Une info faisait état d’une plainte déposée par des élus à l’encontre de certains de leurs collègues élus en Sit-in pour remboursement des indemnités perçues durant la suspension des travaux de l’ANC. Les mêmes plaignants ont apparemment déposé une autre plainte à l’encontre du Président de l’ANC pour cause de suspension des travaux.
Essayant d’analyser le bien fondé juridique de telles plaintes, j’ai fouillé dans mes archives des études comparées pour trouver une excellente étude anglo-saxonne sur les privilèges et immunités parlementaires faite à partir de 2 imposants ouvrages : 1) Erskine May’s Treatise on The Law, Privileges, Proceedings and Usage of Parliament [ May, 22e éd., sous la direction de sir Donald Limon et W.R. McKay, Londres : Butterworths, 1997] et 2) Le privilège parlementaire au Canada, de Joseph Maingot [Maingot, 2e éd., Ottawa, Chambre des communes et Les presses universitaires McGill-Queen’s, 1997].
Après la lecture de ses 145 pages, cette étude m’a fait brouiller les idées. Quel intérêt à analyser une plainte sur la base de quelques articles éparpillés entre RI et OPPP ?
Même si la question n’est pas aussi simple qu’on le pense étant donné que l’art 2 OPPP et les articles 2, 121, 123 et 126 RI [i]ne suffisent pas à trancher nettement à propos du bien-fondé des dites plaintes, il ne reste pas moins que son analyse dépasse le technique pour toucher une question plus fondamentale et un peu plus complexe : cette relation de cause à effet entre fonction parlementaire et privilèges parlementaires.
Ainsi, il est dit que Le « privilège parlementaire » s’applique plutôt aux droits et immunités jugés nécessaires pour permettre à l’institution, et à ses députés en tant que représentants de l’électorat, d’exercer leurs fonctions. Il désigne également les pouvoirs dont l’institution est investie pour se protéger ainsi que ses députés et ses procédures d’une ingérence indue et s’acquitter efficacement de ses principales fonctions : enquêter, débattre et légiférer.
Les indemnités ne sont qu’un élément d’un ensemble de privilèges. Contester un élément d’un ensemble parait comme une preuve d’une vision aiguë et étroite des choses telles qu’elles doivent être.
Après quelques mois d’un travail constituant, on se demande si la fonction a impliqué les privilèges adéquats ?
Un des privilèges parlementaires reconnu c’est cette qualité « élu » qu’on doit honorer. Honorer sa qualité d’élu(e) c’est honorer son électorat et, surtout, honorer l’Institution (ANC).
Si on part du point autour duquel tout le monde est d’accord à savoir que le mandat fondamental et principal de l’ANC était de fournir à la Tunisie et à son peuple Une Constitution, on est en droit de se poser la question : ce mandat n’est-il pas un mandat spécial faisant que l’obligation des mandataires (élus) soit une obligation de résultat et non de moyen.
Ce mandat a-t-il été exécuté ? Non.
Ce mandat est-il divisible ? Non. Tout le monde en assume la responsabilité.
On est tenté de dire que c’est l’ANC en tant qu’institution qui doit subir tout ce poids de culpabilité ; mais quand on sait que l’adéquation de la relation fonction-privilège a été assurée par une certaine affirmation de l’autorité de l’Institution parlementaire, on se rend compte avec du recul, que ce sont ses membres en premier qui ont affaibli cette autorité.
Dès le départ, on a « légalisé » l’ingérence dans les affaires de l’ANC. C’est une ANC contestée et affaiblie. Après quelques mois, cette institution n’était plus en mesure de remplir ses fonctions ; les privilèges qui en sont rattachés ne peuvent que suivre le même sort.
Aujourd’hui, les élus se contestent mutuellement par plusieurs moyens et outils. Aussi légitimes ou compréhensibles soient-elles, ces actions ne font que déshonorer l’Institution.
Terrible est cette mentalité de négation de l’autre qui ne fait plus la distinction entre l’autre en tant que personne ou l’autre, institution soit elle !
S’il est vrai que le « parlementarisme » tient beaucoup du « politique » (qui n’est pas souvent correct), il ne reste pas moins qu’il est avant tout une « mentalité » (qui requiert des idées nobles).
[i] - On note encore une fois que Le RI dans sa version initiale (articles 296, 307, 308, 309 et 310) donnait une réponse plus adéquate à de tels problèmes.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire