samedi 9 février 2013

Hamadi Jebali doit passer par l’ANC

Le remaniement annoncé (mais encore attendu) par le Chef du gouvernement Mr Hamadi Jebali suscite encore des polémiques politiques mais aussi juridiques, tant à l’ANC qu’ailleurs.

La question qui se pose aujourd’hui est Si H Jebali doit avoir l’aval de l’ANC pour procéder à ce remaniement ou non ?

Venons d’abord aux faits : Selon les discours de HJ, il serait probable qu’on sera en présence d’un gouvernement restreint composé de « technocrates ». Ainsi, plusieurs ministres vont être « remerciés » par le Chef du Gouvernement.

Ainsi, dès le départ, se fiant aux déclarations de HJ, il n’y aura pas de démission du Gouvernement.

Que disent les textes ?

D’abord, les textes qui devraient être mis en évidence sont la loi fondamentale sur l’organisation provisoire des pouvoirs publics OPPP (ses articles 15, 19 et subsidiairement l’art 17.2) et le règlement interne de l’ANC (art 95.2 ).

Selon nos textes un gouvernement se forme et se dissout. Il se forme à la suite des élections (art 15) ou à la suite d’une motion de censure approuvée à la majorité absolue (art 19).

Selon nos textes, aussi, la question d’une démission collective d’un gouvernement n’est même pas prévue. L’article 19 se limite à considérer le gouvernement qui a subi « le retrait de confiance » suite à une motion de censure comme un gouvernement démissionnaire.

Dans tous les cas de figure, nous ne sommes pas encore là. Ni Hamadi Jebali a déclaré vouloir présenter la démission du Gouvernement, ni une procédure de motion de censure a été déclenchée du coté du Palais de Bardo (ANC).

Donc, si c’est le cas, on ne verra pas Moncef Marzouki, président de la république, entrer en scène.

De même, toute la procédure prévue que ce soit à l’art 15 ou à l’art 19 de l’OPPP ne devra pas avoir lieu…puisque nous ne sommes pas dans un cas de démission volontaire ou forcée de tout un gouvernement.

Mais Hamadi Jebali a-t-il le droit de remanier son gouvernement ? Jusqu’où peut-il aller dans ce remaniement ? et doit-il avoir l’aval de l’ANC ?

Personne n’a cru que ce texte de l’OPPP est aussi lacunaire et désastreux qu’il l’est réellement.

Oui, Hamadi Jebali peut remanier son gouvernement…comme il le veut….mais sans pour autant pouvoir échapper au contrôle de l’ANC.

Pour pouvoir le faire, H Jebali peut remercier les 100 ministres tout en disant que je ne présente pas la démission d’un gouvernement mais j’ai le droit de le remanier. C’est lui qui a le pouvoir de qualifier son geste.

Le seul qui pourra contester cette action, ca sera le président de la république qui pourra saisir l’ANC par le biais de l’art 20 OPPP en disant que c’est une action déguisée voulant occulter les pouvoir du président.

Mais comment HJ pourra le faire ?

C’est en cherchant une petite imprécision dans l’art 19, 5ème paragraphe avec une acrobatie de liaison avec l’art 17.2 du même texte (OPPP).

Mais on verra que cet échappatoire ne va pas l’épargner le devoir de recourir à l’aval de l’ANC.

En effet, ce paragraphe cite le cas de « vacances » d’un poste ministériel.

N’ayant pas précisé les cas de vacances, le texte OPPP doit subir les règles d’interprétation générale. Seront cas de vacances : décès, incapacité totale, démission…ou révocation.

Sur ce plan, H Jebali peut remercier ses ministres. Il peut le faire sans pour autant être obligé de les remplacer. C’est l’art 17.2 qui lui laisse cette possibilité. En effet, il a le droit de supprimer tout simplement les ministères qu’il veut et sans même passer par l’aval de l’ANC ou du Président de la république.

Mais l’article qui laisse HJ en droit de révoquer ses ministres comme il veut, le laisse dépendant d’un fatal passage par l’ANC pour les ministres qu’il nomme.

En effet, le paragraphe 5 de l’art 19 oblige le 1er ministre à présenter tout nouveau ministre à l’ANC. Que se soit une nomination à la suite d’un retrait de confiance ayant concerné un seul ministre ou une nomination à la suite d’un cas de vacances (entre autre une révocation), tout nouveau ministre doit être présenté à l’ANC pour avoir sa confiance.

D’ailleurs, l’art 95.2 du règlement interne de l’ANC confirme cette interprétation puisqu’il précise que la majorité absolue est requise pour la « Confiance » : confiance accordée à un gouvernement ou confiance accordée à un de ses membres.

Dans l’esprit de l’ANC, le gouvernement dans sa globalité ou pris individuellement, ne doit pas échapper à cette « Confiance ».

Donc, en résumé, Hamadi jebali peut remanier comme il veut son gouvernement (quitte à subir une contestation du Président de la République) mais il lui serait impossible de faire échapper ses nouveaux ministres à un vote de confiance de l’ANC par application de l’art 19 OPPP et 95.2 RI.

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