jeudi 27 février 2014

Instance Constitutionnelle et élections : Une priorité qui fait mal?

 

Au moment même de la dernière phase de la rédaction des dispositions transitoires, l’idée de veiller à la Constitutionnalité des lois adoptées soit par l’ANC soit par la CRP (Chambre des Représentants du Peuple) a été adoptée.

L’article 148.7 en est le résultat. C’est l’IPCCPL (Instance Provisoire pour le Contrôle de la Constitutionnalité des Projets de Lois) qui en sera l’outil.

Quelques jours après, un avant-projet a été soigneusement conçu et rédigé par des Conseillers à l’ANC. Entretemps, la Commission de législation générale a entamé son examen de la loi électorale conçue et rédigée par des associations de la société civile.

Bizarrement, un débat s’est installé au sein de l’ANC : quelle priorité ? Loi électorale ou IPCCPL ?

Pour ceux qui donnent priorité à la loi électorale, ils estiment que c’est plus urgent de donner à la nouvelle ISIE le cadre légal électoral afin qu’elle se mette à préparer les élections.

D’autres, attachés à intégrer les dispositions de l’article 15 de l’ancien décret-loi 35-2011, estiment que si l’IPCCPL voit le jour avant, les parties concernées par cette disposition de l’article 15 vont soulever son inconstitutionnalité !

En revanche, ceux qui donnent priorité à l’instance provisoire estiment que l’ANC doit respecter la Constitution qu’elle a adoptée. Ils estiment même que le bon sens implique même une abstention de cette ANC de légiférer en dehors de tout cadre du contrôle de la Constitutionnalité. Si cette ANC sera la première à violer cette Constitution, elle aura signé l’arrêt de mort de ce texte. Personne ne la respectera par la suite.

Alors, accélérer le processus électoral au risque de violer la Constitution ou veiller à son respect au risque de retarder l’examen d’une loi électorale dont les délais de son adoption échappent à tout contrôle ?

That’s The Question !

jeudi 20 février 2014

De la compétence exclusive de l’ANC pour proposer un projet de loi sur l’instance provisoire du contrôle de la constitutionnalité des lois

Ça fait des mois que nous avons pensé à assurer un contrôle de constitutionnalité, au moins limité, durant la période transitoire entre l’adoption de la Constitution et la mise en place de la Cour Constitutionnelle.

Ça fait des mois que nous y travaillons aussi, dans le silence.

Au moment où la question a été soulevée au sein de la Commission des consensus et au vu des avis des uns et des autres, un projet a été proposé aux membres de la dite commission. Nous avons adapté sa composition aux avis des membres. Le point 7 de l’article 148 a été (presque) unanimement adopté.

Dès l’adoption de la Constitution, nous nous sommes penchés sur les étapes qui suivent cette adoption et les actions à entamer de manière urgente, à court terme, à moyen terme et à long terme.

Nous connaissons cette Constitution dans ses moindres détails. Nous connaissons parfaitement ses faiblesses. Nous savons à l’avance sur quoi cette Constitution pourra buter ; sur quels points elle pourra piétiner ; dans quelles matières elle pourra s’avérer compliquée à appliquer…nous le savons, plus que tout autre.

Dans le silence, nous avons mis en place toute une stratégie, au stricto sensu, pour sauver cette Constitution de tout aléa la menaçant d’être un texte désuet, inefficace, inapplicable, inapproprié ….d’être un texte mort-né.

En même temps, nous avons conçu l’instance provisoire pour le contrôle de la constitutionnalité des projets de lois. Pour y arriver, nous avons pris toutes les considérations, les hypothèses, les mécanismes et les outils lui garantissant son efficacité.

Un projet complet a été remis à l’autorité qui l’a ordonné : Le président de l’ANC.

Aujourd’hui, certains font circuler l’information que le gouvernement se penche sur un tel projet. Ils le font pour insinuer que l’ANC avait gardé les bras croisés, inerte, immobile et refusant l’action.

C’est faux.

Non seulement que l’ANC a fait son travail par devoir, mais aussi par obligation : aucune autre autorité, ni le président de la république, ni le gouvernement, ont compétence pour présenter un tel de projet.

En effet, les dispositions transitoires ont maintenu les dispositions des articles 4 et 6 du texte de l’Organisation Provisoire des Pouvoirs Publics (OPPP) mais il faut voir de près dans quel sens ce maintien !

