mercredi 6 novembre 2013

Polémique à propos de l’amendement du Règlement Intérieur : qu’aurait elle dit une Cour Constitutionnelle ?

Indépendamment des considérations politiques qui alimentent la polémique à propos du dernier amendement du Règlement Intérieur de l’ANC, un débat juridique relevant du pur droit parlementaire pourrait être entamé pour voir quelle position aurait pu prendre une Cour Constitutionnelle si elle existait ?
Technique et procédural par excellence, le droit parlementaire contemporain a pris une autre dimension à partir du moment où certaines instances constitutionnelles européennes (Cours, Conseils…) ont reconnu une valeur constitutionnelle aux Règlements intérieurs des assemblées parlementaires.
Ainsi, l’interprétation au niveau du droit parlementaire ne se fait plus par une référence exclusive au RI, mais aussi par référence à la Constitution (élément aussi absent dans notre cas d’espèce).
Le juge constitutionnel n’est pas un juge administratif. Ce dernier juge la légalité et se trouve, par conséquent, prisonnier du texte. Même s’il procède à une interprétation in extenso, il doit toujours lui chercher une base légale. Le juge constitutionnel, en revanche, jugeant la constitutionnalité dans la forme et dans la teneur, il peut se référer à l’esprit de la Constitution pour se permettre la prise en compte de l’éventualité et de la supposition.
C’est en tenant compte du paragraphe précédent que l’analyse technique relatif à la polémique en question trouve son intérêt.
Les ingrédients de cette analyse sont les suivantes :
- Initiative d’amendement du RI
- Droit d’amendement exercé par élus au sein de la plénière
- Droits de l’opposition
- Stabilité de l’institution parlementaire et ses institutions
Les faits :
Au cours du dialogue national, les participants se sont convenus d’accélérer le processus constituant. Ils ont estimé que ce processus devra prendre fin dans 4 semaines.
Ce « dictat » ne pouvait pas être respecté sans l’amendement du texte de l’OPPP et du RI. Nous avons travaillé sur cette éventualité et nous avons ciblé plusieurs textes dont l’amendement pourrait faciliter le but recherché sans le garantir. Article 3 OPPP et certains articles du RI dont l’art 106.
La Procédure:
Contrairement au texte de l’ISIE, le dialogue nationale n’a pas transmis à l’ANC une proposition d’amendement du RI précise.
Pour rappel, l’amendement du RI est régie par les dispositions de chapitre 11. L’article 141 prévoit 2 procédés : soit l’amendement provient d’une initiative émanant de 10 élus (parag. 1) soit sur proposition de la commission du RI (parag.3).
Lisant le rapport de la commission du règlement intérieur, il apparait que l’initiative d’amendement s’est faite en fonction du parag.3 et non du parag.1.
Si y avait une initiative de 10 élus demandant seulement amendement de l’art 106, les donnes auront pu avoir une analyse différente.
Il est à préciser que le rapport de la commission RI mentionne expressément que l’amendement du RI vise à assurer la réussite du processus démocratique et l’achèvement de la rédaction de la Constitution dans les plus brefs délais ne dépassant pas les 4 semaines.
Mais au cours de son travail, un conflit a opposé 2 oppinions :
Une 1ère opinion, celle de l’opposition, a estimé que l’amendement du RI doit se limiter à l’article 106 prévoyant la procédure d’adoption de la Constitution.
L’autre opinion a estimé que l’accélération du processus constituant ne se limite pas aux procédures de l’art 106, mais doit s’étendre aussi à la stabilité fonctionnelle des structures de l’ANC (plénière et Bureau). Du coup, l’amendement devra toucher plusieurs articles autre que l’art 106.
La commission a fini par adopter la 2ème opinion et a procédé à proposer à la plénière l’amendement des articles 36, 79, 89, 106 et 126 (l’amendement des articles 32 et 115 n’a pas été retenu par la commission ; de même, un amendement visant l’article 126 et prévoyant de considérer l’élu absent durant un certain nombre de séances comme démissionnaire n’a pas été adopté).
Durant et après adoption des amendements par la plénière, plusieurs blocs parlementaires et élus ont considéré que les amendements apportés visaient à sanctionner les élus qui se sont retirés après le 25 juillet 2013 et sont allés même à les qualifier d’un coup d’état parlementaire visant à permettre au parti Nahdha d’avoir la main mise sur l’ANC étant donné que les articles 36 et 79 apportent des atteintes considérables aux pouvoir du président de l’ANC et à son bureau.
Théoriquement, par les dispositions de l’article 79 nouveau, 109 élus (majorité absolue) peuvent forcer la main au Bureau pour tenir une plénière qu’ils fixent eux même son ordre du jour. Enorme.
Si on avait une Cour Constitutionnelle et une Constitution, ce cas d’espèce aurait pu être une occasion pour fixer un cadre juridique harmonieux pour l’exercice des initiatives parlementaires et le droit d’amendement.
En effet, une initiative parlementaire se fait dans un sens et un esprit bien déterminés. Ainsi, il serait absurde de la faire adopter par la commission et la dénaturer en plénière. Par conséquent, et si on reste dans cet esprit d’analyse, une initiative parlementaire ne devrait pas être amendée sans l’accord de ses auteurs.
Pour y arriver, le droit d’amendement doit être limité.
La jurisprudence Constitutionnelle contemporaine a hissé ce droit d’amendement aux droits constitutionnels des parlementaires les plus absolues et a veillé au grain pour ne pas le toucher ou l’altérer.
La commission du RI s’étant déclarée saisie en fonction du parag 3 de l’article 141, elle s’est considérée comme l’auteur de l’initiative et, donc, elle était en droit d’amender tous ces articles dans l’esprit d’accélération.
La Cour Constitutionnelle aurait eu du mal à contester la Procédure.
Mais l’analyse saurait-elle la même si l’initiative d’amendement émanait de l’opposition ?
Non.
Dans cette hypothèse, une Cour Constitutionnelle aurait jugé 2 droits qu’elle considère importants : Droit d’amendement et Droits de l’opposition.
Le sens de l’analyse serait le suivant : les élus (opposition ou non) ont le droit d’amender ; l’initiative d’amendement émanant de l’opposition ne doit pas être dénaturée par les amendements en plénières. Par Conséquent, la majorité aura le choix entre l’approuver ou la refuser à moins que cette opposition accepte les amendements proposés et les approuvent.
L’article 59 dans le projet de la Constitution (version 1 juin 2013) prévoit la constitutionnalisation du rôle de l’opposition. La future Cour Constitutionnelle devra en tirer les meilleures conclusions.
Sinon, et dans un autre cadre, je n’arrive plus à suivre certaines « inventions » inédites dans l’application des procédures parlementaires.
Si j’ai bien compris le mécanisme spécial adoptée par la dernière plénière amendant le RI, la technique était la suivante :
Le projet d’amendement était sous forme d’un projet à 2 articles, chacun contenant les amendements aux articles mentionnés (36, 79, 89, 106 et 126).
Avant de voter les articles 1 et 2, on a procédé à un vote inédit : maintenir les amendements (les articles nouveaux) ou les refuser. Le vote positif du maintient fixe la version proposée et la valide tandis que le vote négatif, retire l’article rejeté de l’article 1 ou 2.
Ce que je n’arrive pas à comprendre, c’est qu’au cours du débat, on a amendé l’amendement proposé. Ainsi, tous les articles (exception de l’art 126) contenus dans l’article 1er ont été amendés (par rapport à la version adoptée par la commission et transmise en plénière).
Faut savoir si ces amendements ont été apportés aux amendements proposés par la commission avant ce vote de validation ou après ?








































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