénoncé cette démarche.
Une autre élue du même groupe a fait la même objection


Le Président du groupe Nida est venu apporter son soutien aussi
Mais pour le président du groupe Front Populaire (1er groupe de l’opposition) l’opinion est diamétralement opposée
Alors qu’en est-il réellement ?

La justification du choix implique la violation ou non du Règlement

 Que disent les textes d’abord ?
L’art 34 de la Constitution dispose que le droit d’élection, le scrutin et la candidature sont garantis par la loi.
L’art 61 quant à lui dispose que le vote au sein de l’Assemblée est personnel.
Et c’est dans ce sens que le règlement intérieur a affiné cette disposition comme suivant :
Article 16 : le vote des candidats est secret.
Article 17 : le scrutin au sein de l’Assemblée se fait par des bulletins spéciaux et des enveloppes uniformes portant cachet de l’ARP.
Article 19 : est nul, tout bulletin portant des signes pouvant identifier l’élu.
Il est clair que le Règlement intérieur, cherchant à assurer la confidentialité du vote, a imposé 2 règles élémentaires : l’uniformité du support et le cachet de l’assemblée.
Or, apposé un cachet de manière non uniforme aux bulletins de vote en fonction des groupes concernés apporte une violation manifeste du règlement intérieur et il serait insensé d’apporter une interprétation strictement formelle à l’art 17 limitant l’obligation aux enveloppes.
En affectant des bulletins en fonction des groupes il est trop facile d’identifier un élu appartenant à un petit groupe ou non appartenant à aucun groupe. Et ce bulletin est nul et non avenu.
Justifier la démarche par le consensus est un non-sens voire même un sens trop Con.

Est-il possible de justifier la démarche ?

D’après mon avis, très modeste, Oui.
Il faut chercher la justification dans l’intérêt général ou l’ordre public.
Assurer le renouvellement du tiers de l’ISIE c’est garantir la tenue des élections en 2019 et par là-même, assurer l’intérêt général car à défaut, le pays peut sombrer dans une situation dangereuse.
La jurisprudence Tunisienne a tenté de considérer que la règle procédurale ne doit pas en aucun cas anéantir le fond des droits que dire quand il s’agit de l’ordre public et l’intérêt général de l’Etat.
Un seul élu a fait allusion à cette justification sans pour autant la bien développé : Salem Labiedh (du groupe démocratique, opposition)
Si on a bien argumenté l’adoption d’une démarche contestée par un bien fondé de l’intérêt général, on aurait évité toute une polémique.
Reste à savoir maintenant si recours pourront y avoir contre cette plénière.



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