L’initiative législative reste exclusivement appartenir au Gouvernement ou à 10 membres de l’ANC. Cette initiative concerne les lois organiques et ordinaires énumérées à l’article 6 de l’OPPP.

Ainsi, pour le gouvernement, son initiative reste obligatoirement limitée à ce qu’autorise le texte de l’OPPP.

Or, dans ce texte de l’OPPP, le gouvernement ne pourra pas, et n’a pas le droit de présenter un projet de loi organique relatif à une instance Constitutionnelle.

Seuls les membres de l’ANC pourront le faire par cette délégation expresse de l’article 148.1 paragraphe 2, autorisant les membres à proposer des projets de lois relatifs aux instances crées par toutes les lois adoptées par l’ANC. La Constitution est une loi. L’instance du contrôle de la Constitutionnalité en est une aussi.

Loin de cette précision, il me semble que plusieurs n’ont pas encore lu la Constitution, ou au pire, ils les ont lu en diagonal ou à travers des articles de charlatans.

L’ANC doit veiller au respect de la Constitution. Elle doit montrer l’exemple.

Elle doit, par conséquence, respecter la compétence des différentes autorités.

Elle doit aussi garantir que la loi électorale soit conforme à cette nouvelle Constitution.

La bataille de la Constitutionnalité a commencé.

Soit le premier signal soit fort et rassurant, soit c’est forcément non rassurant.

mercredi 12 février 2014

Conflit de compétence ou preuve d’incompétence


J’ai suivi avec intérêt le débat-litige entre la présidente de la commission de législation générale et la présidente de la commission des droits et libertés et des affaires étrangères à propos de cette compétence relative à la loi électorale.
L’intérêt de ce débat-litige, pour certains, c’est qu’il met en face à face, 2 présidentes des 2 plus importantes commissions législatives, appartenant au même groupe : Nahdha.
L’autre intérêt, c’est que contrairement à ce qu’on a dit et on a fait circuler, la compétence à propos de cette loi électorale n’est pas nettement précise ou fermement attribuée.
Comme le dit Mme Souad Abderrahim, les dispositions du règlement intérieur de l’ANC ne sont pas aussi fermes qu’on le pense.
Le débat à propos de ce projet de loi met en lumière un réel problème : la répartition des projets de lois entre différentes commissions législatives. Une répartition hasardeuse et « à vue ».
L’exemple le plus frappant, le projet de loi relatif aux prix et la concurrence. Ce projet s’est vu confié à la commission des services. La commission de législation générale n’a été saisie que pour avis !!
Cette attribution à la commission des services s’est faite, je le pense, sur un seul critère : le ministère d’origine du projet qui est le ministère de commerce.
Objectivement, les 2 commissions les plus appropriées pour en discuter, sont la commission des finances et celle de législation générale. Or, il en a été décidé autrement.
Je trouve étrange que la répartition se fait toujours par le même mécanisme appliqué sous l’ancienne Chambre des députés. Un tel mécanisme n’était pas hasardeux ; au contraire, il été bien étudié et  «rationnellement » arrêté.
Le poursuive même sous cette ANC, ne peut que soulever des questions.
Alors, devrons-nous poser la question : quelle commission devrait être saisie, de principe, de cette loi électorale ?
Le bon sens dit : La commission des droits et libertés.
Le règlement intérieur n’est pas aussi affirmatif qu’on le pensait être.
Pour une loi aussi importante que la Constitution, rien n’interdisait une petite consultation pour en avoir le cœur net.

Il est évident que ce conflit de compétence ne puise pas ses sources dans le seul respect des règles de procédure ou le seul concept du bon sens, mais il se justifie aussi par les enjeux que présente ce texte. 
En effet, certains ne manquent pas de le hisser au même niveau d'importance que la Constitution et ils n'ont pas tort. 
Dommage qu'on continue à compter les lacunes de notre règlement intérieur et l’incapacité de remédier à une incompétence terrifiante.

lundi 10 février 2014

Entrée en Vigueur de la nouvelle Constitution : Réalité et utopie.

 

Aujourd’hui, le 10 février 2014, l’imprimerie officielle de la République Tunisienne publiera le texte de la nouvelle Constitution Tunisienne dans un numéro spécial.

Par l’effet de l’article 147, la nouvelle Constitution entrera en vigueur immédiatement dès publication.

Jusqu’aujourd’hui, des gens sont encore en euphorie de cette adoption ; d’autres sont encore sous le choc de la voir naitre.

