lundi 25 novembre 2013

L’ATT : problèmes de légalité et de Constitutionnalité

Le décret n° 4506 créant l’ATT (A2T) a été pris par référence à l’article 17.3 du l’OPPP qui confère au chef du gouvernement la compétence exclusive de créer des établissements publics ou en supprimer.

Mais au vu de la teneur de ses dispositions, le caractère réglementaire du dit texte devient très discutable.

En effet, l’Article 2 habilite L'agence technique des télécommunications à assurer l'appui technique aux investigations judiciaires dans les crimes des systèmes d'information et de la communication par la réception et le traitement des ordres d'investigation et de constatation des crimes des systèmes d'information et de la communication issus du pouvoir judiciaire conformément à la législation en vigueur.

Nous avons relevé que cette ATT fait office de police judiciaire en matière de crimes des systèmes d’information et de la communication.

C’est par la nature de ses attributions, que le caractère réglementaire du décret 4506 devient très discutable.

1)   D’abord, « crimes des systèmes d’information et de la communication » ne sont pas une catégorie de crimes précise et clairement identifiée. Le principe de la légalité des peines et délits se trouve violemment bousculé voir même bafoué et avec lui, la compétence législative de l’ANC telle que précisée à l’art 6 du texte de l’OPPP.

2)   Ensuite, il faut bien rappeler que la création d’établissement public n’a pas la même portée que la création de catégories d’établissement public. Si la 1ère relève du domaine réglementaire, la 2ème fait partie du domaine législatif.

Cette distinction se trouvait dans la constitution du 1959 et a été largement consacrée et précisée par l’ancien Conseil Constitutionnel Tunisien qui a veillé au grain (à propos du respect du dit principe). Ainsi, et à titre indicatif, on rappel les avis du dit conseil n°2007-04 du 27/10/2007 ; avis 2007-14 du 7/3/2007 ; avis 2006-1 du26/4/2006.

Le critère de distinction est très subtil : on se pose la question si les attributions de l’établissement en question ressemblent à d’autres assurées par d’autres établissements ? Si oui, ce n’est pas une nouvelle catégorie et ressort du domaine réglementaire ; si Oui, ca devient du domaine législatif.

Le texte de l’OPPP a omis de mentionner cette compétence. Mais cette omission ne prive pas de soulever la compétence de l’ANC par référence au bon sens juridique d’autant plus que le projet de la Constitution Tunisienne prévoit cette compétence législative en matière de création de nouvelle catégorie d’établissements publics.

3)   L’ATT est habilitée pour constater les crimes. Ce n’est pas un appui technique, c’est une procédure pure et simple : un vrai pouvoir.

Le constat de crimes non identifiés dans un domaine très étendu et touchant profondément la vie privé des citoyens peut porter une atteinte GRAVISSIME aux droits les plus élémentaires.

La référence abstraite au code de procédure pénale ne suffit nullement à assurer la protection des droits et libertés des Tunisiens.

L’ex Conseil Constitutionnel Tunisien a magistralement donné une leçon dans un cadre semblable dans un avis 2005-74 du 21/10/2005.

 

Le comble de cette histoire, c’est que nous nous trouvons dans l’obligation de se référer à une jurisprudence d’Institution (le Conseil Constitutionnel) accusée d’être créée pour servir les intérêts de Zaba !!

Quand on constate que le dit décret a été rendu après avis du ministère de la justice et du TRIBUNAL ADMINISTRATIF, on se demande si les institutions post révolution ont une perception minimale du respect des droits et libertés des citoyens ?

Apparemment, certains n’ont des « couilles » que quand il s’agit de censurer des décisions de l’ANC ; mais quand il s’agit de protéger les droits constitutionnels les plus élémentaires des citoyens, la cervelle n’a plus les moyens de se hisser à un esprit d’un juge constitutionnel.

 

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