Euphorie dans un camp, susceptibilité et amour propre atteint dans un autre camp, deux humeurs qui empêchent de positiver.

Une bonne partie de notre législation sera ipso facto, dès publication, non conforme à la Constitution.

La non-conformité n’impliquant pas leur nullité ; les tribunaux n’étant pas autorisés à se prononcer ; Personne ne pourra rien faire en face de cette masse colossale des dispositions non constitutionnelles.

Pire encore, la campagne électorale étant entamée de fait et sans attendre la loi électorale, on craint que plusieurs ne prêteront aucune attention à ce devoir national de penser à la mise à jour de notre législation.

Ceux et celles qui n’ont pas aimé cette Constitution, ne vont pas bouger un doigt pour le faire ou y participer, non plus.

Cette Constitution risque la désuétude.

Elle risque de rester un texte utopique.

Et c’est une triste réalité…d’y penser.

vendredi 7 février 2014

Une Constitution en péril !

Finit l’euphorie et les festivités ?

Il est temps de poser les pieds sur terre et de voir une triste éventualité : Cette Constitution pourrait rester une utopie.

Cette Constitution pourrait rester un simple « torchon » comme on me l’a, « justement », souligné.

C’est en lisant un « torchant » de bout de presse (Journal le Temps du 7/2/2014) que je me suis rendu compte que cette éventualité devient alarmante.

D’un point de vue Technique,

Une bonne partie de la législation tunisienne devrait être mise à jour au plus vite possible. Le chapitre « droits et libertés », à lui seul, commande la mise à jour d’une dizaine de lois et de codes de lois.

La tâche n’est pas aussi simple qu’on le pense (comme certains charlatans le prétendent). Ça demande tant de synchronisation entre différents services et départements. Ça demande tant de professionnalisme. Ça va nécessiter un coût très conséquent.

Il faut rappeler que non seulement la nouvelle Constitution s’est référée explicitement à plusieurs lois pour gérer des nouvelles situations juridiques, mais aussi, une référence implicite à une obligation de mise à jour est manifestement affirmée par cette même nouvelle Constitution.

Il faut rappeler aussi, que malheureusement, cette Constitution n’a pas prévu la mise en place d’un mécanisme de mise à jour de la législation Tunisienne.

Malgré nos alertes sur la nécessité de prévoir une disposition transitoire obligeant tous les pouvoirs publics à s’y mettre (disposition recommandée aussi par les experts) dans un délai précis, aucune référence à cette démarche n’est prévue par la nouvelle Constitution.

Ça sera, alors, « chacun pour soi » ?

Si ça sera ainsi, ça sera le grand cafouillage législatif, du jamais vu dans notre histoire.

Si chaque département va s’intéresser à mettre à jour sa propre législation, ça sera un très mauvais signe d’une dislocation  de l’Etat.

La mise à jour de notre législation doit être faite selon une planification précise, un bon plan de financement et une bonne campagne de sensibilisation.

D’un point de vue politique,

Une bonne mise à jour de notre législation recommande une classe politique sensibilisée et mobilisée. Spécialement, celle qui sera représentée à la Chambre des représentants du peuple (CRP).

Tous les spécialistes s’accordent à ce qu’un Parlement (menu d’un mandat législatif) doit être plus stable et plus efficace, et de ce fait, sa configuration ne devra jamais être la même qu’une Constituante.

Reconduire le même système électoral de l’ANC avec l’actuelle configuration partisane, impliquerait une future chambre instable et confuse.

On s’attendait à des coalitions politiques qui pourraient inspirer une vision plus sereine du paysage partisan de la future Chambre, mais, hélas, le présent nous laisse perplexe.

Ainsi, à en croire le journal « le temps » d’aujourd’hui (7/02/2014), le parti Nida tounes serait en pourparlers avec le parti Massar pour une coalition électorale. Le Parti Jomhouri, serait en pourparlers avec Alliance démocratique. Le Front Populaire fera cavalier seul !!

Des coalitions inédites ou inconcevables !

Ce paysage disparate et confus de l’opposition en face de l’harmonie qui gagne de plus en plus le parti « Nahdha » laisse supposer une nouvelle Chambre très hétéroclite qui ne favorise pas une démarche rationnelle pour la mise à jour de notre législation.

Encore plus alarmant, si cette mise en échec de toute mise à jour de notre législation devient une stratégie politique pour les uns !!

Mettre en échec la mise en œuvre de cette nouvelle Constitution c’est mettre en échec toute la révolution.

Chacun assumera sa responsabilité.

 

 

mercredi 5 février 2014

La Constitution en Vidéo

Après les vidéos présentant les Chapitres 1&2 (Principes Généraux & Droits et Libertés) et 3 (pouvoir législatif), voici le reste des principaux Principes directeurs des Chapitres : Pouvoir exécutif, Pouvoir Judiciaire, Instances Constitutionnelles, Pouvoir local et Révision de la Constitution.
Des Traductions en langue française sont en cours.

Pouvoir Exécutif



Pouvoir Judiciaire



Instances Constitutionnelles indépendantes, Pouvoir Local et Révision de la Constitution



dimanche 2 février 2014

Le Chapitre Pouvoir Législatif dans la nouvelle Constitution (Vidéo)

Après la vidéo représentant les deux premiers chapitres (Principes généraux & Droits et Libertés), voici une vidéo représentant schématiquement et brièvement le pouvoir législatif tel que décrit dans le Chapitre 3.
Comme vous allez le remarquer, les choses commencent à se compliquer de plus en plus avec les différentes phases de la procédure législative.
Pour Rappel, la procédure législative commence par l’initiative et se termine par la publication du texte. C’est pour cette raison que ses différentes phases sont fragmentées entre différents chapitres (pouvoir exécutif et pouvoir judiciaire avec le rôle de la Cour Constitutionnelle)
Au niveau de ce Chapitre, on verra une première complication avec la procédure d’adoption de la loi des finances et une indication à propos du régime des Conventions internationales. On y reviendra.
On verra au niveau du chapitre suivant d’autres complications liées à cette procédure législative : le pouvoir de promulgation et de publication du président de la république.
Mais on verra aussi les différentes phases de formation du gouvernement (assez compliquées).
Une présentation finale de certaines questions connexes sera faite une fois toutes les présentations exécutées.
Warning : Une traduction de ces différentes présentations est en cours.  De même, une traduction personnelle de la Constitution sera mise en ligne dans les meilleurs délais étant donné le constat fait que les traductions actuelles, en ligne, sont pour le moment littéraires. Certes, l’effort déployé par leurs auteurs est considérable, mais il ne reste pas moins que certaines retouches (parfois profondes) sont nécéssaires.

Connaissez la nouvelle Constitution: Chapitres 1&2

samedi 1 février 2014

La nouvelle Constitution : Le chantier législatif

 

Enorme et colossal, le chantier législatif que la Tunisie devra entreprendre après l’adoption de la nouvelle Constitution.

Le seul Chapitre 2 relatif aux droits et libertés a des impacts directs sur plusieurs lois et codes de lois que l’Etat doit entamer leur actualisation et leur mise à jour.

Code de procédure pénale, Code pénal, code de procédure civile et commerciale, code des droits réels, code des impôts, code de la presse, code du travail, code d’enregistrement et du timbre, code de nationalité, loi électorale, loi du budget, loi des données personnelles, loi d’organisation territoriale, lois relatifs aux magistrats et aux avocats, lois relatives aux collectivités locales, …

Ce chantier devra être entamé en 2 valses :

Une phase urgente où la mise à jour doit être entamée tout de suite car les lois concernées sont considérées ipso facto , dès l’entrée en vigueur de la Constitution, non conformes à la Constitution.

Il faut rappeler qu’une loi non conforme à la Constitution n’est pas illico presto considérée comme abrogée. Seul le pouvoir législatif a ce pouvoir d’abrogation. Même après la mise de la Cour Constitutionnelle, ce pouvoir d’abrogation reviendra au parlement.

Une 2ème phase stratégique, à moyen et long terme, consiste à entamer la mise en place des nouveaux cadres législatifs pour mieux gérer la mise en place des instances du pouvoir local, des instances Constitutionnelles indépendantes, des principes de transparence et égalité fiscales et des nouveaux droits de santé, de sécurité sociales, du travail, de l’enseignement, de l’environnement et du cadre associatif.

Avant la révolution, ce sont le premier ministère et le ministère de la justice qui se chargeaient souvent des mises à jour et de la mise en place des nouvelles législations.

Je pense que ce temps est révolu.

Il est très important de créer un cadre plus élargi où sont associés cadres des ministères concernés, juristes confirmés, représentants de la société civile, des parlementaires, des bureaux d’études et unités d’assistance en matière de marketing, de communication et de mobilisation de bailleurs de fonds.

Un grand chantier. La Tunisie méritait de nouveaux habits.